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Billet de blog 31 mai 2015

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ANALYSE DU SMG SUR LE PROJET DE LOI RELATIF A LA SANTE 2015

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le projet de loi dit de modernisation de notre système santé a été voté en avril 2015 par l'Assemblée Nationale et est actuellement en discussion au Sénat

Le Syndicat de la Médecine Générale ne s’est pas associé au Front des généralistes, qui a appelé à la grève puis au boycott de la carte vitale, et dont une partie a encouragé les médecins à pratiquer des dépassements sauvages du tarif conventionnel,  ajoutant à l’incompréhension de nos concitoyens.

Voir notre CP : Des leçons politiques de la grève des médecins généralistes

Le SMG dit NON au projet de loi de santé de Marisol Touraine.

Le SMG dit OUI à la mise en place d’un tiers payant généralisé obligatoire MAIS avec l’Assurance maladiecomme guichet unique ( cf analyse de l’art 18).

Le SMG MET EN GARDE contre des dispositions de la loi constituant une menace grave pour nos concitoyens (menace sur le secret médical et la confidentialité des données, ouverture aux intérêts privés).

Notre analyse se compose de l’analyse globale faite ici  ainsi que l’analyse article par article, accessible ici.

ANALYSE GLOBALE

1) Ne nous leurrons pas sur la «stratégie nationale de santé»

Ce projet présente des dispositions qui peuvent nous paraître séduisantes parce qu’elles semblent utiliser nos termes (territoire, service public), mais de vraies propositions de service public de santé au service des populations supposent desprérequis et des modifications profondes de structures, totalement absents des articles de loi.

Un prérequis est la nécessaire réorganisation des soins primaires1.C’était un des points importants du rapport Cordier remis en 2013 sur lequel la loi prétend s’appuyer. Voir notre analyse Pourquoi promouvoir le rapport Cordier. Mais sous couvert de reprendre la «stratégie nationale de santé» qui y était promue, le projet de loi n’aborde aucune transformation profonde. Un système territorial de santé n’est pas un simple déroulé de missions, pour lequel on demanderait une participation des structures et soignants existants (art 12, 13, 14), de même que le service public hospitalier n’est pas un composé de missions dans lequel on fait son choix.

Un autre prérequis est l’exigence d’indépendance à tous les étages du système tant au niveau de la formation initiale et continue, de l’exercice médical, des agences gouvernementales, de la politique du médicament que des décideurs politiques. La lutte contre les conflits d’intérêt n’est jamais abordée dans ce projet de loi. Le SMG soutient à ce suj et l'initiative Opération mains propres sur la santé lancée par l’association FORMINDEP , l’association ANTICOR et Europe-Ecologie-Les Verts.

Tout est également dans le contenu : si les propositions de contractualisation entre les professionnels et le service territorial de santé au public sont uniquement des contrats d’objectifs, plus ou moins chiffrés, à remplir dans un canevas prédigéré, considéré comme actions de santé publique, prévention, promotion de la santé et enrobé de paiement àla performance...alors NON.

Un véritable service public de santé territorialtel que nous l’envisageons (alors que la loi parle de «service territorial de santé au public») nécessiterait une dynamique ascendante à partir de problématiques identifiées par la base (professionnels de soins primaires et usagers), dans le cadre d’une démocratie sanitaire. Mais où sera la démocratie dans le fonctionnement pyramidal des Agences régionales de santé, où les représentants des usagers auront au mieux un strapontin ? Et comment établir cette dynamique sur une cartographie décidée d’avance et plaquée sur l’administratif, alors qu’il faudrait partir de territoires cohérents sur le plan des risques en santé et des besoins ? (voir analyse art 38).

Donc nous ne voulons pas de «stratégie nationale de santé» sans restructuration profonde ni sans lutte pour l’indépendance et contre les conflits d’intérêts ; et pas de stratégie nationale de santé sans réflexion sur le contenu ni sans démocratie.

2) Ne nous leurrons pas sur la gouvernance

Ce projet de loi donne clairement le pouvoir à l’Etat comme administrateur du système de soins et de santé et reprend en cela les recommandations du rapport Cordier (art 40, 41). C’est l’aboutissement de lois successives donnant pouvoir au directeur de l’Assurance maladie, nommé par l’Etat, au détriment du Conseil d’administration de l’Assurance maladie (loi Douste Blazy de 2004), puis loi HPST de 2009 créant le pouvoir des Agences régionales de Santé. Donner le pouvoir à l’Etat, mais avec quel projet ? Et ici on a tout lieu d’être inquiet : il est prévu dès le premier article, de donner une place accrue aux organismes de complémentaires santé qui sont «appelés à contribuer de façon décisive à la politique de santé», ce qui est antagoniste avec le caractère solidaire et universel2 du système rappelé dans l’énoncé des motifs. Il est ainsi dans la droite ligne de l’accord national inter-entreprises (ANI) qui, au lieu d’étendre le remboursement des soins par l’Assurance maladie, confère aux complémentaires santé un pouvoir accru : Le mensonge de la complémentaire santé pour tous.

Nous disons NON à l’abandon de la solidarité et de l’universalité au profit d’un rôle accru des systèmes assurantiels sous gouvernance de l’État.

3) Parlons réellement de mesures de justice sociale

Le projet se présente comme une stratégie de santé et parle de lutte contre les Inégalités sociales de santé, mais ne renvoie jamais à une organisation nouvelle, capable de repérer les risques en santé, les inégalités sociales de santé, les causes des maladies et les besoins de santé. Comment être efficace avec des mesures si ponctuelles (art 2, 3, 4) ? La partie n’est pas le tout et faire de l’information n’est pas faire de la prévention.

