Gilles Kepel est un universitaire très connu qui a consacré quarante ans de sa vie à étudier l’islamisme. Au moment de prendre sa retraite, il était temps pour lui de faire le bilan d’une carrière riche en productions intellectuelles et en conférences à travers un livre qu’il a intitulé, Prophète en son pays. L’ouvrage se lit facilement car il est truffé de choses vues, d’anecdotes, de rencontres et surtout, de voyages en suivant un périple vertigineux autour du monde comme le fit, Jules Verne à son époque sans bouger de sa Loire atlantique. Ce qu’il faudra retenir après l’achèvement de la lecture de ce livre ce sont les regrets de l’auteur de ne pas avoir été reconnu à sa juste valeur : narcissisme ou réalité ? Le livre parle beaucoup de cette injustice, jusqu’à éclipser le récapitulatif de sa bibliographie prolifique. Gilles Kepel plaide sa cause sur chaque page écrite, en énumérant ses exploits intellectuels et en mettant en avant son rôle de pionnier dans l’étude de l’islamisme. Il ajoute par ailleurs qu’il n’a pas cessé d’alerter les politiques sur les dangers d’un tel mouvement et sa capacité de nuisance. Il raconte comment il a été grugé par François Hollande et par son premier ministre Manuel Valls. Ces deux dirigeants socialistes lui avaient commandé un rapport sur la montée de l’islamisme en France avant de mettre tout ça dans le tiroir des oublis. Et, pourtant Gilles Kepel en 2000 avait prédit le déclin de l’islamisme pour que le monde se retrouve le 11 septembre 2001 avec l’attentat du World trade center de New York. Par ailleurs l’auteur en veut aussi aux grandes institutions universitaires comme Sciences Po et l’école normale supérieure pour leur conservatisme, on a envie de lui dire bienvenue dans le monde des vivants. Il faut vraiment être naïf pour ignorer l’emprise des normaliens sur les universités françaises. L’auteur avait aussi un rêve c’est celui de décrocher « la chaire » de langue arabe du collège de France, restée vacante durant 25 ans, lui qui se considère comme « le meilleur arabisant de France », alors qu’il confond « Kurde » et « Druze » quand il s’agit de parler du leader libanais « Walid Joumboulatt ». Enfin, l’Orientaliste Gilles Kepel s’en prend au wokisme à la mode qui l’horripile. Il nous en fait la démonstration en usant de comparaisons assez bizarres, quand il raconte comment se déroule sa rencontre avec un leader noir dans son fief aux States. Là, il laisse sa plume dériver vers des contrées dangereuses pour un intellectuel de renom : « Pendant le trajet, où je me fis l’effet de parcourir en diligence le Far West à la merci d’un raid de Peaux-Rouges » (p 106), Cherchez l’erreur ou la pertinence ?
Slimane Ait sidhoum.
Gilles Kepel, Prophète en son pays, Les éditions de l’Observatoire.