Peut-on être d’origine juive et être antisioniste ?
Fruit de l’union d’un père africain et d’une mère juive allemande, j’ai vu le jour au mitan du XXème siècle.
Ma mère est née en 1928 à Munich, première ville nazie. Sa famille était composée de petits-bourgeois convaincus d’être bien intégrés puisque certains de ses membres étaient morts à Verdun, côté allemand. Persuadés d’avoir payé de leur sang leur assimilation, face à la montée de la peste brune beaucoup ne prirent pas la mesure du danger auquel les juifs étaient exposés.
Heureusement mon grand-père homme de gauche comprit dès 1933 qu’il fallait déguerpir face au rouleau compresseur nazi. Cette petite partie de la famille se réfugia dans différents pays (Belgique, France, Italie) où ils vécurent des années de misère, cachés, affamés, terrifiés. Au terme de la guerre ne restaient que peu de survivants dans ce milieu.
Privée de sa jeunesse, ma mère compensa en devenant une jeune femme très libre ce qui lui fut reproché dans ce milieu partiellement composé d’orthodoxes. Ainsi mon oncle, vieux garçon intégriste, se sentait tellement juif qu’il ne trouva jamais une femme suffisamment juive à son goût. Il partit en Israël et en revint dégoûté qu’on n’y respectât pas suffisamment ni les règles strictes du judaïsme ni le shabbat. Evidemment l’attitude licencieuse de ma mère, qui se maria plusieurs fois mais jamais avec un homme juif, provoquait chez lui de fortes crises d’urticaire.
Surtout lorsque celle-ci rencontra celui qui allait devenir mon père, un africain qu’elle épousa en 1948. Elle fut immédiatement enceinte et mon géniteur prit la fuite juste avant ma naissance.
Cette étoile filante m’a légué une couleur de peau basanée. Sans sa présence visuelle, je ne parvenais pas à m’expliquer pourquoi j’avais une carnation différente de celle des enfants qui m’entouraient. Pourquoi être bronzée alors que ma mère était blanche ?
Après le départ de mon père, nous sommes venus habiter en Suisse en 1951. Jusqu’au milieu des années 80, il n’y avait que peu de noirs dans le paysage. Pour les Helvètes croisés au coin des rues je n’étais qu’un obscur objet de curiosité. Ils se permettaient de toucher mes cheveux et d’examiner mes dents comme cela se faisait lors des ventes d’esclaves. Souvent après m’avoir tripoté les joues, ils s’essuyaient avec leur mouchoir, vérifiant ainsi que ma couleur n’avait pas déteint sur leurs mains.
En 1954 lorsque je suis rentrée à l’école mes petits camarades se sont montrés très irrévérencieux. Pour eux je n’étais qu’un monstre coloré et rebutant.
« Sale négresse, singe poilu, tu pues, va te laver ! Tu n’as pas l’intelligence d’un blanc... »
Beaucoup d’entre eux avaient interdiction de jouer avec moi, au cas où ma « sauvagerie primitive » aurait été contagieuse. Tous considéraient qu’avec mon teint basané j’aurais dû rester dans ma jungle, auprès des « miens » les primitifs.
Aussi je devais supporter ce que les africains dans les équipes de football subissent encore aujourd’hui : des cris de singe, des brimades, des coups et surtout un immense mépris.
Les racistes ont toujours considéré que les noirs seraient tous de gros bébés incivilisés, que leur supposée infantilité les rendrait non intégrables dans la collectivité, que ces parasites colorés seraient des boulets pour la société. Donc pour ces racistes je n’étais qu’une forme de sangsue basanée.
Malgré tout cela on tolérait que je sois noire puisque ça saute aux yeux. Ce qui n’était évidemment pas le cas concernant mes origines juives. Conformément aux croyances de ces racistes, la judaïté serait une origine traîtresse parce que les juifs seraient « trop » intelligents, donc capables de contrôler l’économie et de manipuler la politique mondiale. Pour ces racistes il valait mieux que je sois noire plutôt que juive, c’était moins dangereux pour la société.
Mais étais-je surtout noire, donc inoffensive ou plutôt juive donc une menace pour l’ordre social ?
Dans ma famille on ne parlait que rarement de religion. On me disait juste que j’avais une origine juive sans ajouter de contenu philosophique ou religieux à cette affirmation. Qu’est-ce que cela signifiait ?
C’était d’autant plus mystérieux que ma mère répétait souvent :
« … si un dieu avait existé, il n’aurait jamais permis le massacre de tant d’innocents durant la seconde guerre mondiale… »
J’en ai conclu que ma mère devait être agnostique. Ce qui ne l’empêchait pas de répéter sans cesse qu’il fallait que je sois fière d’avoir cette origine juive. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier que d’être « juif » si on ne croit pas en un dieu ? De quoi fallait-il être fière ?
Malgré mes doutes précoces, mue par un réflexe pavlovien de conformité aux vœux maternels, lorsque les enfants demandaient quelles étaient mes convictions religieuses je répondais automatiquement que j’étais juive. Ce faisant, je me jetais dans la gueule des loups racistes alentours.
