Sophie Bouchet-Petersen

secrétaire générale de l'association Ukraine CombArt, ancienne conseillère d'Etat

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Billet de blog 21 août 2025

Sophie Bouchet-Petersen

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Dimanche 24 août, marchons ensemble pour la journée de l'indépendance de l'Ukraine

Contre l’agression russe, toujours plus meurtrière, malgré la complaisance américaine et ses coups de poignard dans le dos, la résistance ukrainienne ne plie pas : elle a plus que jamais besoin de nous !

Sophie Bouchet-Petersen

secrétaire générale de l'association Ukraine CombArt, ancienne conseillère d'Etat

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dimanche 24 aout, marchons ensemble pour la journée de l’indépendance de l’Ukraine et le soutien de la résistance ukrainienne !

Contre l’agression russe, toujours plus meurtrière, malgré la complaisance américaine et ses coups de poignard dans le dos, la résistance ukrainienne ne plie pas : elle a plus que jamais besoin de nous !

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Alaska : le spectacle obscène de la lune de miel Trump-Poutine

« En serrant la main d’un criminel de guerre inculpé, Trump a fait comprendre que les meurtres, les enlèvements, les tortures en Ukraine n’ont pas d’importance » (Timothy Snyder, historien américain, fervent soutien de l’Ukraine)

Le 15 août, la planète entière a été le témoin de l’accueil ahurissant réservé par le président américain au dictateur du Kremlin, agresseur d’un pays indépendant, jusque là réputé infréquentable, et criminel de guerre visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale : tapis rouge, limousine présidentielle, cajoleries éhontées.

Le tyran, tiré de son isolement et accueilli avec tous les honneurs, ne boudait visiblement pas son plaisir mais n’a fait, en contre-partie, aucune concession. Il a réaffirmé les objectifs inchangés de la guerre meurtrière qu’il mène sur le sol européen sans parvenir à vaincre :

  • annexion de territoires que ses troupes n’occupent que partiellement, au mépris des frontières ukrainiennes pourtant garanties par des traités et des accords dont la Russie fut signataire, montrant le peu de valeur de la parole donnée par le régime russe ;
  • vassalisation d’un peuple réputé « frère »dont seul l’écrasement génocidaire est le but poursuivi par l’invasion;
  • arrêt des livraisons d’armes, interdiction d’adhésion à l’OTAN et démilitarisation du pays ;
  • remplacement manu militari de la démocratie ukrainienne, certes imparfaite mais exceptionnellement vivante pour un pays sous loi martiale, par un régime fantoche à sa botte.

Le tout au prétexte de traiter les « causes profondes » de la guerre et de répondre aux besoins fictifs de la « sécurité nationale de la Russie » (que nul ne menace).

L’Europe a été déclarée à cette occasion, sur fond de connivence russo-américaine, ennemie N°1, fauteuse de guerre et principal obstacle à la paix !

Il n’en est ressorti aucun pas vers la paix car Poutine n’en veut pas : son pouvoir est directement lié à la poursuite de la guerre, à la propagande sur la restauration de la « grandeur de la sainte Russie » et à la militarisation générale de la société russe, de l’enfance à l’âge adulte. L’économie russe est de plus en plus tributaire des dépenses militaires et du complexe militaro-industriel que la guerre enrichit. Inutile de rêver à une sortie en douceur de cette fuite en avant dans la guerre dont l’objectif n’est pas de gagner quelques territoires de plus mais d’anéantir l’Ukraine et d’assujettir l’Europe.

Trump n’a rien obtenu de cette mise en scène qui excluait l’Ukraine et l’Europe : bad deal ! Pire : il a promptement remballé ses menaces velléitaires de sanctions.

Avec son cynisme coutumier et bas de plafond, il déclarera ensuite : « la Russie est une grande puissance, ce que l’Ukraine n’est pas », éloge brutal de la loi du plus fort. Toute une vision du monde qui a fait de cette séquence surréelle d’Anchorage un mixte de Munich 1938, pour la servilité, et de Yalta 1945, pour le partage du monde en zones d’influences.

