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Billet de blog 14 mai 2015

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Faire croire que la réforme du collège de NVB réduira les inégalités est malhonnête

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La réforme du collège de NVB ne réduira pas les inégalité entre élèves et renforcera l'inégalité de l'offre entre collèges.

Les annonces faites en ce sens sont de la malhonnêteté intellectuelle.

  • Une réforme du lycée Peillon....en pire

La réfome du collège de NVB est la même que la réforme Châtel ( Peillon ) du lycée EN PIRE. Où sont les bilans de l'accompagnement personnalisé de la réforme du lycée ? Où sont les bilans des enseignements d'exploration au lycée ? Ces dispositifs, visant à pallier les inégalités scolaires et annoncés comme tels en 2010 s'avèrent catastrophiques pourtant : désintérêt ( ennui..tiens, tiens...) des élèves, désorganisation des établissements, manque d'heures pour ces dispositifs ( accompagnement personnalisé fait à 35...), manque de sens ( pas d'évaluation entre autres ) des enseignements d'exploration.

Dans les lycées, les enseignants libèrent les élèves en septembre pour préparer entre eux l'accompagnement personnalisé et les enseignements d'exploration puisqu'aucun temps préparatoire n'est inclus dnas les services. Aussi pendant un mois les élèves ont des heures en moins et apprennnent à ne rien faire. La mise au travail est plus difficile ensuite, et les élèves valident surtout que ces heures_là sont facultatives. De plus, ce dilettantisme impacte les heures disciplinaires et les enseignants sont mis en défaut. Des établissements ont été mis en difficulté à cause de cela.

Comme pour la réforme Châtel, la réforme du collège est faite à moyens constants : aussi les effectifs par classe ne baissent-ils pas, déjà ce point devrait être suffisant pour prouver que cette réforme n'est pas en faveur des élèves ! ( c'est vrai que 30 en classe de 6ème ça aide à réussir ! )

  • Un nombre d'heures insuffisant : c'est mathématique !

La réforme du lycée Châtel permet de distribuer 10,5 heures par élève de seconde pour réaliser l'accompagnement personnalisé, les enseignements d'exploration, et les dédoublements de ces "matières"...au collège il y aura 3h pour :

-faire de l'accompagnement personnalisé

-dédoubler l'accompagnement personnalisé

- proposer une 2ème langue autre qu'espagnol ( italien, chinois, allemand etc...)

-faire du latin ( et / ou grec )

-faire des filières sportives comme 2h de rugby, volley, hand...

Nul besoin d'être grand clerc pour s'apercevoir que ces  3 heures seront insuffisantes : une fois l'accompagnement personnalisé dédoublé : il n'y aura plus d'heures pour le reste ! Contrairement à ce que qui est annoncé. Même les heures supplémentaires ne pourront pallier cette carence. Les enseignants n'en prendront pas 6 ou 7...

Ce sont notamment les petits collèges qui patiront le plus de ce ce manque car ils auront moins d'heures à distribuer. Jusqu'à présent ce n'est pas le cas.

  • L'autonomie des établissement est un leurre :

Vanter les mérites de l'autonomie des établissements est un leurre : par autonomie des établissements il faut entendre autonomie des chefs d'établissement et donc accroisement de leur pouvoir. Ces derniers, sont accusés de plus en plus management inhumain, les conflits éclatent, les collègues se divisent, dans la lignée du management public insufflé par Sarkozy. Mais les chefs souffrent aussi des directives ordonnées par les recteurs ( lettres de mission, contrats d'objectifs etc...).