C’était durant les années 50 et la seconde guerre mondiale était terminée depuis moins de 10 ans. Malgré tous les massacres de juifs, il n’y a jamais eu de volonté de démanteler en profondeur les mécanismes de l’antisémitisme qui imprègnent aujourd’hui encore l’esprit de la population.
D’aucuns avaient cru que les procès de Nuremberg (1945/1946) avaient eu des vertus pédagogiques. Qu’entendre les récits des atrocités commises contre la communauté juive avait permis aux racistes de comprendre que leur xénophobie est une ineptie. Or jamais ni les peuples ni leurs gouvernements n’ont appris de l’Histoire.
L’antisémitisme dure depuis la nuit des temps. Aujourd’hui encore beaucoup pensent que les juifs contrôlent l’économie internationale ce qui en ferait les responsables de tous les malheurs du monde. L’antisémitisme n’a jamais été mis en veilleuse, des lois empêchent seulement sa manifestation. Il s’exprime de façon plus hypocrite.
Durant ces années 50, les enfants m’adressaient à l’école des injures qu’ils n’avaient certainement pas inventées, sans doute entendues dans leur milieu familial.
« En plus tu es juive, donc tu as crucifié Jésus-Christ. Assassin ! »
« Vous tuez des enfants pour boire leur sang »
« Vous êtes obsédés par l’argent, vous vous enrichissez sur le dos des autres peuples … »
On me traitait de juive travestie en noire (ou l’inverse), avançant à pas masqués, avec un bagage génétique douteux et perfide, à la fois bronzée donc stupide, à la fois juive donc cupide et assoiffée de pouvoir.
Accusée d’être une perverse criminelle sans même en avoir conscience, on me traitait de dégénérée irresponsable. Alors comme le font en général tous les enfants, je me sentais responsable d’être qui j’étais, comme si j’avais choisi de l’être avant ma conception. Souffrant de graves problèmes d’identité, j’étais condamnée à faire le dos rond et à me taire. J’avais honte.
Parfois ma mère venait voir mes maîtres d’école pour leur demander d’intervenir. En vain. Le corps enseignant ne prenait pas la mesure de ma détresse, peut-être (sans doute) parce qu’il était lui-même raciste.
Comment aurais-je pu me plaindre au regard de ce que ma mère avait subi en vivant cachée, privée d’enfance, risquant chaque jour de mourir ? Certes mon sort était plus enviable que ne l’avait été le sien. Mais d’être noire et juive c’était la galère ! A la jonction de deux racismes différents, ces deux rejets imprimaient en moi leur diktat négatif. J’étais très jeune et face à moi ils étaient très nombreux. Je les croyais et finissais par me prendre pour un monstre.
Mes troublantes origines me condamnaient à être doublement vouées aux gémonies. Dans ces conditions je me demandais souvent si j’avais le droit d’exister.
Pourquoi parler aujourd’hui du racisme subi il y a plus de 70 ans ? Pour dénoncer le fait que celui-ci n’a jamais disparu, bien au contraire. Il est bien implanté et traverse toutes les sphères de la société aussi bien en Europe, qu’au Moyen-Orient et dans le reste du monde.
L’humanité est en mouvement, les populations se déplacent pour fuir les conflits, les persécutions, le terrorisme, la violation de leurs droits humains, les changements climatiques, la misère. Il n’y a jamais eu autant d’individus qui doivent aller vivre dans un autre pays que celui dans lequel ils sont nés.
Ces transferts d’un coin à l’autre de la planète alimentent le racisme des habitants des pays dans lesquels ces immigrés viennent s’installer. En écorchant le nationalisme de leurs hôtes, la mondialisation alimente leur xénophobie, l’universalise.
Pourtant ceux qui se considèrent comme étant des « de souche » ne sont là que depuis quelques générations. Leurs aïeux sont forcément venus d’ailleurs à une époque pas si lointaine. Comme c’est tombé dans l’oubli, par effet de miroir ces « de souche » se retournent contre les nouveaux arrivants exprimant ainsi la honte de leur propre passé d’émigré.
Ce phénomène est accentué par le fait que les pays d’Europe ont perdu leurs colonies dans la douleur. Beaucoup nourrissent encore un profond ressentiment à l’égard de ces populations qui ont eu le culot de demander l’indépendance de leurs pays. Dans ce contexte, les racistes « modernes » détestent toujours noirs et juifs auxquels ils ajoutent les arabes, chinois, turcs et russes… bref le monde entier sauf eux… l’autre étant toujours accusé d’être responsable de tout ce qui va mal sur terre. En Occident aujourd’hui c’est le racisme antimusulman qui prime.
Ce même racisme a pourri la vie de ma mère. Elle a été exposée en permanence au risque de mourir conformément aux plans nazis de la « solution finale ». Instable sentimentalement, en 1951 dès le départ de mon géniteur elle se remaria avec un communiste. Nous étions alors plongés dans un milieu anticolonialiste où on dénonçait pêle-mêle l’apartheid, l’impérialisme, la spoliation des terres et des biens et l’asservissement des peuples que ce soit en Afrique, en Algérie, au Vietnam ou en Corée.
