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Billet de blog 24 avril 2009

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Le jour où j'ai vu Rachida Dati embrasser Michel Barnier

Un samedi, en attendant l'ouverture de la piscine, j'ai pris un café aux côtés de Rachida Dati. C'était le 24 janvier 2009, le jour où le congrés national de l'UMP lançait ses têtes de liste aux Européennes, à grand renfort de président. Et déjà, Rachida était grognon.

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Un samedi, en attendant l'ouverture de la piscine, j'ai pris un café aux côtés de Rachida Dati. C'était le 24 janvier 2009, le jour où le congrés national de l'UMP lançait ses têtes de liste aux Européennes, à grand renfort de président. Et déjà, Rachida était grognon. Ce jour-là, j'avais prévu un petit tour dans l'eau pour ouvrir le week-end. Mais, tombée trop vite de mon lit, je me vis contrainte de poireauter une demi-heure avant de passer dans les vestiaires. C'était du côté de Saint-Germain, en hiver. Les forces de l'ordre fouillant sur le boulevard l'informe sac où j'avais remisé maillot, lunettes, bonnet et serviette, me rappelèrent l'événement à la Mutualité que je n'avais pas pensé à rapprocher des lignes de bassin.
Le froid me précipita au bar du coin où il me fallut jouer des coudes devant de fiers et forts gaillards pour entrer dans une salle où l'on avait fait le vide. Je comprendrai plus tard qu'elle n'était pas réservée à l'amicale du Stade toulousain et du Biarritz olympique réunis. Et le commerce et la politique étant ce qu'ils sont, on ne put m'empêcher d'être servie.
Les gaillards soudain s'agitèrent, se bousculèrent, visiblement excités par le bluetooth qu'ils portaient à l'oreille. Elle arriva, au pas de charge, flanquée d'une petite dizaine d'assistantes et attachées de presse, toutes vêtues de tailleur pantalon noir et chaussées de fins talons sonores.

Les photographes à sa suite -cinq ou six, soit une quinzaine d'appareils photo- aussi fiers et forts que les précédents gaillards, mais ne portant pas comme eux le costard. En jean pour la plupart et en cela plus conformes au vestiaire de Rachida Dati, qui en ce matin-là décida de le porter coincé dans ses bottes noires. Elle commanda un thé, visiblement épuisée, débrieffa bien vite ses girls et attendit. Michel Barnier n'était pas au rendez-vous du bar du coin. Les éclairs dans ses yeux suffirent pour que les dames, coiffées aussi de bluetooth, s'agitèrent et s'impatientèrent, s'enquérant sans voulant trop hausser le ton de l'endroit où se nichait l'insolent.
J'aurai bien pris un autre café, mais à ce stade, je n'ai pas osé déranger.
Il fallu cinq bonnes minutes avant de voir poindre une longue silhouette sur le trottoir de Saint-Germain. Les gaillards à nouveau s'agitèrent, se bousculèrent. Les filles firent de même et le cliquetis des appareils photos rappelèrent à chacun qu'il n'y avait plus de temps à perdre. La Mutualité aussi pourrait s'impatienter. Michel s'assit près de Rachida, commanda un café, et les flash firent la lumière sur ce couple. En froid. Même pas une petite bise amicale à l'aurée de cette grande journée.
«Le bisou!» suggéra un photographe. «Le bisou européen!», cria son confrère pour être sûr de bien se faire comprendre. C'est vrai quoi, c'est quoi cette liste où l'on ne s'embrasse pas? Il y eu donc, un, deux, trois... peut-être dix «bisous européens» saisis jusqu'au téléobjectif dans un bar de 60m2.

Dix bisous, il en fallait sans doute autant pour saisir celui qui semblerait assez sincère pour faire la Une le lendemain.

A la place de Rachida, moi aussi j'aurais été grognon. Mais pour moi, c'était l'heure du plongeon.