Le soutien à l’Ukraine résistante est la raison d’être de l’association Ukraine CombArt : il serait directement menacé et entravé par un gouvernement Rassemblement national, comme nous l’expliquons dans le texte ci-dessous. C’est pourquoi nous appelons tous les électeurs et toutes les électrices qui partagent cet engagement à faire barrage à ce scénario-catastrophe les 30 juin et 7 juillet prochains.
Premier choc : le résultat des élections européennes
La poussée des extrêmes-droites, manifeste quoiqu’inégale selon les pays, va amplifier, au Parlement européen, la voix des poutinolâtres tonitruants et des poutinophiles discrets, tous adeptes d’une paix aux conditions du Kremlin donc d’une défaite de l’Ukraine.
Vladimir Poutine, dont les services n’ont pas ménagé leurs ingérences en tous genres et leur production industrielle de fake news, se frotte les mains. Bolloré et son empire médiatique aussi : 35 des 81 eurodéputés français vont, hélas, renforcer cette internationale brune.
Deuxième choc : la dissolution intempestive de l’Assemblée nationale.
Au terme d’une campagne législative réduite au minimum, qui témoigne d’une brutalisation insensée du temps de la délibération démocratique, voilà le Rassemblement national, fort de son score aux élections européennes, aux portes du pouvoir dans notre pays. Marine Le Pen jubile : « le 30 juin peut être la 2ème vague du tsunami. La 1ère est forte, la 2ème emportera tout ». Celui qui se disait rempart lui a ouvert un boulevard, au risque d’être dans l’incapacité de tenir les promesses faites deux jours plus tôt au Président Zelensky, reçu en France à l’occasion de la commémoration du débarquement du 6 juin 1944.
Demain : des promesses balayées ?
Si l’aventureux coup de poker d’un Président narcissique débouchait sur une majorité Rassemblement national à l’Assemblée et un gouvernement à son image, qu’en serait-il – outre les nombreux dommages infligés à notre pays - de la livraison annoncée de Mirages 2000-5 ? De la formation en France des pilotes de ces avions (il faut 5 à 6 mois pour la mener à bien) ? De l’envoi d’instructeurs en Ukraine et de la formation promise à une brigade de 4.500 soldats ukrainiens ? Que se passerait-il avec les aides financières de 650 millions d’euros annoncées le 7 juin (dotation à l’Agence française de développement de 400 millions d’euros et 50 millions de dons + fond de soutien de 200 millions d’euros aux infrastructures critiques, en particulier énergétiques, visées en permanence par l’armée poutinienne) ? Que deviendraient les 3 milliards d’euros sur trois ans prévus par l’accord de coopération franco-ukrainien en matière de sécurité signé en février 2024, dont seule la première tranche a été approuvée en 2024 par le Parlement dans le cadre d’un vote seulement consultatif ? Qu’adviendrait-il du soutien de la France à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne (dont la négociation démarre le 25 juin mais est susceptible d’être ultérieurement ralentie voire remise en cause) ? Et de l’autorisation enfin donnée d’utiliser nos missiles Scalp pour frapper des cibles militaires en territoire russe, d’où partent nombre d’attaques contre l’Ukraine ?
Comme le note Tetyana Ogarkova, journaliste ukrainienne et responsable du département international de l’Ukraine Crisis Media Center : « nous avions le sentiment qu’Emmanuel Macron avait pris le leadership sur le soutien à l’Ukraine avec une posture forte vis-à-vis de Vladimir Poutine » mais « la dissolution de l’Assemblée paraît aujourd’hui très risquée (…) et son calcul, vu d’ici, difficile à comprendre ». C’est dire, en termes mesurés, l’inquiétude actuelle des Ukrainiens qui ont fait confiance à la parole de la France et craignent qu’elle soit demain décrédibilisée et démonétisée.
Rassemblement national : l’allégeance à Poutine
Depuis son accession en 2011 à la présidence du Front national, Marine Le Pen n’a cessé de dire son « admiration pour Poutine », de célébrer « les intérêts civilisationnels et stratégiques » qui nous seraient communs et ces « valeurs » partagées comme l’opposition au mariage de personnes du même sexe (aujourd’hui inscrit dans la Constitution russe) ; longtemps, elle s’est vantée d’être la seule en France à défendre le régime russe.
