Solène ANSON (avatar)

Solène ANSON

Étudiante le jour et journaliste la nuit

Abonné·e de Mediapart

9 Billets

0 Édition

Billet de blog 14 novembre 2020

Solène ANSON (avatar)

Solène ANSON

Étudiante le jour et journaliste la nuit

Abonné·e de Mediapart

Covid-19 - Football amateur: «J'avais l'impression de voir un club mort»

C’est un coup de massue pour les associations sportives. Un de plus après l’annonce gouvernementale concernant le couvre-feu il y a quelques semaines, et ce nouveau confinement prolongé. Activités extrascolaires à l’arrêt, clubs de football amateur fermés, baisse du budget, diminution des partenariats et des licenciés… Rencontre avec Ferhat, Directeur Technique du Paris Alésia FC.

Solène ANSON (avatar)

Solène ANSON

Étudiante le jour et journaliste la nuit

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
À la suite de ce second confinement, le Paris Alésia FC a fermé ses portes aux footballeurs amateurs le 30 octobre dernier. © Paris Alésia FC
Le football amateur est à l'arrêt depuis le début de ce second confinement. Peut-on dire que les associations sportives sont les oubliés du plan de relance ?

Ce qui me rend triste, c'est l'incohérence de la fermeture des clubs amateurs. On accepte que des enfants soient à 30 dans une classe, en intérieur, à porter des masques, alors que les associations sportives sur les terrains de football peuvent prendre des mesures pour réduire la propagation du virus. Au sein de notre institution, nous pouvons nous organiser comme à la sortie du premier confinement et faire des groupes de neuf enfants pour un éducateur. De plus, les exercices se déroulaient sans opposition. Chaque jeune aurait un ballon désinfecté avant puis après la séance. Sur le terrain, les footballeurs ne se croisaient jamais. Quatre mètres carrés de surface par joueurs  attribuée pour qu'ils puissent s'entraîner. En tant que Directeur technique du Paris Alésia FC, j'étais capable de réduire les séances d'entraînement et de m'organiser avec les écoles pour qu'ils puissent faire du football par groupe. On doit tous se montrer responsable pour permettre aux enfants et même aux adultes, de faire du sport au moins une fois par semaine.                                             

Avez-vous perdu des licenciés à la suite de la pandémie ?

850 licenciés étaient présents l'an dernier. Malheureusement 600 ont foulé la pelouse cette saison. Le climat est actuellement anxiogène, notamment pour les familles qui ont peur d'être contaminée. En tout cas, le confinement a éteint nos espoirs de reprise. Il ne faut pas oublier que le sport est bénéfique pour renforcer les défenses immunitaires. On a grandi avec le sport, on est heureux et surtout on garde une certaine interaction et un lien social. Se dépenser éloigne un climat anxiogène et le stress. 

Illustration 2
Lors des séances, Ferhat désinfectait chaque ballon par licencié. © Paris Alésia FC

 Qu'avez-vous remarqué à la sortie du premier confinement ?

Les jeunes ont énormément pris du poids (environ 30%). Certains étaient pâles, d'autres ne se sentaient pas bien intérieurement. Le fait de refaire du football leur a permis de retrouver des sensations puisqu'ils étaient d'une certaine façon « coupés du monde ». C'est une bonne chose que les écoles soient restées ouvertes lors de ce second confinement puisque les enfants gardent ce lien social. Toutes les valeurs du vivre-ensemble, de l'épanouissement du corps et de l'esprit sont dans le sport, ce qui est primordial pour eux.

Finalement, l'activité sportive est vitale pour un enfant...

En dehors des problèmes sanitaires que rencontre le pays, le sport c'est bon pour le corps, mais surtout pour l'esprit. En rentrant de l'école, beaucoup ressentent des ondes négatives, sont fatigués. Et le fait d'aller à l'entraînement le soir va permettre au jeune de libérer son corps et sa tête. C'est une sorte de renaissance. Bien que le sport possède des vertus et des bienfaits nécessaires à la vie, les jeunes pensent et en plus, ils développent des idées.

Depuis la rentrée quelle a été votre situation ? Et quelle est-elle maintenant ?

Le premier confinement s'est mieux déroulé car nous étions en fin de saison. Et là, ce second confinement nous coupe dans notre élan. Sachant que le confinement pourrait encore se poursuivre, je crains que cette année soit marquée par une saison blanche. Nous n'avons aucune visibilité. Lors de la reprise, on se sentait libre de pouvoir jouer, mais les dernières mesures gouvernementales ont été radicales.

