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En effet, Yannick a pris un jour de congé, a fait quarante cinq minutes de transport suivis de 15 minutes de marche depuis Melun, et entend donc bien se divertir dans la capitale. S’ensuit alors une situation rocambolesque, où le jeune homme va littéralement forcer comédiens et spectateurs à lui offrir le divertissement qu’il attendait. Et c’est aussi nous, spectateurs de cinéma, qui nous retrouvons dans une mise en abyme étourdissante et assistons à ce huis clos théâtrale hybride qui offre la part belle au jeu impeccables des différents acteurs. Quentin Dupieux avait d’ailleurs tout misé sur la qualité des performances de ses comédiens, triés sur le volé afin de mener à bien cette expérience (le film a été tournée en six jours à peine). Objectif réussi : le film, en plus d’être hilarant, porte en lui la singularité d’un objet artistique abouti.
C’est tout ? Pas vraiment. A ceux qui oseraient reprocher au réalisateur d’avoir produit un énième film zarbi hipster, qu’ils revoient leur copie. Yannick, c’est vraiment Raphaël Quenard, un grand gaillard venu d’ailleurs, au fort accent régional et qui incarne cette couche populaire de banlieue qui a peur de louper son dernier RER en sortant le weekend à Paris. Cette frange de la population délaissée par une métropole macrocéphale qui écrase toutes les autres villes de son poids culturel. Quant au théâtre dans le film, c’est finalement l’élite parisienne, qui sert la même soupe artistique réchauffée sans jamais se remettre en question.
Moqué pour son accent, son vocabulaire, sa dégaine et même sa pauvreté (tout le monde n’a pas les moyens d’être véhiculé), Yannick tente de se faire entendre, avant de finalement avoir recours à la force afin de contraindre le Grand Paris à l’écouter.
Sous couvert de comédie absurde et potache, Quentin Dupieux nous livre ici une belle illustration de la lutte des classes, qui prend ici une forme métaphorique mais très efficace.
D’aucuns pourraient même y lire une critique acerbe de la société française, déchirée depuis des mois entre une élite déconnectée et un peuple à bout. D’où peut-être l’urgence d’une réalisation pour ce film cathartique et qui manquait au paysage audiovisuel de cette année.