Il est faux d'affirmer que les enseignants auront plus de liberté. L'article de Lucie Delaporte omet de préciser qu'un décret a changé les modalités du conseil pédagogique. Jusqu'à présent c'est le conseil d'administration qui décidait du nombre de membres au conseil pédagogique. A présent c'est le chef d'établissement qui désignera les membres du conseil pédagogique, sauf si les équipes pédagogiques le lui en proposent d'autres dans les 15 jours après la rentrée... Ce qu'il peut refuser. Ce qu'il faut retenir c'est que les membres du conseil pédagogique ne sont pas élus, contrairement aux membres du conseil d'administration qui est l'organe décisionnel et démocratique de l'établissement. Le conseil d'administration est donc dévoyé, et les prérogatives du conseil pédagogique augmentent. Or c'est au conseil pédagogique que reviendra cette part d'autonomie de la réforme : dédoublement des l'accompagnment personnalisé ou pas, choix du latin, allemand etc...

  • L'interdisciplinarité : aide-t-elle vraiment les élèves en difficulté :

C'est partie de la réforme ( les EPI : enseignement pratique interdisciplinaire ) consiste en une co-animation d'un EPI, Français-histoire par exemple. Il faudra fournir une finalité concrète...c'est là que la permier bât blesse : avec quel argent pour acheter le matériel ? Les enseignants de collège savent les difficultés financières au collège : il n'y a pas d'argent ! ( contrairement aux lycées, mieux pourvus par les conseils régionaux ).

De plus, croire que l'interdisciplinarité aide les élèves en difficulté est là aussi un leurre ( voir à ce titre les exemples hallucinants sur Eduscol : faire un journal sur la locomotive à vapeur, ou mesurer le temps parcouru par un cheval de Lyon à Paris...si si ). S'il s'agit de fabriquer une mini éolienne par exemple ( ce que faisaient déjà les collègues de techno ), les bons élèves se focaliseront sur les calculs mathématiques ( notamment grâce au discours de leur famille sur "l'essentiel" ou " le plus important" à retenir, ce fameux méta discours différent suivant les milieux sociaux, permettant entre autres la réussite de certains et pas ou moins des autres ) , tandis que les élèves moins stimulés se focaliseront sur "la bidouille"…

C'est déjà le cas pour l'Histoire des arts en troisième : les enseignants n'ont pas le temps de se concerter ni d'approfondir l'étude d'objets. Cela creuse les inégalités entre élèves « aidés » et les autres.

  • Les EPI : un carcan rigide :

Jusqu'à présent, quand un-e enseignant-e changeait de niveau, ( 6ème à 3ème ) d'une année sur l'autre, il batissait sa progression en fonction du programme, de ses envies et du niveau ou motivation des élèves. Il en va de même quand un-e enseignant-e change d'établissement à la suite d'une mutation.

A présent d'un niveau à l'autre, ou d'un établissement à l'autre les EPI changeront, et les enseignant-es hériteront des EPI des autres. Si l'enseignant a deux EPI dans son service il aura 4 heures d'un nouveau cours à préparer...en concertation avec un-e collègue. Inutile de dire que ce travail préparatoire sera colossal, et qu'aucun temps de concertation n'est prévu. C'est la liberté pédagogique, coeur de l'enseignement, qui est altérée. Ce dispositif sera très contraignant.Sand parler du fait que les EPI donneront lieu à une évaluation nationale alors que chaque collège auront leurs propres EPI...

  • Fin d'un même enseignement pour tous sur tout le territoire : 

Au sein du conseil pédagogique sus-cité, le chefs d'établissement et les enseignants qu'il aura choisis, et non élus par leurs collègues rappelons-le, établiront si les 5èmes par exemple feront trois ou quatre heures de français, et les 3ème par exemple quatre ou cinq heures...

Si un élève change d'établissement, et que les choix de son nouvel établissement sont autres, l'élève aura perdu des heures de français.

L'offre d'heures par discipline et par niveau ne sera pas la même dans tous les collèges. Le risque est de créer des collèges au rabais, c'est-à-dire axés sur ce qu'on estime fondamental dans les collèges dits en difficulté...En effet dans les collège en difficuté, ou zone prioritaire ou rural on axe sur le français et les math, les " fondamenaux", mais ces élèves-là n'ont-ils pas beson aussi d'allemand, de latin etc.