En novembre 2014, quelques mois après l’annexion de la Crimée, une délégation russe était accueillie avec tous les honneurs au congrès du Front national. Elle, ses proches, ses conseillers, ses élus, sa nièce Marion Maréchal, se sont rendus à de nombreuses reprises en Russie : reçue par Vladimir Poutine en 2017, Marine Le Pen avait déclaré que son « point de vue sur l’Ukraine coïncide avec celui de la Russie ».
Aujourd’hui, comme l’ont documenté Mediapart, Le Monde et Libération, au moins une quinzaine des candidats investis par le Rassemblement national ont effectué en Russie de nombreuses « missions » (tous frais payés par les autorités russes) et rencontré les principaux responsables du régime. Ils ont apporté leur caution aux élections truquées en Russie et aux referendum bidons (dont les résultats de ne sont pas reconnus par la communauté internationale) organisés dans les territoires occupés, en tant qu’ « observateurs internationaux » abondamment mis en scène en Russie et dans les relais de l’influence russe à l’étranger, notamment en France.
L’un d’eux, Pierre Gentillet, candidat dans le Cher, est le fondateur du Cercle Pouchkine et membre du Dialogue franco-russe, piliers en France de la propagande poutinienne : il a notamment qualifié l’invasion russe de « préventive » et mis en doute les atrocités commises par les forces d’occupation à Boutcha.
Thierry Mariani, membre du « comité d’éthique » ( !) de Russia Today en France (chaîne aujourd’hui interdite), eurodéputé Rassemblement national, fan de Poutine et de Bachar El Assad, a fait preuve d’une allégeance à ce point zélée que la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) s’en est émue. La commission d’enquête parlementaire sur les ingérences étrangères a parlé en 2023 du Rassemblement national comme d’une « courroie de transmission » de la propagande russe, soulignant « l’alignement systématique » de ses positions sur les intérêts du régime poutinien. En janvier 2024, une enquête fouillée du Washington Post sur les entreprises russes de subversion en France a souligné à son tour le rôle du Rassemblement national au service du dictateur du Kremlin.
Stéphanie Alarcon, candidate en Haute-Garonne, soutenait en 2023 que l’Ukraine alimente « le marché et la vente d’organes pour financer sa guerre avec l’aval des US, de l’OTAN et de l’Europe » !
Mediapart a révélé l’affaire des prêts russes (9 millions d’euros pour le Rassemblement national et 2 millions d’euros pour le micro-parti de Jean-Marie Le Pen), longtemps tenus secrets et obtenus dans des conditions d’opacité telles que le Parquet national financier a ouvert une enquête, la question des contre-parties politiques de ces largesses étant clairement posée. Mediapart a également documenté la collaboration étroite du RN avec Tamara Volokhova, franco-russe dont la bi-nationalité ne dérange étrangement pas le parti lepéniste, agente d’influence (voire plus…) des services poutiniens.
Bref, les liens du Rassemblement national avec la Russie de Poutine sont multiples, anciens, politiques et financiers.
Jordan Bardella : un virage cosmétique sans changement sur le fond
A partir de février 2022, le Rassemblement national s’est rendu compte que son discours pro-Poutine n’était plus audible dans une opinion publique indignée par l’invasion à grande échelle. Marine Le Pen et les dirigeants du parti disent désormais « condamner l’invasion » pour cause d’atteinte à la souveraineté nationale. Louis Alliot, maire de Perpignan, s’est mis en scène allant chercher en Pologne des réfugiés ukrainiens (à ne pas confondre, précise-t-il, avec d’autres migrants ni blancs ni chrétiens…).
Jordan Bardella dit, lui aussi, condamner l’invasion. Il promet de ne pas remettre en cause les engagements internationaux de la France mais, outre l’hostilité traditionnelle du Rassemblement national aux sanctions contre la Russie, il pose immédiatement des « lignes rouges » au prétexte de « ne pas accroître le risque d’escalade » et de « guerre frontale » avec une Russie détentrice de l’arme nucléaire.
Cela signifie : pas d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN. D’accord, dit-il, pour « lui donner les moyens de tenir la ligne de front » mais pas de matériel militaire lui permettant de frapper en territoire russe, pas de livraison de missiles à grande portée Scalp. Pas d’instructeurs français sur le sol ukrainien pour y former des militaires.
Pire : en cas de négociations entre l’Ukraine et la Russie, il propose que les troupes russes se retirent derrière la frontière de février 2022. Autrement dit : sans la Crimée (« historiquement et culturellement russe » selon Marine Le Pen) et sans les territoires occupés du Donbass, annexés par Poutine, soit une paix fondée sur la capitulation de l’Ukraine, sur le vol de ses territoires et aux conditions fixées par l’agresseur.