Pendant que le criminel paradait sur le sol américain (heureusement accueilli par des manifestants protestant contre sa présence), les bombardements ont continué de faire rage, visant civils et infrastructures vitales, ainsi que la russification forcée des populations des territoires occupés.

Poutine, admirateur de Staline et héritier de Gromyko

Un excellent article de la  revue Le Grand Continent retrace clairement cette filiation stalino-poutinienne, citant la description que Gromyko (Ministre des Affaires étrangères de l’URSS pendant près de 30 ans) faisait lui-même de sa « doctrine » : « Premièrement, exigez le maximum et n’ayez pas honte d’exagérer vos demandes. Exigez même ce qui ne vous a jamais appartenu. Deuxièmement, présentez des ultimatums. Menacez de guerre (…) puis proposez des négociations comme issue à la situation : il y aura toujours, en Occident, des gens pour mordre à l’hameçon. Troisièmement, une fois les pourparlers engagés, ne cédez pas d’un pouce. Vos interlocuteurs finiront par vous offrir une partie de ce que vous avez demandé. Mais même alors, ne signez pas : poussez pour obtenir davantage et ils accepteront. Lorsque vous aurez obtenu la moitié ou les deux tiers de ce qui ne vous appartenait pas, vous pourrez vous considérer comme un diplomate ».

Kaja Kallas, actuelle Haute-Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, avait signalé il y a deux ans, lors de la Conférence de Munich, cette longévité de la politique stalinienne.

Washington, 2ème coup de poignard dans le dos : l’abandon d’un cessez-le-feu précédant l’ouverture de négociations

Aux sept dirigeants européens et de l’OTAN venus à Washington 3 jours plus tard, le 18 août, en renfort du président Zelensky et pour affirmer que l’Europe doit être partie prenante de négociations qui concernent sa sécurité, Donald Trump a annoncé une nouvelle concession faite à Vladimir Poutine : le renoncement à un cessez-le-feu pourtant préalable indispensable à l’ouverture de vraies négociations.

Ce cadeau fait au tyran qui règne à Moscou et poursuit plus que jamais sa guerre dévastatrice s’accompagne de pressions explicites pour que l’Ukraine cède définitivement la Crimée et le Donbass, y compris des territoires que les troupes russes n’occupent pas totalement. Or laisser le Donbass à Poutine et en particulier l’oblast de Donetsk, cela signifie obliger les Ukrainiens à renoncer à une ligne de défense que l’armée russe n’a toujours pas réussi à enfoncer et à céder des portions fortifiées du territoire ukrainien en ouvrant la voie à de futures avancées des troupes d’occupation. Autrement dit : désarmer l’Ukraine face à son agresseur qui voudra ensuite faire main basse sur Zaporijjia et Kherson, puis Kharkiv et Odessa, puis d’autres encore.

Comme le dit l’appel lancé récemment par un collectif international d’organisations de défense des droits humains : « tout accord fondé sur des concessions injustes faites à un agresseur ne peut pas apporter de paix durable. Il ne fera que perpétuer l’impunité et instaurera un précédent dangereux », menaçant la sécurité collective, européenne et mondiale.

Avec sa grossièreté coutumière, Trump a osé ce commentaire sur les territoires ukrainiens situés le long de la Mer noire : « c’est ce que nous appelons, dans l’immobilier, des propriétés de bord de mer ». Sinistre récidive du promoteur qui, indifférent aux crimes commis contre la population gazaouie, proposait il y a peu de créer, sur les ruines et les cadavres palestiniens, une "Riviera du Moyen-Orient".

Il n’a eu, en outre, que des propos vagues et fluctuants sur l’appui que les Etats-Unis pourraient apporter aux garanties de sécurité que la « coalition des volontaires », formée à l’initiative des dirigeants français et britannique, devra apporter pour que l’Ukraine ne soit pas, si une paix est négociée, victime demain d’une nouvelle agression.