En 1957 la famille déménagea de Zürich à Genève. Puis ma mère divorça à nouveau pour accumuler de nombreuses aventures galantes. Chaque fois qu’elle avait un chagrin d’amour elle rabâchait :
« Allons vivre en Israël (« Eretz Yisrael » comme le répétait ma grand-mère en hébreu). C’est une terre sans peuple pour un peuple sans terre. C’est la terre promise par Dieu aux enfants d'Israël puisque c’est écrit dans la Bible (que je n’ai jamais lue). Là-bas nous vivrons en paix, sans subir ni pogrom ni autre forme de rejet ».
Présenté ainsi, Israël aurait dû être une « terre pansement », un cadeau offert par le ciel pour compenser les souffrances antisémites endurées depuis des siècles.
Qui n’a pas envie d’imaginer qu’il existerait un endroit sur cette terre qui lui serait spécialement destiné ? J’ai vécu dans l’illusion qu’Israël pouvait être un utérus national protecteur pour les juifs durant de nombreuses années.
Jusqu’à la guerre des 6 jours (1967). J’avais alors une amie juive (je le précise parce que si elle ne l’avait pas été, sectaire comme je l’étais je ne l’aurais même pas écoutée) qui avait un père qui travaillait à l’agence des Nations Unies pour les réfugiés à Genève. C’est elle la première qui me parla de l’existence de palestiniens. Je l’ai écoutée incrédule, comme si elle me révélait l’existence d’extraterrestres parmi nous.
« … Il y a une population qui habite là-bas et qu’on déloge pour y installer des juifs. Il suffit d’avoir une mère juive (condition pour être reconnu comme juif) pour avoir le droit de s’y installer » me dit-elle.
Quoi ! En chasser d’autres pour s’installer à leur place ? Mon anticolonialisme venait de prendre un coup mortel.
J’avais été bien naïve de croire qu’au XXème siècle, hormis les îles désertes et les sommets de l’Himalaya, il pourrait y avoir sur notre planète de vastes territoires exempts d’habitants. Depuis longtemps les humains ont colonisé l’ensemble des terres arables. Depuis longtemps il ne peut plus y avoir de terre sans peuple.
Alors si Israël devait avoir vocation de protéger les juifs de l’antisémitisme, pourquoi construire ce pays en Palestine et pas là où il s’exprimait avec le plus de vigueur ? On m’expliquait qu’après deux millénaires de dispersion sur l’ensemble du globe, était né au sein du « peuple juif » d’Europe centrale et orientale le mouvement nationaliste du sionisme. Que ce mouvement revendiquait l’autodétermination du peuple juif par la fondation d’un Etat sur des terres qui s’étendent de Canaan à la Terre Sainte et la région de la Palestine.
Que déjà en 1917, les Britanniques avaient annoncé leur soutien officiel au projet sioniste par la Déclaration de Balfour. Qu’en 1923, la Société des Nations avait donné aux Britanniques un mandat en Palestine et y favoriser l'immigration juive.
Mais comment l’ONU a-t-elle pu accepter la création d’un Etat qui se construisait sur la terre d’un autre peuple ?
Était-ce le résultat de la culpabilité collective des grandes puissances qui, après avoir pris connaissance des horreurs commises dans le cadre de la Shoah, alors qu’elles n’avaient rien fait pour protéger les juifs à l’époque, voulaient maintenant s’en dédouaner ?
Espéraient-elles « régler » le « problème juif » (notamment celui de leur propre haine à leur égard) en se débarrassant des juifs d’Europe ?
Quoi qu’il en soit on peut constater que les palestiniens ont été d’emblée sacrifiés sur l’autel des exigences de la politique internationale et du sionisme. L’ONU a considéré qu’ils n’étaient que « vulgum pecus » dont on pouvait disposer afin d’en faire des variables d’ajustement permettant aux occidentaux de réaliser leur plan d’exportation du « problème juif » vers le Moyen-Orient.
Car contrairement à ce qu’on me disait dans ma famille, ce « foyer national » ne s’est pas installé sur une « terre vierge de tout peuple ». Des autochtones occupaient les terres de la Palestine, certains étant des nomades sans organisation centralisée ni grandes puissances pour les défendre. Très vulnérables, ils ont dû faire face aux premiers sionistes qui, à partir des années 20 et avec l’aide du gouvernement anglais, commencèrent à les chasser pour installer à leur place une population juive venue s’y refugier pour fuir les pogroms et massacres en Europe.
Si après la seconde guerre mondiale il y avait eu une véritable justice internationale pour « réparer » le mal que le national-socialisme a fait à la communauté juive, logiquement cette justice aurait dû le faire en réquisitionnant les richesses pillées par les criminels nazis.
Car les nazis avaient mis le grapin sur d’immenses fortunes qui ont souvent été transférées après la capitulation en Amérique Latine, pays où ces nazis se sont massivement refugiés. Ils ont été protégés par les réseaux du Vatican et par certains gouvernements, notamment celui des USA. Une autre partie des richesses dérobées a fini dans les banques suisses ou dans d’autres paradis fiscaux.
