"Plus vous prétendez comprimer la presse, plus l’explosion sera forte. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle." (Chateaubriand).
Nous vivons une époque exécrable. Depuis 2007, voire depuis 2002, le sarkozysme sape uns à uns les fondements de ce que plusieurs décennies de République ont péniblement réussi à construire, à droite comme à gauche. Se voulant "décomplexé", il doit être envisagé comme une rupture forte et inédite avec les pratiques républicaines, érodant des principes que l'on croyait jusque là gravés dans le marbre. Nous risquons de porter longtemps le fardeau de cette politique antirépublicaine, érigeant l'incurie en principe constitutionnel et l'appropriation privative des moyens publics en mode de gouvernement.
Dans de nombreux domaines, le fléau sarkozyste a déjà fait tomber comme à Gravelotte quantités de nos valeurs communes : laïcité, monopole de la collation des grades, rupture de l'égalité devant l'impôt, indépendance de la justice. Mas les coups les plus graves ont été portés sans aucun doute contre la liberté d'expression. Combien de régressions devrons-nous encore connaître avant que les citoyens ne soient enfin révulsés par ces élus sarkozystes qui rêvent de porter en sautoir les reliques de la liberté de la presse et dont les attaques, notamment contre Mediapart, n'ont rien à envier à celles qui jalonnaient, mutatis mutandis, les colonnes infernales de Gringoire et de de Je suis partout ? Les gesticulations sarkozystes ont ces derniers jours dépassé les bornes et se sont éloignées de ce que l'on est en droit d'attendre d'élus de la République. Renvoyer au fascisme les méthodes de journalistes indépendants, libres et professionnels constitue non seulement une ignominie qui déshonore des sicaires convulsifs et gueulards. Cela tend surtout à réactiver une odieuse et commode théorie du complot, fondée à maints égards sur des ressorts pétainistes, qui tend à insinuer que la presse serait le bras armé d'un complot contre le pouvoir en place.
L'affaire Bétencourt est aujourd'hui à la croisée des chemins. La démission de deux lampistes réputés concussionnaires est un leurre qui n'apaisera pas la fournaise d'où jaillissent quotidiennement des nuées ardentes. La fin du cumul des fonctions de ministre de la République et d'élémosinaire de l'UMP n'y changera que peu de choses. Sans la nomination imminente d'un juge d'instruction indépendant, qui serait ainsi libéré des courroies de transmission qui entravent le parquet, le scandale risque de porter un coup fatal à nos institutions. Puisque dans un élan virginal, l'UMP stridule la blancheur de messieurs Woerth et Sarkozy, qu'y-a-t-il à perdre de recevoir justice de la part d'un magistrat indépendant plutôt que d'un fonctionnaire par essence déférent et subordonné au pouvoir politique. Nombreuses sont les questions auxquelles l'immarcescible inspection générale des finances n'a pas répondu, notamment en raison du fait qu'elles ne relèvent pas de sa compétence. Et parmi ces questions, l'une est la mère de toutes : M. Sarkozy a-t-il reçu illégalement, à la faveur de l'élection présidentielle de 2007, des fonds de la part de la famille Bétencourt ?
En attendant, une bonne nouvelle. Rambouillet est tombé.