Sur le fond, rien n’a donc changé. Tetyana Ogarkova y voit une « posture hypocrite » : « aucun parti n’ose dire qu’il est contre le soutien à l’Ukraine mais, derrière leurs messages de paix, ils nous appellent à négocier au plus vite (…), jouant ainsi le jeu du Kremlin ».
En cas de cohabitation : le pouvoir d’empêchement d’un gouvernement RN
Certains, attachés au soutien à l’Ukraine, espèrent que le Chef de l’Etat tentera de le préserver en cas de cohabitation avec le RN : ils se rassurent en évoquant son « domaine réservé ». Une lecture attentive de la Constitution montre cependant que, s’agissant de l’Ukraine, le pouvoir d’empêchement d’un gouvernement Rassemblement national serait très important.
L’article 20 stipule que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » et l’article 21 que « le Premier Ministre est responsable de la défense nationale ». Le Président de la République a une obligation de promulgation des lois votées au Parlement (sauf à demander une deuxième délibération et à saisir le Conseil Constitutionnel). Certes, le chef de l’Etat « négocie et ratifie les traités » (article 52) et reste « le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et du respect des traités » (article 5) mais cela ne lui donne, contrairement à ce que l’on croit souvent, nullement des pouvoirs exclusifs en matière de défense et de politique étrangère.
Quelques exemples : si le Président de la République est le chef des Armées (article 15), le Premier Ministre est chargé de l’organisation générale de la défense (article 21). Les ventes et cessions d’armes à Kyiv devraient être avalisées par une commission interministérielle placée sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale qui est rattaché à Matignon. Le chef de l’Etat dispose du pouvoir d’engager les forces armées mais toute opération extérieure d’une durée supérieure à quatre mois supposerait l’autorisation du Parlement.
Il existe bien une « communauté du renseignement » placée sous l’autorité de l’Elysée mais le Premier Ministre dispose en partie des services de renseignement via leurs Ministères de tutelle. Qui, au bout du compte, donnera les ordres ? Face aux opérations multiformes menées par la Russie contre la France pour la déstabiliser et affaiblir son soutien à l’Ukraine, quelle serait la volonté effective de les contrer et d’en traquer les auteurs avec un gouvernement ami du régime poutinien ? Alors que, de plus, toutes les demandes d’interception transitent par le cabinet du Premier Ministre…
Une cohabitation avec le Rassemblement national, fût-elle « de combat », signifierait que les « petits télégraphistes du Kremlin » auraient l’essentiel des cartes en mains et des leviers leur permettant de freiner ou d’annuler les promesses antérieures faites à l’Ukraine, dont la plupart n’est en outre pas gravée dans le marbre. Ce serait une catastrophe pour l’Ukraine combattante au moment où elle a un besoin vital d’une aide accrue.
Elections législatives françaises : un risque majeur pour l’Ukraine
Laissons aux historiens le soin de démêler ce qui, dans cette décision de dissoudre l’Assemblée, relève de la duplicité ou de l’impulsivité. La résistible ascension du Rassemblement national ne date pas d’aujourd’hui, cela aurait dû inciter à la responsabilité et à la prudence. Tel n’a pas été le choix du Président de la République.
Son calcul est-il celui exprimé cyniquement par Pierre Charon : « on va filer les clefs du camion à Jordan Bardella qui n’a pas le permis poids lourds. Comme ça, ils seront morts pour la présidentielle » ? Nous ne le savons pas mais nous savons que, quels que soient les scénarios qu’Emmanuel Macron a en tête, le risque d’une Assemblée et d’un gouvernement Rassemblement national qu’il fait prendre à la France fragilise et menace son soutien à l’Ukraine, au moment même où la Russie de Poutine s’efforce par tous les moyens de mettre le peuple ukrainien à genoux et s’attaque comme jamais à ses infrastructures énergétiques. Au moment où l’Ukraine, qui tient bon dans des conditions infiniment difficiles, devrait pouvoir pleinement compter sur nous, la France qui lui a prodigué tant de bonnes paroles risque désormais de lui faire défaut.
Alors oui, comme le dit Dominique de Villepin (à qui nous devons de ne pas nous être fourvoyés jadis en Irak), la « véritable menace » pour notre pays, pour son Etat de droit et pour les orientations de sa politique étrangère, c’est le Rassemblement national. « Certains discours ont changé, ajoute-t-il, pas la nature profonde du mouvement ». En cas de duel au 2ème tour entre le RN et le Nouveau Front Populaire, il n’hésitera pas et votera pour la gauche.
