17 octobre 2025
Le plan de paix de Trump ? Une sinistre mascarade
Comment croire à ce cessez-le-feu ?
Pendant des décennies, la Palestine occupée a fait l'objet de prétendus "plans de paix", souvent parrainés par les États-Unis.
Pour le peuple palestinien, aucune amélioration. Pour Israël, un renforcement permanent dans ses volontés et ses projets. Des dispositions pourraient faire bénéficier les Palestiniens de leurs droits fondamentaux : elles restent lettre morte. Le rapport de forces est en faveur d'Israël. Son armement est surdimensionné en quantité et en qualité, ses soutiens internationaux regroupent de nombreux pays riches, le plus puissant et le plus assuré étant les États-Unis.
Le cessez-le-feu actuel ? Francesca Albanese, rapporteuse spéciale à l'ONU, le résume ainsi : “Le cessez-le-feu selon Israël signifie “vous cessez, je fais feu”. L’appeler “paix” est à la fois une insulte et une diversion”. Les bourreaux viennent prescrire de force à leur victime le traitement qu'ils jugent approprié.
Le génocide s'interrompt. Pour combien de temps ? L'État israélien veut éliminer le peuple palestinien, qui représente pour lui une gêne insupportable. Au-delà des massacres, tuer chaque individu s'avère difficile. Autres méthodes : rendre la vie si invivable que le départ "volontaire" paraît la seule issue, ou expulser le maximum de Palestiniens au-delà des frontières du grand Israël sioniste, étendu "du fleuve Jourdain à la mer Méditerranée".
Les données actuelles
La bande de Gaza a connu des opérations de destruction massives en 2008, 2012, 2014, ainsi qu'en 2018 lors de la grande marche du retour. Elle vient de subir deux ans d'une offensive forcenée. Les survivants des bombes, des déplacements incessants sous la terreur, des privations d'eau et de nourriture, des maladies, sont toujours là.
Israël ne supportera pas leur présence, leur constance. Sa volonté d'exercer une mainmise absolue sur tout le territoire ne fléchira pas tant que l'afflux financier alimentant le génocide se poursuivra. Or, depuis le 7 octobre 2023, les États-Unis ont accordé à Israël une aide militaire de 22 milliards de dollars.
Quel que soit le prétexte invoqué, Israël prétendra que le Hamas ou les Palestiniens n'ont pas respecté les termes de l'accord. Washington acceptera que le génocide se poursuive. Trump aura les coudées franches pour créer une "zone économique spéciale" et une Riviera sur les ruines de Gaza. Les Palestiniens non éliminés recevront des jetons numériques en échange de leur "réinstallation volontaire" hors de leur territoire.
Comment croire à la faisabilité d'un tel plan ? Il ne comporte aucun calendrier contraignant, hormis le délai de 72 heures suivant le cessez-le-feu imposé au Hamas pour qu'il libère ses captifs.
En l'absence de dispositions précises, Israël peut facilement dénoncer ou contourner l'accord. Les dirigeants israéliens ne cherchent pas à bâtir une paix fondée sur la justice, mais à perpétuer et accroître leur pouvoir.
Le journal israélien à très grand tirage Israel Hayom, fondé par le richissime Sheldon Adelson, proche du Premier ministre Netanyahou, souligne que le plan proposé par Trump "répond aux exigences israéliennes".
Quel avenir dessinent l'accord de cessez-le-feu et le "plan Trump" ?
Selon le point 4 de l'accord conclu à Charm el-Cheikh le 9 octobre, "l’armée israélienne ne retournera pas dans les zones dont elle s’est retirée, tant que le Hamas appliquera pleinement l’accord."
Qui va confirmer la pleine application de l'accord ? Les militants du Hamas, toujours considéré comme un groupe terroriste, doivent quitter la Bande de Gaza, ou rendre leurs armes et bénéficier d'une amnistie. Aucune chance que leur parole fasse le poids si Israël les accuse de non-application.
En juillet 2024, la Cour internationale de justice, dans un avis consultatif, a de nouveau déclaré illégale l'occupation des territoires palestiniens par Israël. "Occupation" ? Ce terme ne figure pas dans le plan en 20 points proposé par Trump le 29 septembre. L'avis rendu par l'organe juridique suprême des Nations unies n'y est pas mentionné : la paix annoncée à grand bruit ne mettra pas fin aux occupations, ni à Gaza ni en Cisjordanie ni à Jérusalem-Est.
