Lettre ouverte à M. Le Président de la République
Manifestations étudiantes.
Monsieur le Président de la République,
J’ai manifesté avec beaucoup d’autres, pour demander le retour de Khatchik, de Léonarda, et des autres lycéens et étudiants expulsés.
De très nombreux manifestants ont demandé la démission du ministre de l’intérieur. Je n’étais pas de ceux-là, convaincue que je suis, que ce n’est pas le ministre qu’il faut changer, mais la politique en matière d’immigration et de reconduite à la frontière.
En effet, votre gouvernement applique avec fermeté et même avec un zèle certain, les textes votés par la majorité précédente, que la gauche critiquait hier.
Nous n’avons pas voté pour que le record des expulsions établi sous la majorité précédente soit battu.
Entre l’application ferme, zélée des textes, la politique du chiffre qui se poursuit et le laxisme, il y a place pour une politique plus humaine, plus soucieuse du droit à la dignité pour tous, plus respectueuse de l’autre. Ce serait, au moins, l’esquisse d’un changement.
Certes, la politique conduite avec fermeté par M. Valls est approuvée par une large majorité de Français. Nous avons voté pour le changement, pas pour installer les instituts de sondages au gouvernement.
Et puis, au delà des sondages, quel est le sens profond du message délivré par l’opinion ? Sans doute une demande de sécurité, mais une demande fondée sur la peur. La peur de l’autre, de l’étranger, de celui qui n’est pas pareil, de celui qui ne s’intègre pas, « qui ne pourra jamais s’intégrer » comme l’a dit, maladroitement le ministre.
Une peur qui conforte le FN et nourrit les sondages. Une peur qui est l’outil du FN pour chasser l’étranger. Un gouvernement de gauche ne peut pas, ne doit pas utiliser la peur.
Le devoir de votre gouvernement ne serait-il pas de convaincre les Français que la peur de l’autre n’est pas digne de la France ?
Quand 20000 Roms font peur à la France, il y a quelque chose de brisé au pays des droits de l’Homme.
Monsieur le Président,
N’écoutez pas ceux qui dénoncent la tyrannie de l’émotion. Que serait le pays des droits de l’Homme sans l’émotion ? Celles et ceux qui ont voté pour vous ne sont pas des robots froids, indifférents aux malheurs des autres.
L’émotion est préférable à l’indifférence.
Elle est préférable à la dictature de la peur.
Au delà des postures faciles, il y a un constat que vous ne pouvez ignorer.
La déception est immense parmi celles et ceux qui ont cru au changement.
Certes, il y a la crise ; certes, il y a l’héritage de la majorité précédente. Mais l’excuse de l’héritage ne tiendra plus longtemps.
Le premier devoir d’un gouvernement de gauche n’est-il pas d’améliorer la vie quotidienne des plus modestes, des petits retraités, de préserver le pouvoir d’achat de tous ceux, de plus en plus nombreux qui ont du mal à finir les mois ?
Sinon, pourquoi voter à gauche ?
Nous avons voté pour une gauche de justice sociale, de solidarité, nous avons été séduits par l’audace de vos propositions. Vous vouliez combattre la finance.
Tout cela semble bien loin, oublié par un gouvernement qui, comme le précédent, semble davantage préoccupé par la réaction des marchés que par les attentes des plus modestes.
Le gouvernement aurait tord d’ignorer la fracture qui se creuse chaque jour davantage entre la gauche des déçus du changement, celle d’en bas, celle que l’on n’écoute pas, celle qui vous a permis de gagner en 2012, et la gauche de gouvernement qui ménage la finance.
Une ignorance qui pourrait se payer très cher l’an prochain.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de ma très respectueuse considération.
 
                 
             
            