Alors oui, comme le dit Raphaël Glucksmann, « seule compte désormais l’absolue nécessité de refermer les portes de l’enfer » qu’Emmanuel Macron a si imprudemment ouvertes car « lorsque l’extrême-droite est aux portes du pouvoir, hiérarchiser les périls devient une obligation ». En cas de duel au 2ème tour, entre la droite (macronienne ou LR) et le RN, il n’hésitera – quoique partie prenante du Nouveau Front Populaire – à voter pour qui pourra battre le candidat lepéniste.
L’arme du vote pour faire barrage au pire
Certains analystes nous expliquent doctement qu’on ne sait pas encore si le Rassemblement national, au cas où il arriverait au pouvoir, évoluerait plutôt comme Giorgia Meloni (soutien verbal à l’Ukraine mais aide minimale) ou comme Viktor Orban (discours poutinien et refus de toute aide à l’Ukraine). Une chose est sûre : dans l’un ou l’autre cas, l’Ukraine serait perdante et la France, devant l’histoire, coupable d’abandon !
Toutes les associations de soutien à l’Ukraine se mobilisent, d’une manière ou d’une autre, pour que ce scénario-catastrophe n’advienne pas.
Que nous nous reconnaissions ou pas dans le Nouveau Front Populaire, nous estimons à Ukraine CombArt que sa position désormais sans ambiguïté est une victoire de ses composantes les plus résolument engagées pour l’Ukraine. Voici ce qui est écrit dans son texte programmatique : « Pour faire échec à la guerre d’agression de Vladimir Poutine et qu’il réponde de ses crimes devant la justice internationale : défendre indéfectiblement la souveraineté et la liberté du peuple ukrainien ainsi que l’intégrité de ses frontières, par la livraison d’armes nécessaires, l’annulation de sa dette extérieure, la saisie des avoirs des oligarques qui contribuent à l’effort de guerre russe dans le cadre permis par le droit international, l’envoi de casques bleus pour sécuriser les centrales nucléaires, dans un contexte international de tensions et de guerre sur le continent européen et œuvrer au retour de la paix ». Nous resterons vigilantEs pour rappeler leurs engagements à celles et ceux qui les ont pris devant le peuple français.
L’Union des Ukrainiens de France, pour sa part, demande à chaque candidatE à la députation de signer sa Charte de soutien à l’Ukraine qui constitue un engagement devant les électeurs français et devant la diaspora ukrainienne, portant sur cinq points majeurs :
- soutenir l’Ukraine jusqu’à sa victoire, c’est-à-dire jusqu’au retrait total de l’armée russe du territoire ukrainien et au rétablissement de son intégrité territoriale de 1991 ;
- apporter un soutien humanitaire, économique et militaire à l’Ukraine, en soutenant la livraison de chars et d’avions, d’armes et de munitions ;
- œuvrer au retour des enfants ukrainiens déportés en Russie et des prisonniers de guerre ;
- renforcer les sanctions contre la Russie, pays agresseur de l’Ukraine ;
- promouvoir l’adhésion future de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN.
Dans vos circonscriptions, vous pouvez utiliser l’un ou l’autre de ces textes pour interpeller les candidatEs afin qu’ils/elles prennent publiquement l’engagement de soutenir l’Ukraine combattante à l’Assemblée nationale.
Ukraine CombArt s’attache à faire vivre avec la résistance ukrainienne une solidarité par en-bas qui ne dépend que de nous. Mais, dans cette élection de tous les dangers, il nous faut dégainer une autre arme : ce bulletin de vote dont chacun et chacune d’entre nous dispose pour peser.
C’est pourquoi nous vous appelons à ne pas vous abstenir les 30 juin et 7 juillet car, dans cette bataille serrée, chaque voix compte.
C’est pourquoi nous vous appelons à choisir, en particulier au 2ème tour et sans sectarismes, le candidat/la candidate les mieux placéEs pour barrer aujourd’hui la route aux amis de Poutine et renforcer demain l’engagement de notre pays aux côtés du peuple ukrainien.
Comme nous l’a écrit une amie d’Ukraine CombArt pour résumer les enjeux :
Complices de Poutine,
C’est la France qu’ils piétinent
Et l’Ukraine qu’ils assassinent !
RN et Bardella,
Maréchal les voilà,
Collabos halte-là !