Ce dispositif renforcera les collèges à deux vitesses.

  • Baisse des heures par discipline : rappelez-vous des IDD !

Là aussi, c'est mathématique : quand un EPI sera décidé par le conseil pédagogique, les disciplines participant aux EPI devront donner des heures : exemple , un EPI français-histoire en 4ème : le français donne une heure, l'HG aussi. C'est donc bien 1 heure de moins en français et 1 heure de moins en HG en 4ème pour les élèves. Certes ils feront du français et de l'histoire-géo en EPI mais pas cadrés nationalement.

Il y a treize ans on nous avait fait le même coup avec les IDD ( itinéraires de découverte ) : les IDD allaient tout résoudre, rendre les cours plus intéressants, là-aussi c'était de l'interdisciplinarité. Les heures par discipline avaient été rabotées ( une demi-heure par ci, par là ). Depuis les IDD ont disparu....les heures ne sont jamais revenues !

  • Vers une primarisation du collège :

La 6ème fait désormais partie du cycle 3 ( CM1-CM2-6ème ). Pourtant ce sont toujours les enseignants du snd degré formés dans leur discipline au niveau universitaire qui dispensent l'enseignement en 6ème, sauf que la techno-SVT-Science physique sera à partager ou à enseigner par un-e seul-e enseignant-e... un professeur des écoles ?  Il sera donc plus pratique que la  6ème soit dispensée par 3 à 4 enseignants ( professeur des écoles ), qui enseignerait deux à trois matières. Voilà de belles économies en perspective....

Au fait qui fournira les manuels aux 6èmes ? Les municipalités ( ben oui les 6èmes appartiennent au Primaire ! ) ou les conseils généraux : de belles empoignades en perspective !

Plus drôle : aura-t-on des manuels par cycle de 3 ans. Aura-t-on un manuel pour la 5ème-4ème-3ème ( cycle 4 ) ? Ce qui serait logique puisque les horaires ne sont plus fixées par niveau mais par cycle...Le lobby contre le poids des cartables a du souci à se faire !

  • La multiplication des hiérarchies intermédiaires :

Ce sera le règne de la caporalisation : les coordonnateurs de discipline auront droit s'ils le souhaitent à des indemnités, les coordonnateurs de cycle et les coordonnateurs de niveau...aussi.Ces enseignants, en lien direct avec le chef d'établissement seront chargés d'appliquer les directives du chef. Ainsi, jusqu'à présent égaux entre eux, des enseignant-es seront chargé-es de donner des directives à leurs collègues. ( texte décret, la circulaire étant toujours en attente !!! )

Un climat de travail serein en perspective...

Au fait  : le coordonnateur du cycle 3 ( CM1-CM2-6ème ) va bien s'amuser quand il devra faire la tournée des écoles de recrutement de son collège pour coordonner tout ce monde-là, sur son temps personnel...et quand il devra se coordonner avec les coordo de niveau et de discipline ! Encore plus drôle si le coordonnateur de cycle 3 est un professeur des écoles...

  • Réforme NVB = réforme Darcos

Rappel  : Septembre 2007 :

"Xavier Darcos a estimé jeudi qu'il fallait parler du collège unique "au passé". Le ministre propose de le remplacer par "une plus grande autonomie des établissements", qui définiront leur "politique éducative" eux-mêmes, à l'intérieur "de cadres nationaux" (...) "Plus personne ne croit que le principe selon lequel tout le monde doit faire la même chose au même moment dans l'Aveyron ou dans l'Essonne ait du sens", a-t-il expliqué...

( source Europe 1, 06-09-07, modifié le 10-11-09).

Pour toutes ces raisons, la réforme du collège proposée par Najat Valaud-Belkacem ne permettra pas de réduire les inégalités scolaires.

Faire croire le contraire est malhonnête.

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