Cette fois-ci, Trump a reçu Volodymyr Zelensky sans le malmener mais en barrant plus que jamais à son pays toute perspective d’intégrer l’OTAN. Il a dû accepter la présence de représentants d’une Europe qu’il n’a eu de cesse de marginaliser mais son projet de rencontre tripartite entre les chefs d’Etat ukrainien, américain et russe, faisant possiblement suite à une éventuelle rencontre Zelensky-Poutine, persiste à exclure le continent sur lequel la guerre s’est abattue.

Aucun résultat tangible, donc, pour l’aide dont l’Ukraine a aujourd’hui un besoin vital : seulement l’affichage, bienvenu, d’un pack européen se tenant à ses côtés et de nouvelle reculades américaines, sans faire bouger d’un pouce le mafieux belliciste du Kremlin qui s’est même offert le luxe de cette provocation : proposer Moscou pour une éventuelle rencontre avec le président ukrainien !

A l’Europe, en 1ère ligne, d’assumer pleinement ses responsabilités

L’Europe, quelles que soient les lenteurs et les divisions qui nuisent à l’efficacité de son action, est aujourd’hui le 1er soutien politique, militaire et financier de l’Ukraine. Elle est dans le viseur de l’impérialisme poutinien qui mène des opérations de déstabilisation et une guerre hybride dans tous les pays de l’Union.

Les propagandistes du Kremlin, en même temps qu’ils tressent, depuis peu, des lauriers à un Trump si facile à manipuler, ne cessent de railler et d’insulter « l’internationale européenne anti-russe ».

Les dirigeants européens sont allés à Washington pour empêcher qu’un accord de paix bâclé et aux conditions russes soit conclu sur le dos de l’Ukraine, pour montrer leur volonté de lui apporter des assurances de sécurité la mettant à l’abri de nouvelles attaques et pour affirmer qu’ils doivent avoir leur place à la table de négociations.

La feuille de route européenne doit donc, outre la libération de tous les prisonniers, civils comme militaires, et le retour des enfants ukrainiens déportés en Russie,  s’articuler autour de quelques priorités :

  • exiger un cessez-le-feu sur la base de la ligne de front actuelle avant l’ouverture de toute négociation, comme le réclame le président Zelensky, car Poutine, dans le cas contraire, fera tout pour ralentir  les discussions, jouant la montre et la guerre d’usure car il estime que le temps est pour lui un atout, tout en consolidant ses positions militaires ;
  • maintenir, par des sanctions renforcées et une traque plus efficace de sa flotte fantôme, la pression sur Poutine et cesser d’importer des énergies (gaz en particulier) qui financent sa guerre ;
  • utiliser les avoirs russes (près de 300 milliards d’euros gelés en Europe et au Royaume-Uni) pour financer l’aide à l’Ukraine car, contrairement à ce que prétendent les couards et les poutinolâtres, le droit international le permet ;
  • avancer dans l’élaboration des garanties de sécurité concrètes à apporter, le moment venu, à l’Ukraine ;
  • se préparer à se passer, si nécessaire, d’un engagement américain dans la sécurité de l’Ukraine et de l’Europe ;
  • renforcer l’aide militaire à l’Ukraine et à son armée qui est aujourd’hui la 1ère, la plus inventive et la plus aguerrie du continent, adossée de surcroît à une mobilisation exceptionnelle de la société ukrainienne qui lui fait confiance et l’aide de toutes ses forces : cette résistance conjointe qui réussit à faire échec à Poutine n’est pas sans rappeler (dans le contexte bien différent du 21ème siècle et sans confondre le canon de Gribeauval avec les missiles  et les drones d’aujourd’hui) ce peuple en armes dont la bataille de Valmy fut, il y a plus de deux siècles, la première incarnation victorieuse.