Le capital accumulé par les nazis a été injecté directement dans l’économie allemande et continue d’y être fructifié aujourd’hui par l’intermédiaire des grandes entreprises allemandes telles que Volkswagen, BMW, Deutsche Bank, Siemens, Daimler (Mercedes-Benz), ThyssenKrupp ou encore IG Farben (le fabriquant du gaz Zyclon B utilisé dans les camps d'extermination dont sont issus les géants de la chimie Bayer et BASF). Toute l’industrie allemande a profité pleinement de l'horreur nazie d’une part pendant la guerre et surtout après, durant la période de la guerre froide.
Certes l'Allemagne versa des réparations au Congrès juif mondial pour les biens juifs confisqués en vertu des lois de Nuremberg et du travail forcé et des persécutions. Mais c’était peanuts et réalisé grâce aux impôts de la population allemande.
En 1946 on créa une commission tripartite (USA, Grande-Bretagne, France) chargée de la restitution de l’or nazi volé dans les banques centrales des pays envahis. Une bonne partie de cet or avait transité par les banques suisses, pays qui avait joué le rôle de « receleur d’Hitler » permettant aux nazis de prolonger leur guerre. Puis cet or fut stocké au Brésil et exfiltré à la fin de la guerre en Argentine. L’or étant dans de « bonnes mains », il n’y eut qu’une volonté très (très, très) limitée de le rendre aux victimes. Aussi la commission tripartite brilla par son inefficacité.
Aucun dédommagement ne fut payé aux descendants des juifs tués pendant la Shoah. On ne toucha pas aux fortunes accumulées par ces criminels. Ce qui prouve que le crime nazi a vraiment bien payé !
Si on avait vraiment voulu rendre justice au peuple juif, il aurait fallu construire son Etat sur les propriétés des nazis en Allemagne ou dans les pays de l’est. C’étaient bien eux les vrais responsables de la Shoah ! Mais personne ne voulait de la création d’un tel Etat au cœur de l’Europe. Alors on a préféré demander aux pauvres palestiniens de se sacrifier pour dédommager les juifs des crimes nazis commis par d’autres en Europe. C’est eux qui ont ainsi payé le prix fort d’une Shoah perpétrée par des occidentaux.
En 1948, c’est avec l’accord de l’ONU que l’Etat d’Israël fut créé dans une région jusqu’alors sous mandat britannique. Il y avait alors plus d’un million d’arabes qui occupaient majoritairement la Palestine face à 650.000 juifs. Des palestiniens arabes qui furent contraints d’abandonner leurs terres et leurs biens afin que l’ONU puisse créer deux Etats sur leurs territoires. Ainsi aux infâmes malheurs subis par les juifs en Occident succédèrent les épouvantables infortunes que devaient à présent endurer les palestiniens arabes en Orient.
Le nouvel Etat a été édifié sur des terres palestiniennes avec l’assentiment des grandes nations, sans que cela ne gênât quiconque, hormis les populations arabes palestiniennes sur place ainsi que certains pays tels l’Egypte, l’Irak, la Syrie et le Liban. Ceux-ci déclarèrent immédiatement la guerre pour s’opposer à la création de cet Etat proclamé.
Durant cette guerre, entre 700 000 et 750 000 arabes palestiniens prirent la fuite ou furent chassés en particulier des villes d'Haïfa, Tibériade, Beït Shéan, Safed, Jaffa et Acre qui furent annexées à Israël et qui perdirent 90 % de leur population arabe. Approximativement 400 villages arabes furent abandonnés, évacués ou détruits.
Immédiatement l’Etat d’Israël exécuta un tour de passe-passe légal afin d’annexer les terres déclarées vacantes de ces milliers de palestiniens arabes effrayés, qui avaient fui les zones de combat. Ces palestiniens arabes étaient pourtant « présents » sur le territoire. Mais comme ils s’étaient momentanément absentés de leurs foyers, leurs propriétés furent immédiatement confisquées. L’Etat d’Israël se dépêcha de légaliser les changements de propriété foncière en créant une nouvelle catégorie de citoyenneté, celle des « absents présents » (nifkadim nohahim).
Grâce à ce stratagème entre 30 000 à 35 000 arabes palestiniens sont devenus des « absents présents » ce qui signifia que bien qu’ils fussent des citoyens israéliens jouissant de tous les droits civils, ils étaient privés du droit de propriété sur leurs terres et dépossédé de tous leurs biens.
Cette acrobatie légale a permis à l’Etat d’Israël de confisquer leurs terres utilisées pour la construction de nouvelles colonies juives dont les palestiniens arabes, possédant pourtant la citoyenneté israélienne, sont exclus. Dans la mémoire collective palestinienne, les évènements de 1948 restent présents en tant que Nakba (en arabe « désastre » ou « catastrophe »).
Depuis 1960 c’est l' Administration foncière israélienne (ILA) qui gère 93 % du territoire. Cette administration ne peut louer de terres qu’à des juifs, ce qui exclut forcément tous les arabes palestiniens.