Plan Trump : le Hamas et autres groupes armés palestiniens seront démilitarisés et ne joueront aucun rôle dans la gouvernance de Gaza. Les États-Unis déploieront avec des partenaires arabes et internationaux une "Force internationale de stabilisation" (ISF) qui formera des forces de police palestiniennes. L'ISF collaborera avec l'Égypte et Israël pour "sécuriser" les zones frontalières. Les Palestiniens n'auront qu'un choix : résister inlassablement à la soumission ou accepter l'asservissement, voire devenir les complices de leurs oppresseurs.
À Gaza, une autorité transitoire temporaire gèrera les services publics. Donald Trump et d'autres politiciens internationaux, dont Tony Blair, dirigeront un "Conseil de paix" qui supervisera cette prétendue autorité. Le droit du peuple palestinien à l'autodétermination n'est pas mentionné.
Loin d'être terminée, l'occupation israélienne acquiert une vigueur nouvelle. Elle crée avec l'aide de ses soutiens une forme d'annexion internationale à forte valeur économique ajoutée. La Riviera trumpienne et blairienne s'insère dans un projet ambitieux de zone économique spéciale.
Ce qui est réellement prévu
Ce qui est prévu, c'est la colonisation complète du peuple et du territoire de Gaza. Elle se mènera sur un vaste cimetière couvert de décombres et hanté de souvenirs atroces. Toute forme d'économie productive est détruite, notamment l'agriculture. Aux termes du plan Trump, les coupables des massacres et des destructions ne seront jamais poursuivis. Israël n'aura rien à verser au titre de réparations, ses dirigeants resteront impunis et ne subiront aucune sanction.
L'État israélien a déployé pendant deux ans une force de frappe inouïe pour anéantir le peuple de Gaza, menant ainsi un génocide désigné comme tel par l'ONU. Le but ultime de cet acharnement est l'annexion complète du territoire qualifié de "Grand Israël". Gaza ne suffit pas. Il faut donc éliminer ou chasser le peuple palestinien, y compris en Cisjordanie. Elle sera bientôt coupée en deux, à force d'expulsions de villages entiers et de colonisations illégales. La "paix" offerte orgueilleusement par Trump au gouvernement israélien ne dit pas un mot de ce génocide au ralenti.
Point 1 du "Plan Trump" : "Gaza sera une zone déradicalisée et libérée du terrorisme". Qui définit la "radicalité" ? Qui "déradicalise" ? Par quels moyens ? Surveillance et répression des journalistes, des enseignants, des prédicateurs, des familles ?
La dignité des Palestiniens, condition de leur autodétermination et d'une égalité entre les peuples, sera-t-elle enfin reconnue ?
Le racisme anti-arabe est aux fondements de l'État israélien. Hauts gradés, ministres, députés, personnalités religieuses ravalent les Palestiniens à l'état de quantité négligeable, méprisable, haïssable. Général Rafael Eitan, 1983 : les Arabes de Cisjordanie sont comme des "cafards drogués dans une bouteille". Future ministre Ayelet Shaked, 2014 : les enfants palestiniens sont des "petits serpents". Ministre de la Défense Yoav Gallant, octobre 2023 : les Palestiniens sont des "animaux humains". Rabbin Ronen Shaulov, juillet 2025 : il est bon que les habitants de Gaza meurent de faim, y compris les enfants.
Tirer les leçons du passé
Comment imaginer que l'accord conclu sera respecté ? Israël bafoue sans relâche le droit international, et ne témoigne d'aucun respect pour ses adversaires.
1979 : à la suite des accords de Camp David signés en 1978 par le président égyptien Anwar Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin, le traité de paix égypto-israélien normalise les relations diplomatiques entre Israël et l'Égypte.
Promises alors par Israël, des négociations sur la Cisjordanie et la bande de Gaza doivent aboutir à l’autonomie de ces territoires et à la reconnaissance des droits des populations palestiniennes. Aucune mise en œuvre de ces engagements.