Face à un président américain aux positions erratiques, complices d’un autoritarisme russe qu’il admire, témoignant d’une incompréhension flagrante des enjeux et risquant d’aboutir à un retrait accru voire un abandon du dossier ukrainien et européen, l’Europe doit avant tout compter sur ses propres forces. Plus riche, plus peuplée, technologiquement performante, bénéficiant de la force de dissuasion française et britannique, elle doit assumer, sans pusillanimité, qu’elle a les moyens, humains et matériels, de contrer l’impérialisme poutinien. Force est toutefois de constater que les politiques anti-sociales qui y sont de plus en plus mises en œuvre ne sont pas de nature à crédibiliser la parole de nos dirigeants  et à sensibiliser les opinions à la cause de l’Ukraine et de la défense de l’Europe.

Pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, en Europe et ailleurs dans le monde : solidarité avec l’Ukraine !

Depuis l’invasion à grande échelle de février 2022 et parfois même depuis 2014, les associations franco-ukrainiennes de solidarité sont activement mobilisées aux côtés de l’Ukraine. Nous apportons une aide concrète à celles et ceux qui ont pris les armes pour se défendre ainsi qu’aux populations civiles systématiquement ciblées par les bombes, les missiles et les drones russes

 Nous combattons, dans l’opinion française, la propagande mensongère de la poutinosphère, de la fachosphère et de la bollosphère ainsi que les discours des faux « pacifistes » et vrais collabos.

Nous rappelons inlassablement que la parole du prédateur belliciste est moins que jamais digne de confiance car il s’est déjà plusieurs fois parjuré et ne vise, encore et toujours, que la conquête insatiable et l’assujettissement brutal. Vladimir Poutine ne comprend qu’un langage : celui de la force et, comme l’a dit un résistant ukrainien, « on ne combat pas un tyran avec des fleurs » : des armes pour l’Ukraine !

Une paix juste doit restaurer et garantir l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine : troupes russes hors d’Ukraine !

Une paix durable passe par la défaite de l’envahisseur en Ukraine, qui pourrait être l’heureux prélude de l’affaiblissement de son régime en Russie.

L’Ukraine se bat pour le droit de décider elle-même de son destin et défendre sa jeune démocratie dont Moscou craint tant la contagion. En barrant la route à l’agresseur, elle se bat aussi pour nous, pour notre liberté et notre sécurité.

Dimanche 24 août, nous célèbrerons, à l’appel de l’Union des Ukrainiens de France, la journée de l’indépendance ukrainienne, comme le feront toutes les Ukrainiennes et tous les Ukrainiens dans leur pays, comme le feront aussi, en Europe et dans le monde, toutes les associations de solidarité avec la résistance ukrainienne.

L’indépendance proclamée en 1991 est l’aboutissement d’un long, très long processus émaillé de luttes courageuses, depuis le temps des cosaques zaporogues  jusqu’à l’actuelle résistance du peuple en armes, en passant par l’éphémère République fondée en 1919, la Renaissance fusillée des années 30, la révolte paysanne et libertaire de Makhno, mille et une dissidences ainsi, bien sûr, que la révolution de la dignité et sa volonté que l’Ukraine rejoigne l’Union européenne. Contre la domination et l’oppression du tsarisme, du stalinisme et aujourd’hui du poutinisme, jamais l’Ukraine n’a renoncé à défendre sa liberté et son identité !

Dimanche 24 août, joignons nos voix dans toute la France pour célébrer, à l’unisson de son peuple, la journée de l’indépendance de l’Ukraine et affirmer que soutenir la résistance ukrainienne contre l’impérialisme russe, c’est aussi nous défendre !

A Paris :

  • Rendez-vous à partir de 14 heures Place de la République pour cette marche qui revêt, face aux périls qu’affronte actuellement l’Ukraine, une importance toute particulière.
  • A l’arrivée Place de la Bastille, rendez-vous au village des associationsUkraine CombArt et le Comité français du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine tiendront ensemble leur stand.

A 20 h 50 à Paris, illumination de la Tour Eiffel aux couleurs de l’Ukraine, place du Trocadéro : merci à la Mairie de Paris, engagée de longue date aux côtés du peuple ukrainien. 

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