Pourtant le principe de « l’autodétermination » (droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) a été inscrit dans la Charte des Nations unies en 1945. Il stipule que tout peuple devrait avoir le droit de déterminer son propre gouvernement, indépendamment de toute contrainte étrangère. Les palestiniens étaient sur ce territoire avant l’arrivée des juifs. Ils auraient donc dû bénéficier en priorité de cette « autodétermination ». Mais lorsque prit fin le mandat britannique les palestiniens arabes n’étaient pas organisés sous la forme d’un Etat. Donc l’ONU et la communauté internationale n’ont même pas reconnu leur existence et n’ont accordé « d’autodétermination » qu’au peuple juif.
Aujourd’hui, malgré ces entorses à tout principe égalitaire, le monde occidental considère qu’Israël serait le seul pays démocratique du Moyen-Orient. Pour les juifs qui y habitent, ça l’est assurément. Mais l’est-il pour les 20% d’arabes palestiniens qui vivent sur son sol ?
Ceux-ci sont des citoyens à part entière jouissant d’une protection égale devant la loi et les mêmes droits que leurs concitoyens. Mais sont-ils vraiment aussi « égaux » que le sont les juifs ?
Beaucoup d’associations sur place ainsi que le Comité des Droits de l'Homme s'interrogent sur l'existence d'une "discrimination fondée sur l'origine ethnique ou nationale matérialisée par un nombre considérable de règles, lois et pratiques qui gouvernent le quotidien et l'existence dans ses moindres aspects de la naissance à la mort des Arabes vivant en Israël et des palestiniens".
Exemple de ces discriminations :
- Pour les arabes israéliens s’applique le « droit du sol » (ils doivent être né en Israël pour en devenir citoyens). Ce droit n’inclue pas les millions de palestiniens nés sur son sol mais qui se sont exilés. Ils ne sont pas considérés comme des citoyens israéliens.
- Les arabes israéliens ne sont des citoyens que « par résidence », ce qui n’est pas le cas de leurs compatriotes juifs auxquels s’applique le « droit du sang » car une « Loi du retour » stipule qu’un juif qui immigre en Israël devienne automatiquement citoyen de l'État juif.
- Les arabes israéliens gagnent en moyenne 69 % de moins que les juifs israéliens.
- La langue arabe était une des langues officielles de l'État en 1948. Depuis une loi adoptée le 19 juillet 2018, elle n’est plus qu’une langue à statut spécial.
- Le conjoint palestinien arabe d'un citoyen israélien n'a pas le droit de vivre en Israël, officiellement pour des questions de sécurité, mais surtout par crainte d'un afflux de palestiniens en Israël.
- En janvier 2012, la loi sur la citoyenneté et l’entrée en Israël a été confirmée par la Cour suprême d'Israël. Elle interdit aux arabes palestiniens mariés à des Israéliens d’obtenir la nationalité israélienne, empêchant des milliers de couples mariés de vivre ensemble.
- Le développement urbain est conçu pour limiter l’essor des localités arabes musulmanes et chrétiennes. Seules les localités juives sont favorisées en termes de ressources budgétaires, de superficie municipale et d’attribution de zones industrielles. Il y a pénurie de terrains à bâtir et de surfaces à cultiver dans le secteur arabe. La densité de population y est devenue beaucoup plus forte que dans les localités juives israéliennes.
- Ce n’est que depuis 1990 que les arabes israéliens ont obtenu le droit d’acheter de la terre en Israël. Jusqu’alors ils ne le pouvaient pas. Je n’ose pas imaginer ce qui se passerait en France si, comme en Israël, on refusait à un groupe le droit de devenir propriétaires au prétexte que les individus qui le composent ne pratiquent pas la religion officielle. Ce serait le tollé.
- Lorsque des palestiniens des territoires occupés se révoltent ou manifestent, l’Etat d’Israël les incarcère dans le cadre de détentions administratives, dans des prisons situées en Israël. Il s’agit de détentions purement arbitraires, sans inculpation formelle ni procès, pour une durée inconnue et renouvelable indéfiniment. Pratiqué par Israël pour des « raisons de sécurité », ce régime de détention viole l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Car ce régime n’offre pas au prisonnier l’accès à une procédure équitable. Les jugements, quand il y en a ce qui est rare, dépendent entièrement de la décision de l’appareil militaire. La possibilité de recours n’existe pas. Le plus souvent il y a absence de procès donc renouvellement de la détention à la discrétion du juge. Les emprisonnés sont privés des visites régulières de leurs familles du fait que celles-ci doivent déposer une demande de permis pour entrer en Israël, ce qui leur est fréquemment refusé.
Il y aurait actuellement bien plus de 7000 prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes, dont au moins 300 mineurs, incarcérés dans des conditions discrétionnaires. La communauté internationale si prompte à crier au scandale s’agissant des otages du Hamas, se tait concernant ces palestiniens arabes emprisonnés arbitrairement. Pourtant ne sont-ils pas eux aussi des otages aux mains de l’Etat hébreu ?
Israël est donc une démocratie à deux vitesses dans laquelle la majorité juive est largement avantagée. La souveraineté c’est surtout celle du peuple juif.
Ma famille qui vote pourtant traditionnellement à gauche a toujours été imprégnée d’idéologie sioniste, imaginant qu’Israël était le prix des souffrances endurées depuis des siècles. Elle pensait que la construction de cet Etat allait nous mettre à l’abri de la malédiction antisémite.