1993 : Accords d'Oslo. L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) reconnaît le droit d'Israël à l'existence. Israël reconnaît l'OLP comme représentant légitime du peuple palestinien.
La police palestinienne, créée aux termes des accords d'Oslo, maintient l'ordre uniquement dans les secteurs sous administration palestinienne. Elle n'a aucune autorité sur les forces de l'ordre israéliennes, ni sur les colons israéliens. C'est une force supplétive de la police israélienne.
1995 : Oslo II. Sous prétexte de détailler le processus de paix menant à la création d'un État palestinien, les territoires palestiniens sont morcelés et des questions cruciales sont remises à la fin des négociations : Jérusalem, les colonies juives de peuplement, les réfugiés palestiniens.
Il est prévu que l'armée israélienne se retire des localités de Cisjordanie occupée. Le pouvoir doit être transféré à l’Autorité palestinienne, censée être temporaire.
La Cisjordanie est divisée en zones A, B et C. L’Autorité palestinienne a un pouvoir limité dans les zones A et B. Israël a un contrôle exclusif sur la zone C, soit plus de 60 % de la Cisjordanie.
En 1948, lors de la création d’Israël, les colons juifs se sont emparés de terres historiquement palestiniennes. Dès 1948, les Nations unies ont reconnu aux réfugiés palestiniens, par la résolution 194, le droit de retourner sur ces terres. Sous la direction de Yasser Arafat, l’OLP n'a pas défendu ce droit.
Composée à 75 % de réfugiés ou de descendants de réfugiés, la population de Gaza n'admet pas cette renonciation au droit au retour. De nombreux Palestiniens abandonnent alors l’OLP en faveur du Hamas. Pour le grand écrivain Edward Said, les accords d’Oslo sont un outil de la capitulation palestinienne, un Versailles palestinien. À ses yeux, Arafat est un Pétain palestinien.
L'armée israélienne ne s'est pas retirée de Cisjordanie, comme le prévoyaient les accords d’Oslo. En 1993, il y a environ 250 000 colons juifs en Cisjordanie. Aujourd'hui, il y en a au moins 700 000.
Selon le journaliste Robert Fisk, Oslo est "un simulacre, un mensonge, un stratagème visant à piéger Arafat et l’OLP afin qu’ils renoncent à tout ce qu’ils avaient recherché et pour quoi ils s’étaient battus pendant plus d’un quart de siècle, une méthode visant à créer de faux espoirs afin d’émasculer l’aspiration à la création d’un État".
Et aujourd'hui ?
Les espoirs suscités par les accords d'Oslo sont bien loin aujourd'hui. De rares trêves ont lieu au cœur de la terrible offensive menée par Israël dès le 7 octobre 2023. Le 18 mars 2025, Israël rompt unilatéralement le dernier cessez-le-feu de deux mois en lançant des frappes aériennes surprises sur Gaza.
Selon les services de Netanyahou, la reprise de la campagne militaire répond au refus du Hamas de libérer les otages, à son rejet des propositions de prolongation du cessez-le-feu et à ses efforts de réarmement. L’assaut israélien initial, mené en pleine nuit, fait plus de 400 morts et plus de 500 blessés, massacrant et blessant des gens dans leur sommeil.
L’attaque fait échouer la deuxième phase de l’accord, qui aurait vu le Hamas libérer les captifs masculins encore en vie, civils et soldats, en échange de prisonniers palestiniens et de l’établissement d’un cessez-le-feu permanent, ainsi que de la levée éventuelle du blocus israélien de Gaza.
Depuis des décennies, Israël lance périodiquement des attaques meurtrières contre Gaza, contre toute sa population, femmes, enfants, vieillards. Pour les stratèges israéliens, bombarder ainsi, c'est "tondre le gazon". Quels que soient les accords de paix ou de cessez-le-feu, ils mènent impunément une guerre perpétuelle marquée par l'écrasante disproportion des forces.
Cette prétendue fin de la guerre n'ouvrira pas la voie à une paix juste, reconnaissant les droits du peuple palestinien à l'égalité et à une souveraineté réelle. Les objectifs d’Israël restent inchangés : la dépossession et l’effacement des Palestiniens de leur terre.
Et ces objectifs de toute-puissance sont inconciliables avec une véritable paix.