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Billet de blog 25 novembre 2025

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L’agenda du RN : où est le féminisme face à la banalisation des violences

En ce 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, avant d'aller marcher à 18h, je voudrais redire : le féminisme n'est pas une option, c'est une exigence démocratique et vitale

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En ce 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, avant d'aller marcher à 18h, je voudrais redire :

Le féminisme n'est pas une option, c'est une exigence démocratique et vitale

Un pays qui va bien est un pays où les femmes vont bien. L'égalité n'est pas un « numéro complémentaire », c'est le socle de toute démocratie, partie intégrante de notre devise nationale. Une politique qui prétend parler au nom des « droits de l'Homme » tout en restreignant ou carrément en ignorant les droits des femmes et même seulement en minimisant les violences sexistes et sexuelles (VSS) se situe hors du cadre républicain et du droit à disposer de son corps.

Les violences sexistes et sexuelles ne s'arrêtent pas à l'isoloir. Elles prennent forme dans la rue, sur les lieux de travail, dans les gestes quotidiens et dans les pages des réseaux sociaux. Depuis l'an dernier, plusieurs affaires marquantes, dont le procès historique des « viols de Mazan », ont mis en lumière une réalité longtemps méconnue ou ignorée : les violences sexuelles facilitées par la soumission chimique perpétrées dans la chambre à coucher.

Nous avons avancé collectivement : Aujourd'hui un discours qui banalise ces violences ou qui repousse la responsabilité sur les victimes n'est pas digne d'un pays qui se veut éclairé.

Les femmes ne forment pas un bloc monolithique

Le féminisme est pluriel et intersectionnel : lieux de naissance et de vie, origines ethniques, orientation sexuelle, âge, statut migratoire, handicap, milieu social, profession… autant de leviers qui conditionnent nos réalités et nos choix. Présenter l'électorat féminin comme homogène et aligné sur un seul programme, c'est trahir nos histoires et nos héritages et parmi eux, les luttes multiples des femmes.

Un vote féministe ne se résume pas au fait de voter pour une femme ni à un seul programme : les militantes et les travailleuses défendent des droits concrets (Égalité face à l'emploi, la protection sociale, l'accès aux soins, l'éducation et la garde des enfants, au statut de famille aidante) et exigent transparence et responsabilité du pouvoir actuel.

L'égalité des droits n'a pas de frontières

Droits reproductifs dont accès l'IVG, égalité salariale, lutte contre le féminicide et les violences domestiques, formation de la police, prévention auprès des enfants : ces fondamentaux transcendent les lignes partisanes et nos frontières sont bien inutiles pour nous protéger des violences du patriarcat et de son bras armé du masculinisme. Promettre « sécurité » tout en restreignant les libertés des femmes ou en attaquant les droits des minorités, c'est prendre en otage des vies concrètes et ne pas répondre à nos vraies inquiétudes.

Notre société n'est pas un « bistrot national » où la citoyenneté serait réduite au fait de parler une seule langue qui n'accepterait pas d'influence étrangère. L'État doit protéger et promouvoir l'égalité réelle, pas seulement l'ordre symbolique d'un récit identitaire. La presse doit vérifier son étanchéité et promouvoir les outils pour construire les résistances.

Le féminisme de façade : une stratégie dangereuse

L'extrême-droite a entrepris une stratégie délibérée pour séduire l'électorat progressiste en gommant ses positions les plus rétrogrades tout en instrumentalisant la laïcité aujourd'hui contre les muslims, hier contre les juifs. Cette conversion de façade mérite d'être examinée attentivement.

Les actes contredisent les paroles : Le RN a voté contre les lois sur l'égalité professionnelle au Parlement européen. En janvier 2020, le RN s'est opposé à la réduction des écarts de salaire femme-homme dans l'Union Européenne. En 2021, ils ont voté contre une résolution sur les formations contre le harcèlement sexuel dans les institutions européennes.

L'assignation au foyer sous couvert de droits : Sous l'apparence de nouveaux droits, les propositions de revenus pour mères au foyer ou le droit des femmes à rester chez elles nous renvoient en arrière quand nous n'avions pas le choix, assignent de nouveau en réalité les femmes à cette fonction réductrice de procréation et au travail domestique. Attention, on glisse vite : la fameuse différence sexuelle considérée comme "naturelle" qui renvoie les filles à des hormones de pondeuse et les fils à la guerre. Le foyer est un lieu trop important pour notre société tout entière pour qu'on y force quelqu'un à y rester par le mensonge, la violence ou la peur.