Certains (pourtant non-croyants) de mon milieu légitiment l’existence d’Israël en citant la Bible (Jérémie 33 : 7 « Je ramènerai les captifs de Juda et les captifs d’Israël et je les rétablirai comme autrefois »).
On m’a toujours répété qu’Israël est une terre juive puisque c’est écrit dans la Bible. Donc c’est forcément la vérité. Que la Bible serait un acte de propriété notarial divin inscrit dans les gênes des traités de l’ONU ! Que les arabes palestiniens n’ont rien à faire sur des « terres juives ». Mais comment une croûte terrestre pourrait-elle avoir une religion ?
Je suis toujours étonnée que dans mon milieu anticolonialiste, il semblât normal d’accepter qu’après la création de l’Etat d’Israël, on en chasse les populations locales. Stupéfaite que beaucoup puissent penser que les palestiniens ne seraient que des hordes de nomades incultes qui n’auraient pas la notion de « peuple » donc ne mériteraient pas de vivre sur ces terres berceau de la Bible. De les chasser participerait donc à une mission régionale civilisatrice.
Personne dans mon milieu ne s’offusque du sort réservé à ceux qui, sur cette terre particulière, ont le malheur de ne pas être des juifs. Normal que leurs maisons soient détruites, que leurs terrains soient réquisitionnés afin de construire des colonies destinées aux seuls juifs. Visiblement l’anticolonialisme de ma famille est à géométrie variable.
Pire, j’ai constaté qu’après que la communauté juive ait subi du racisme durant des siècles, certains membres de ma famille sont devenus racistes à leur tour. Foulant aux pieds les droits de l’Homme, ils imaginent une « solution finale » appliquée aux palestiniens arabes. Normal qu’on les enfermât dans des ghettos style Gaza. Normal de penser que la meilleure façon de résoudre le problème palestinien serait de les tuer tous. Malheur aux vaincus !
Alors comment gérer mon anticolonialisme dans mon milieu ? Lorsque j’y exprime mes doutes c’est généralement le scandale. Ma famille fait bloc pour me traiter de traître. Mes contestations, même les plus innocentes, sont perçues comme étant antisémites. «Familialement ovnifiée», il faudrait que j’apprenne à me taire. Mais j’en suis incapable.
A toutes mes questions la réponse est toujours la même :
« Après ce que nous avons souffert, nous avons tous les droits ». Comme si le fait d’avoir souffert donnait le droit de faire souffrir les autres !
De parler d’Israël en famille c’est la foire d’empoigne. Je leur ai toujours demandé si l’émancipation d’un peuple devait passer par la construction de nouvelles frontières, alors que la mondialisation a vocation à détruire celles qui existent.
On m’a toujours répondu que les frontières d’Israël avaient été délimitées par la Bible, que j’avais le droit de douter de tout, mais pas de remettre en question l’existence de ce pays. Ce serait dépasser la ligne rouge. Mais qu’est-ce que le doute ? N’est-il pas inséparable de la pensée ? Comment empêcher quelqu’un de tout remettre en question, y compris l’existence d’un Etat ?
Etant d’origine juive, faut-il obligatoirement que je sois sioniste ? Je ne le suis pas et on m’accuse de vouloir forcément détruire l’Etat d’Israël pour jeter les juifs à la mer, comme si le fait d’émettre le moindre doute concernant son existence ou de critiquer sa politique, pouvait masquer un désir inconscient d’holocauste.
- « Israël a déjà beaucoup d’adversaires, tout le monde est contre nous, pas besoin d’ennemis de l’intérieur ! »
Selon ma famille, mes interrogations prouveraient qu’inconsciemment je souhaiterais détruire l’Etat d’Israël dans une forme de « haine de moi ». Certains pensent que mon antisionisme serait l’expression de mon masochisme. Ce à quoi j’ai toujours rétorqué que leur refus de critiquer Israël relève d’une forme de paranoïa aigüe et d’un aveuglement coupable.
Pourtant à une époque une certaine partie de ma famille votait à gauche. Elle participait à des manifestations contre l’apartheid en Afrique du Sud, contre la guerre au Vietnam et globalement pour l’autodétermination des peuples. L’autodétermination pour tous les peuples, sauf pour les palestiniens. Souvent je me suis demandé comment les valeurs de la gauche pouvaient se diluer dans celles du sionisme.
Ce n’est pourtant pas de l’existence de l’Etat d’Israël dont je doute. Comment pourrais-je souhaiter sa destruction ? N’y a-t-il pas déjà eu suffisamment de tueries de juifs (et de non-juifs) ? Ce qui me dérange c’est l’impérialisme de cet Etat. Je rêve qu’il se transforme et devienne totalement laïc et surtout qu’il soit une démocratie pour tout le monde, y compris pour ses musulmans. Pourquoi deux (ou plusieurs) peuples qui vivent sur la même terre ne pourraient-ils pas coexister pacifiquement ? Pourquoi une personne d’origine juive devrait-elle avoir plus de valeur qu’un arabe palestinien ?
C’est certainement la victimisation de ses fondateurs qui a culpabilisé le monde poussant la communauté internationale à accepter la construction d’un Etat sur des terres occupées par d’autres. L’Etat d’Israël a toujours bénéficié du regard indulgent des occidentaux qui lui ont apporté de nombreux soutiens.
