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Billet de blog 26 novembre 2024

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Les hommes et le féminisme : point de vue d’un inconnu

L'égalité entre les femmes et les hommes a de nombreux bénéfices pour les hommes. Il faut les mettre en avant pour favoriser cette égalité.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Laure Adler dit que les hommes journalistes, intellectuels, acteurs, metteurs en scène, ont raison de s’exprimer à l’occasion du procès de Mazan (Libération, 23 octobre 2024).

Mais pourquoi pas des inconnus ? Ai-je quelque chose à dire, moi, homme blanc de presque 60 ans, de surcroît socialement privilégié, mais pas du tout spécialiste de ces questions (mais les 200 signataires de la feuille de route contre la domination masculine dans Libération du 21 septembre 2024, le sont-ils) ?

Je sais, bien sûr, que j’ai profité d’un système qui favorise les hommes au détriment des femmes et l’ai pratiqué. Je comprends donc très bien qu’on dise que tous les hommes sont coupables. Les critiques contre les féministes qui portent ce message sont à mon sens un faux procès fondé sur une mauvaise interprétation. Pour moi, cela signifie simplement qu’il faut maintenant que tous les hommes changent et encouragent un changement. Même ceux qui ne sont pas violeurs ou qui, comme moi, se disent féministes.

L’égalité entre hommes et femmes est pour moi une ambition à la fois évidente et essentielle car l’inégalité entre hommes et femmes me semble la première de toutes les formes de dominations contre lesquelles il est nécessaire de lutter.

Ce dont je souhaite témoigner, c’est que la quête d’égalité est aussi émancipatrice pour les hommes. En tous cas, elle l’est pour moi. C’est un chemin concret - qui passe par le partage non genré de tâches et de la charge mentale mais pas seulement - me permet d’entrer en communication et être simplement bien avec la femme que j’aime. Cette recherche d’égalité avec les femmes est aussi un moyen d’être moi-même dans le cadre de mon travail.

Le fait que les hommes recherchent l’égalité plutôt que prétendre être sachant, supérieur, et de vouloir imposer et trancher est à mon sens aussi positif pour le fonctionnement des entreprises (ou autres organisations) car il favorise l’échange et la co-construction. Le comportement machiste perdure pourtant malgré les discours de gourous en faveur d’organisations horizontales et d’un management participatif et mixte. C’est probablement parce qu’il est consubstantiel des formes actuelles du capitalisme.

L’injonction à se plier à ce modèle dans lequel, pour réussir, il faut s’imposer et dominer oblige ceux comme moi dont l’identité ne correspond pas à ce modèle – que j’espère nombreux -  à être une personne différente dans leur vie privée et dans leur vie professionnelle.  C’est certainement une source majeure de souffrance au travail. Ça l’a été pour moi dans le passé.

Aussi, pour embarquer les hommes dans le mouvement pour l’égalité, peut-être devrait-on mettre plus en avant les bénéfices qu’ils peuvent en tirer (sans nier bien sûr qu’ils y perdront du pouvoir).

Comme tous les hommes de ma génération et comme le groupe MPL le chante bien dans leur titre ‘Bonhommes’, j’ai appris dans mon enfance l’importance pour un homme d’être fort. Je n’aimais pas cela, peut-être car je n’étais pas très costaud, mais s’en défaire n’est pas simple. Il y a donc un enjeu d’éducation des hommes qui me semble mériter plus de place dans les débats et les pistes envisagées.

Dans sa chanson, MPL parle aussi des modèles présentés aux jeunes et de leur influence négative. Excellent sujet sur lequel il est peut-être plus facile d’agir à court terme. Faut-il des modèles, des héros ou des héroïnes ? N’est-ce pas simpliste et source d’aliénation que de prétendre que les êtres humains (comme on le dit trop souvent « les gens ») ont besoins de modèles à qui s’identifier alors qu’on sait que personne n’est un modèle (pensons à l’Abbé Pierre) ? Ne faut-il pas que les médias présentent avec plus de nuances les personnalités qu’elles mettent en avant ? Lors des éloges funèbres ne faut-il pas insister sur la complexité de la vie de la personne décédée avec un mélange de grandeur et de bassesses qui fait toute la beauté de la vie humaine ?

Pour un homme, partager les tâches quotidiennes et la charge mentale chez soi ou accepter de douter et d’écouter au travail n’est pas héroïque, mais c’est libérateur.

Ces quelques lignes peuvent certainement sembler naïves - mais postuler les rapports de domination comme indépassables ne mène pas loin non plus. Elles invitent à la multiplication des témoignages d’hommes anonymes – qui ne sont donc pas des modèles ou des héros - en faveur de l’égalité entre femmes et hommes.

Mettre en avant les bénéfices pour les hommes de cette égalité est d’autant plus important que les peurs des hommes sont un frein majeur à sa mise en œuvre et donc à l’émergence d’une société moins violente. L’élection de Trump en est une des nombreuses illustrations.

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