Nous appelons de nos vœux la mise en place du tiers payant généralisé (TPG). Encore faut-il garantir qu’il ne profite aucunement aux systèmes assurantiels privés, ce qui est loin d’être le cas dans la loi : nous exigeons un TPG à guichet unique au sein de l’Assurance maladie, évoluant enfin vers une suppression du ticket modérateur pour les soins primaires, et nous avons lancé une pétition en ce sens. Pour un tiers payant généralisé obligatoire.

La mise en place du TPG ne doit pas faire occulter que les franchises ne sont pas remises en question par la loi3, ni les dépassements d’honoraires, et que la loi ne garantit aucunement que les soins dentaires, ophtalmologiques et auditifs soient enfin à la portée de tous les citoyens (art 20).

Oui au TPG, mais cet étendard brandi par le gouvernement ne nous aveugle pas sur les lacunes sévères de ce texte en matière de justice sociale et de lutte contre les inégalités sociales de santé.

4) Ne laissons pas porter une grave atteinte au secret médical.

La confidentialité des données, fondement déontologique des relations de soins, est profondément remise en question par plusieurs mesures :

  • L’extension du partage des dossiers entre professionnels médical et médico-social (art 25)-
  • La relance du DMP, Dossier Médical Partagé (art 25) qui pose un véritable problème de confidentialité au vu de l’absence de confidentialité réelle du dossier hospitalier. Voir nos analysesdu DMP : DMP, cinq années de fiasco et Dossier médical personnalisé : 10 bonnes raisons de l'abandonner
  • L’ouverture de l’accès aux données de santé ambulatoire anonymisées (art 47), mais nous ne pouvons pas faire c onfiance à l’anonymisation des données, puisqu’il existe aujourd’hui des détournements de l’anonymisation des données hospitalières.
  • L’interconnexion des dossiers par l’extension de l’utilisation du NIR

De plus, cette ouverture des données de santé ambulatoires est une porte majestueusement ouverte aux appétits privés des assurances et lobbys, à des fins promotionnelles ou industrielles.

Voir à propos du secret médical :

Nous dénonçons ces dispositions, qui consolident légalement certaines pratiques déjà à l’œuvre et menacent le droit au secret médical des citoyens.

5) Un projet de loi qui ménage les intérêts privés

Il n’est pas étonnant, après tout ceci, de constater que le projet de loi entend ménager les intérêts privés et leur garantir une place dans ce système de distribution de soins. Il suffit de voir comment la Ministre de la Santé a rapidement reculé face à l’embryon de contestation des cliniques privées sur l’art 26. Il s’agissait enfin d’imposer des contraintes aux cliniques privées participant au service public hospitalier et en finir avec une asymétrie insupportable entre un système public qui assume ses obligations envers les citoyens et un système privé qui participe à la carte.

Dans ces conditions et si la ministre recule, comment une coopération public-privé peut-elle être opérante ? (art 50 – mutualisation des moyens au sein de groupement de coopération). Nous savons tous que de tels partenariats ne profitent qu’au privé et sont une stratégie perdante pour les citoyens.

Il s’agit bien toujours d’intérêts privés dans toutes les mesures de simplification, qu’il s’agisse de raccourcir les délais administratifs en matière de recherche en santé, pour attirer des promoteurs industriels (art 37-unification des contrats de recherche industrielle en établissement de santé), ou de diminuer les étapes de procédures de contrôle (CNIL, art 47).

On peut s'inquiéter de la cohérence de cette loi avec la loi Macron, quant à la volonté gouvernementale de libéralisation de l'économie et de marchandisation des services publics . (cf communiqué de presse du SMG du19 février 2015 : Article 49-3 : La force ne fait pas loi -Loi Macron et loi Touraine : non à l’hégémonie libérale contre les citoyens)

6) Pour des évolutions du système en accord avec les besoins, et selon une méthode démocratique et citoyenne

Le diagnostic de l’inadéquation de notre système aux enjeux qui se présentent est évident. Contrairement à certaines visions corporatistes, nous sommes prêts à penser des modifications dans les missions des soignants (art 30, 31).

Mais toute évolution doit répondre à l’intérêt supérieur des populations et à l’indépendance/absence de conflit d’intérêt, ce qui n’est pas le cas dans ce projet de loi. Toute évolution doit aussi poser enfin le débat et clarifier la définition des soins primaires contre les soins de premier recours : parce qu’enfin, dans quel langage voulons-nous parler? Le langage de l’offre et de la demande, dans lequel les citoyens ont «recours» au système de distribution de soins ? Ou le langage des besoins et des services rendus ?

La logique serait de définir collectivement les missions des soignants, définition dont découleraient logiquement les nouvelles formations initiales et continues et la rémunération de ces nouvelles missions.

La méthode gouvernementale n’est décidément pas la bonne, et les nombreuses définitions de périmètre par décret prévues dans la loi, ou les possibilités de légiférer par ordonnances (art 57), le prouvent encore une fois.

1 Le terme de «soins primaires» est la traduction littérale de l’anglais «Primary care». Alors qu’en anglais «primary» prend le sens de premier (sous-entendu «le meilleur» ), en français le terme « primaire» peut avoir une connotation péjorative. Nous préférons cependant le terme de «soins primaires» dans son esprit anglo-saxon, soit le premier des «prendre soin» des personnes qui s’adressent à un soignant quel qu’il soit – à celui de « soins de premier recours», qui fait référence à un système de l’offre et de la demande d’un système de soins basé sur le tout curatif.

2 Au sens où chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

3 Nous avons soutenu à ce titre la proposition de loi du Sénat n°262 visant à la suppression des franchises «médicales».

Syndicat de la Médecine Générale 52 rue Gallieni, 92240 Malakoff Tél : 01 46 57 85 85- Fax : 01 46 57 08 60

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