Notamment celui de la France qui, à partir de 1956 est devenu son principal fournisseur d’armes et de technologie nucléaire. Puis ce fut au tour de Washington de livrer des armes. Depuis 1960, les USA sont le plus grand contributeur de l’Etat hébreu. Ils l’assistent financièrement et politiquement, entretenant avec lui des relations militaires très étroites en raison d’intérêts économiques importants dans la région. Rien que sur le plan de l'aide militaire, cette aide s’élève à plus de 4 milliards de dollars par an.
L’importance de l’aide américaine s’explique par le poids des principaux supporters d’Israël aux USA. Il y a ceux que certains appellent le « lobby juif » et surtout les 40 millions d’évangélistes américains auxquels s’ajoutent tous les fondamentalistes américains, les mormons et les quakers. Tous constituent un lobby pro-israélien efficace et redoutable servant de courroie de transmission de la politique israélienne aux USA.
Dans leur logique de « guerre des civilisations », ils sont convaincus que l’établissement d’un Etat juif en Palestine est l’accomplissement de la prophétie biblique. Ces fervents sionistes considèrent que les juifs forment le « peuple élu » à qui ils attribuent un rôle décisif dans leur projet divin pour la fin des temps. Ils lui délèguent le droit (et devoir) de bouter les musulmans hors de la Terre Sainte et de Jérusalem, réalisant ainsi ce qui n’a jamais été accompli lors des croisades.
Aussi les arabes palestiniens sont isolés. Leur combat est inégal, c’est David contre Goliath !
A une époque, je militais innocemment dans des associations qui souhaitaient que les deux peuples puissent vivre pacifiquement sur le même sol, ayant un seul et même Etat.
Puis j’ai espéré toujours naïvement que l’Autorité palestinienne de Yasser Arafat, puis celle de Mahmoud Abbas trouve la solution pour sortir magiquement la Palestine de ce guêpier en imposant une solution à deux Etats. Mais l’Autorité palestinienne est corrompue et muette. Pour la dédouaner, il faut admettre que le rapport de force n’est pas en sa faveur dans cette région du globe où la parole est aux extrêmes. Ce contexte condamne l’Autorité palestinienne à la paralysie.
Les gouvernements israéliens successifs ont continué d’annexer des territoires afin qu’il ne restât aux palestiniens que des confettis sur un plan géographique et qu’on ne puisse plus y constituer un Etat viable. Tout est fait pour satisfaire la partie la plus à droite de l’échiquier politique israélien, rétive à l’idée d’adopter des frontières définitives puisque dans ses rêves de puissance, elle souhaite créer le « Grand Israël » qui devrait s’étendre du Nil à l’Euphrate. En attendant Israël condamne les arabes palestiniens de Cisjordanie occupée et de Gaza à vivre dans bantoustans.
Tout s’est accéléré durant le second mandat de Netanyahou. Il a organisé en 2018 le transfert du siège de l’ambassade des USA à Jérusalem et fait voter une loi fondamentale qui fait office de constitution de l’Etat, afin qu’Israël devienne l'"Etat-nation du peuple juif". Seul le peuple juif y a des droits nationaux, il est l’unique à représenter l’identité nationale du pays. Les arabes palestiniens et autres minorités vivant en Israël sont des citoyens de seconde zone.
L’implantation de nouvelles colonies israéliennes s’est accéléré. Netanyahu s’appuie sur la partie de l’opinion israélienne qui adhère totalement à sa politique, considérant que les palestiniens sont tous des terroristes en puissance. Dans son opposition au projet de constitution d’un Etat palestinien Netanyahu peut compter sur l’aide des mouvements islamistes et terroristes du Hamas et du Jihad islamique. Comme lui, ces mouvements refusent l’idée d’un partage des terres. Donc paradoxalement, ils sont les alliés naturels de Netanyahou. Pendant des années, persuadé de neutraliser ainsi son ennemi, Netanyahou s’est arrangé avec le Qatar pour que celui-ci subventionne le Hamas, au détriment de l’Autorité palestinienne.
Dans ce contexte, on peut légitimement se demander si les attentats du 7 octobre n’ont pas été une aubaine pour ce Netanyahu. Certes ce jour-là le Hamas a montré son vrai visage de terroriste en assassinant 1 400 personnes et en prenant en otage 240 autres. Le monde occidental s’en est offusqué, montrant son « deux poids deux mesures », comme si ces 240 otages israéliens avaient plus de valeur à ses yeux que les 7000 prisonniers palestiniens que l’Etat d’Israël maintient en permanence comme des otages dans ses prisons.
Ces évènements ont permis à Netanyahu de riposter sauvagement, avec l’appui des grandes puissances occidentales, qui accordent à ce belliciste «le droit de défendre Israël» sans restriction. Comme si Israël devait avoir un statut spécial ! Immédiatement Netanyahu a organisé une riposte militaire infernale, continuant à détruire impunément ce qu’il reste de la moribonde Palestine. Au terrorisme des uns, il a opposé le sien qui, avec l’appui militaire des USA, est bien plus redoutable que celui de ses ennemis.
