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Billet de blog 4 décembre 2025

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Claude Louis Combet est mort

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Claude Louis Combet est mort. Il y a plus de trente ans la lecture d’infernaux paluds m’avait bouleversée. J’avais, à sa suite, écumé tous ses livres disponibles et nous avions fini par nous rencontrer dans son petit appartement de Besançon. Il y partageait sa vie avec Mireille sa compagne tandis que sa femme, handicapée, qu’il avait épousée par amour et par besoin de sacrifice, vivait dans leur appartement non loin. Deux femmes partageaient la vie d’un seul homme, un homme partageaient la vie de deux femmes. L’ordre des mots a son importance et j’opterai volontiers pour la seconde formulation. Claude a voué sa vie au sacrifice, à l’écriture qu’il voulait féminine et religieuse bien qu’il ne soit pas tout à fait une femme et qu’il avait abandonné la religion depuis longtemps.  A longueur de journée il vivait, en son for intérieur cette fusion mythobiographique mêlant, religion, sexe et psychanalyse qui emportait son esprit et le nôtre vers des ailleurs lointains et inouïs.

Une pirogue ornait un coin du salon, la lourde pinasse de la mort avait écrit René Char. La colonne vertébrale d’un petit animal en bronze sculptée par Dado ornait sa table de travail. Ces quelques éléments brefs formulaient en silence des indications précieuses sur son regard et sa pensée. Il y avait, dans cette pièce sombre une simplicité et une profondeur, où la mort avait un nom, qui nourrissait la rêveuse que je suis. Ses livres au sado masochisme sous-jacent, je me souviens du paillasson, son admiration pour Anaïs Nin qu’il avait bien connue, sa formation religieuse et philosophique, sa connaissance profonde de la psychanalyse, le désir incestueux abordé dans sa crudité, le féminin de l’homme assumé, tout dans sa réflexion encore aujourd’hui trop méconnue, défrichent des espaces devenus familiers de nos jours. On disait son oeuvre sulfureuse quand elle est tâtonnement vers la Vérité.

Claude ne se cachait pas derrière son petit doigt d’écrivain. Il livrait tout à trac ses désirs les plus puissants. Ce n’était pas Bataille, ce n’était pas Lautréamont mais un peu plus loin, la réflexion sur ce que la religion fait de nous en nous, ce qu’elle construit comme vision intime du monde avec ses outrances et ses perversités.

Les religions du livre sont des religions cruelles. Elles initient à la soumission et à la punition en un mot au sado masochisme. Il n’est qu’à étudier les vies de saint-e-s pour s’en rendre compte, des souffrances qu’iels s’infligeaient : Cilice et discipline étaient utilisés par tous les religieux. Les flagellant-e-s sont célèbres et Thérèse d’Avila n’hésitait pas à se nourrir des excréments de gens malades, sans parler du célèbre curé d’ars au masochisme établi… Les musées de la torture aux instruments inventés par des religieux montrent toute l’étendue des imaginaires religieux et les pratiques de la sainte église ont façonné nos désirs et notre sexualité. Si aujourd’hui les plus grands scandales de violences sexuelles impliquent de nombreux gens d’église et leurs affidés c’est sans doute que les textes sacrés et leurs interprétations émanent toutes de ce refus de la pulsion sexuelle et qu’ils élaborent des stratégies de soumission-domination pour l’exprimer et la contenir. Sade ne disait pas autre chose en son temps.

Claude se confrontait sans relâche à cet univers fascinant et dénoncé tout à la fois. Nous ne prierons pas pour Claude mais nous relirons ses livres. Et de toute éternité nous nous souviendrons de l’impertinence et de la liberté qu’il nous a permises

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