La nomination de Sébastien Lecornu n’est pas un accident, ni une maladresse. C’est un geste. Un geste politique pensé, calculé, et qui s’inscrit dans une dramaturgie devenue la marque du macronisme : celle de la provocation, du choc permanent, du refus d’apaisement. Là où l’on pourrait croire à une maladresse, il faut voir une méthode.
Car Emmanuel Macron ne cherche plus à convaincre, ni même à séduire. Il ne lui reste que le pouvoir nu, le pouvoir de durer, et ce pouvoir se nourrit de l’épuisement des autres. Épuiser ses opposants par la répétition des coups de force, épuiser l’opinion publique en instaurant un climat de lassitude, épuiser la presse elle-même à force de brouiller les repères, jusqu’à ce qu’aucune indignation ne parvienne plus à s’imposer dans la durée.
La politique d’Emmanuel Macron est devenue une politique du harcèlement symbolique. Chaque nomination, chaque réforme, chaque discours semblent porter en eux cette part d’insolence : « Vous n’y pouvez rien. Je suis là. Je continue. » Ce qui aurait fait scandale autrefois devient simple bruit de fond, absorbé dans le flux. Et c’est dans cette absorption que réside la victoire du pouvoir : rendre l’inacceptable ordinaire.
Sébastien Lecornu incarne cette mécanique. Figure technocratique, loyal serviteur de toutes les causes successives, il est l’incarnation même de la plasticité politique, cette capacité à ne jamais être troublé par le sens de ce qu’il fait, à se couler dans toutes les eaux du pouvoir. Sa nomination ne dit rien de lui, mais tout du moment : le personnel politique n’est plus qu’une ressource interchangeable, un pion sur l’échiquier de l’Élysée, et Macron, en stratège solitaire, déplace ses pièces non pas pour gagner, mais pour tenir.
C’est ici qu’apparaît la vraie nature de sa stratégie : non pas gouverner, mais épuiser. Épuiser jusqu’à ce que la colère s’éteigne d’elle-même, jusqu’à ce que la contestation se dissolve dans le sentiment d’impuissance. Le macronisme, à ce stade, n’est plus une vision du monde, c’est une technique de survie.
Et nous, citoyens, militants, observateurs, nous nous retrouvons pris dans cette spirale. L’épuisement devient collectif, la fatigue s’installe comme une atmosphère politique. Mais c’est précisément là qu’il nous faut trouver le contre-mouvement : refuser de se laisser réduire à la lassitude, inventer une endurance nouvelle, transformer la fatigue en lucidité, et la lucidité en action.
Macron joue la montre. À nous de jouer le temps.
M. Peyrache.