Illustration 3
Le football prône le collectif et l'apprentissage pour tous. L'arrêt simultané des championnats amateurs et des séances va entraîner une catastrophe sociale. © Paris Alésia FC

 Sur le plan psychologique, cette interruption des compétitions due au virus provoquent de fortes incertitudes sur la saison en cours. Comment gérer ces périodes ?

Je m'inquiète surtout pour l'état mental et l'épanouissement des enfants. Sur les réseaux sociaux je mets des exercices accessibles à tous. Les parents doivent les mettre en place deux fois par semaine pendant une heure avec un ballon et quelques bouteilles d'eau, faisant office de coupelles. Le but est d'entretenir leurs enfants, mais très peu prennent le temps de le faire. Avant le confinement, les enfants prenaient le goûter après l'école, puis filaient à l'entraînement vers 17h. Aujourd'hui, certains parents ne sont pas en télétravail et rentrent parfois tard.

On se rapproche dans une spirale où c'est du chacun pour soi ?

Effectivement. On risque de tomber dans une ambiance individualiste alors que les clubs prônent le collectif. Petit à petit nous perdons nos valeurs. Économiquement et financièrement, nous pouvons toujours trouver des solutions. Psychologiquement, c'est plus difficile. Nous sommes limités à sortir une heure par jour, à moins d'un kilomètre de chez soi, sans pour autant avoir un parc pour aller courir à proximité. Je suis donc conscient que certains joueurs s'entraînent peu et même pas du tout. On ne peut pas savoir si chaque licencié suit bien le programme physique et possède une bonne hygiène de vie. Le risque est de retrouver un groupe homogène. Ceux qui se sont entretenus et ceux qui se sont négligés. Je me suis rendu sur les terrains il y a quelques jours. J'avais l'impression de voir un club mort, un terrain sans vie, sans âme, sans cris d'enfants en train de s'entraîner. Ça fait mal. Nous subissons les conséquences de la crise de plein fouet.

Quel est votre état d'esprit ?

Mon état d'esprit lors de la fin de saison dernière était positif car je savais que l'été allait être plus chaleureux. Je me voyais rebondir à la rentrée avec la reprise. Et au fil des jours, les personnes retrouvent un semblant de vie. On avait l'impression de les sauver, de leur redonner goût au sport. Et puis, petit à petit, il fallait obligatoirement porter le masque. Ensuite, le couvre-feu qui nous a demandé une réorganisation totale de nos planning car le stade fermait à 20h15 au lieu de 22h30. Du coup, on a du surcharger des catégories afin que tout le monde puisse s'entraîner. Et au lieu d'avoir 40  joueurs adultes sur un terrain, on en avait 80... Enfin, le confinement a été brutal. Cette accumulation qui arrive en cours de saison, est souvent dure à encaisser. 

Illustration 4
Ferhat accompagne les jeunes footballeurs dans leur progression depuis plus de 15 ans au sein du club amateur. © Paris Alésia FC

 Comment observez-vous l'avenir ?

Ce que les enfants recherchent, c'est un cocon familial dans le football. Le Sport est le troisième pilier de l'éducation chez les enfants après les parents et l'école, Il y en a qui rencontrent des difficultés financières, d'autres qui sont en échec scolaire. Notre projet sportif et social fait partie des leviers mis en place dans le club. Par exemple, un éducateur va accompagner un enfant à 6 ans et va le suivre jusqu'à ses 12 ans afin de créer du lien social. Le référent, se comporte comme un grand frère et un accompagnateur dans la vie du jeune footballeur entre les parents, l'école et le sport. Lorsqu'un enfant se sent mal, on va s'intéresser à lui, on va lui poser des questions sur sa situation scolaire, s'il est victime de harcèlement ou de violence... Il faut lui redonner confiance afin qu'il se sente compris. Le système de fidélisation et l'attachement qu'il porte pour son club et son éducateur le rend heureux. La tenue de foot est identique pour tous ! Cela renforce également le sentiment d'appartenance à un club, une équipe et un projet. C'est ce qui manque aujourd'hui au sein de notre société. Et actuellement où les inégalités sociales et financières s'accentuent, les associations sportives vont récolter les dégâts et les traces de la pandémie. 

Illustration 5
Le Directeur Technique souhaiterait par la suite par petits groupes, s'organiser avec les écoles afin que les jeunes puissent jouer au football. Ferhat s'inquiète de l'état mental et de l'épanouissement des enfants si les terrains de sport restent encore fermés. © Paris Alésia FC

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.