Dans la bande de Gaza l’armée israélienne affame et assoiffe. Netanyahou y fait bombarder les immeubles au prétexte qu’il y aurait des militants du Hamas dedans, sans jamais en apporter la moindre preuve. Les journalistes ont interdiction d’y aller et la communauté internationale ne peut pas aller vérifier sur place pour voir si effectivement leurs cadavres se trouveraient sous les décombres. Les civils paient et les crimes de Tsahal demeurent impunis.
Les ruines de la bande de Gaza évoquent celles de Guernica. Elles sont le symbole de la violence israélienne à l’état pur, résultats des bombardements sur des civils innocents que l’Etat d’Israël veut terroriser afin qu’ils fuient, dans l’intention plus ou moins secrète d’annexer leurs territoires.
Cette même bande de Gaza me rappelle ce que ma mère me racontait à propos du ghetto de Varsovie. Les conditions de vie y sont inhumaines, l’endroit est trop petit pour accueillir tous les palestiniens chassés des villages environnants qui ont tout perdu (leurs familles et/ou leurs biens) en arrivant dans ce lieu fermé mal approvisionnés en eau, nourriture et combustible.
Face à ce carnage, les occidentaux restent figés dans un silence assourdissant. Cette attitude passive ressemble à celle qu’ils ont eu face au sort des juifs durant la seconde guerre-mondiale. Ont-ils peur qu’en dénonçant les crimes du gouvernement, on puisse les accuser d’être des antisémites ?
Comment comprendre le mutisme des communautés juives face à ces massacres, elles qui en ont subi tellement durant la seconde guerre mondiale ? Manquerait-elle de mémoire ? Ont-elles une perception partiale jugeant que les morts des arabes palestiniens n’ont pas la même importance que les morts des israéliens ?
Sans parler de la violence criminelle et aveugle de certains colons israéliens qui se sont autorisés à tuer plus de 200 arabes palestiniens, depuis les attaques du Hamas le 7 octobre. Là encore silence radio des communautés juives, personne pour dénoncer leurs crimes. Le mutisme des communautés juives rappelle celui des populations allemandes qui se sont tues face au génocide des juifs, alors qu’elles ne pouvaient ignorer ce qui se passait.
Le spectacle de gamins palestiniens décimés est du pain béni pour tous les antisémites qui ont toujours accusé les juifs de s’abreuver du sang des enfants ! Le fait que les juifs ne protestent pas massivement contre ces tueries nourrit l’idée qu’ils seraient tous insensibles au sort des non-juifs. Pourtant de tuer des enfants (en disant qu’il s’agit d’éliminer de futurs terroristes) sera toujours un crime contre l’humanité. Voilà pourquoi les images des massacres perpétrés par ce jusqu’au-boutiste de Netanyahu mettent en danger non seulement tous les palestiniens mais également les juifs du monde entier puisque cela provoque une recrudescence des actes antisémites.
Pourtant Netanyahu bénéficie du soutien de l’extrême-droite mondiale. Certes il s’agit d’un juif et l’extrême-droite est antisémite. Mais l’extrême-droite a établi une hiérarchie de sa détestation. Elle abomine toujours autant les juifs mais haït encore plus les musulmans considérés comme des sémites incapables de s’intégrer dans la société occidentale. Aussi depuis quelques décennies leur racisme s’est déporté. Hier dans leur classement des « races à éradiquer », c’étaient les juifs qui occupaient la première place, aujourd’hui ils sont remplacés par les musulmans.
Alors à l’image des religieux américains, ces extrêmes-droites comptent sur les juifs israéliens pour faire le ménage au Moyen-Orient. En encourageant le massacre des civils à Gaza, elles espèrent que, par effet de vases communicants cette opération permettra d’éliminer les musulmans du monde entier.
En France, dans le cadre d’une manœuvre politiquement opportuniste, le Rassemblement National vient de participer à des manifestations contre l’antisémitisme en France. La direction tente-t-elle de solder le passé de ce mouvement qui a toujours exécré les juifs ? Ses fondateurs doivent se retourner dans leur tombe puisque ce racisme a toujours été leur fonds de commerce. Mais là encore dans la hiérarchie de sa détestation, le RN préfère les juifs aux musulmans. Dans un processus de « normalisation » ce mouvement affirme aujourd’hui s’opposer à tout racisme. Alors qu’il le prouve en venant défiler pour dénoncer celui que subissent les musulmans en France !
L’Etat d’Israël se bat contre tous les peuples de la région. Il envoie un message élitiste au monde entier et renforce l’antisémitisme de ceux qui reprochent aux juifs de se prendre pour le « peuple élu » ayant l’autorisation divine de décimer les peuples qui le dérangent.
Voilà pourquoi j’ai la nostalgie de l’époque où les juifs étaient des nomades, des juifs qui erraient sur la surface de notre vaste globe pour y apporter leurs valeurs d’humanité.
Aujourd’hui je ne sais toujours pas ce que ça signifie que d’être juif.
Je sais juste qu’en tant que citoyenne du monde, face à l’infâme douleur qu’on inflige à des populations sans défense, je me sens palestinienne.