L'instrumentalisation raciste des violences envers les femmes et les filles : L'extrême-droite n'hésite pas à diffamer, à diffuser de fausses informations suggérant que les violences sexuelles seraient principalement le fait d'étrangers, alors que 87% des viols sont commis par des auteurs de nationalité française et dans 45% des situations, l'auteur est le conjoint ou l'ex-conjoint. Ses chantres perdent leur procès chaque fois... Mais des années après l'avoir diffusé leur contenu nauséabond. A part l'immigration comme unique responsable de tout ce que la France pondrait de sexiste et l'affichage d'une vague position féministe contre le port du voile, et uniquement comme validation d'un discours colonialiste éhonté : en vérité, il n'y a rien de progressiste dans le programme du RN en faveur des femmes et des filles.

Les exemples internationaux qui alertent : En Hongrie, classée 26e sur 27 États membres de l'UE pour l'égalité de genre, l'accès aux avortements est limité et le gouvernement renforce les stéréotypes de genre. Le pays n'a toujours pas ratifié la Convention d'Istanbul sur la violence à l'égard des femmes. En 2017, avec le soutien de Vladimir Poutine, la Russie a décriminalisé une grande partie des violences domestiques. C'est ça, concrètement, l'extrême-droite au pouvoir : arrêtons de laisser dire qu'on n'a jamais essayé... 

L'efficacité des politiques publiques et les effets de manches

Des mesures qui prétendent protéger une catégorie de femmes en expulsant les autres, qui n'écouteraient pas les demandes des associations de femmes ou qui supprimeraient les aides financières aux associations produisent des effets délétères : autonomie réduite, précarisation économique, violences institutionnelles. En 2025, le féminisme appelle à des politiques publiques sobres, utiles, qui soutiennent réellement l'égalité et la sécurité de toutes. Avant de voter en mars 2026, nous ferons le bilan et établirons les faits, uniquement les faits.

Les approches engendrées par l'appel à la haine raciale, la division des familles françaises ou immigrées vivant sur notre territoire, le contrôle et le durcissement des frontières loin des réalités des femmes ne résolvent pas les problématiques de violence, de précarité ou d'inégalités ; elles les aggravent en suggérant que les violences ne seraient pas déjà dans notre société, en s'aveuglant sur la recherche d'un bouc émissaire.

Appel à l'unité citoyenne et à l'action collective

Nous femmes féministes et nos alliés nous mobilisons pour défendre des droits, des services publics forts, une justice indépendante et un enseignement républicain qui protège toutes les personnes, y compris les femmes en situation de vulnérabilité.

Le vrai « agenda de la France » est celui de l'inclusion, de la justice sociale et de l'émancipation. Un programme politique qui mentirait, qui instrumentaliserait la peur et qui surveillerait les corps ne peut pas être cité sérieusement par la presse sans remise en contexte, ce serait dangereux (et pour des journalistes, peu professionnel).

Conclusion

L'agenda du RN n'est pas l'agenda de la France. Ne pas confondre un récit partisan avec l'expérience plurielle et vivante de Nous Toutes serait la moindre des choses. Le féminisme, loin d'être un courant d'élite, est la boussole qui nous rappelle que la France et la démocratie ne progressent que lorsque chaque citoyenne au même titre que chaque citoyen (pas plus mais pas moins non plus) peut vivre librement où elle le souhaite, en sécurité, avec ou sans homme, avec ou sans enfant, mais AVEC ses droits humains garantis pleins et sans conservateur.

Appels à l'action 

Manifestation du 25 novembre à Paris : rendez-vous à 18h, Fontaine des Innocents, Place Joachim du Bellay, 75001 Paris. Participons massivement pour exiger l'égalité, la sécurité et le respect des droits des femmes. Ensemble, faisons corps contre les violences et les discriminations et pour une société où chacun peut disposer de son corps, de son temps et de ses choix.

Musclez-vous et soutenez des organisations féministes et des réseaux qui militent pour l'égalité réelle : financement, bénévolat, inscription sur les listes électorales et participation à des actions de formation et de veille citoyenne.

Engagez-vous dans des débats publics qui évaluent les programmes sur leurs effets concrets sur les femmes et les filles : chiffres, études d'impact, témoignages et transparence des financements politiques.

Refusez les discours qui stigmatisent un groupe qui serait à l'origine de toutes les violences contre des femmes (Spoiler : Not All Men) sous couvert de sécurité ou d'identité nationale.

Ne soyons pas dupes : La laïcité agitée comme un chiffon, l'égalité F/H que prône l'extrême-droite n'est qu'une façade qui masque une volonté de stigmatiser les personnes immigrées et d'entraver la liberté des femmes à choisir leur destin.

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