Dans la rue, il est admis que l'on ne salue pas les inconnu.e.s. C'est différent à la campagne ou sur les chemins de randonnées, mais en ville, comment ferait-on pour dire bonjour à tout le monde ? Sans toujours s'ignorer totalement, on se croise en silence. Mais depuis mon accident et mon entrée dans le monde du handicap visible, souvent, un.e inconnu.e me dit bonjour. Pourquoi ce bonjour m'est-il adressé, à moi, à la personne handicapée, quand il ne l'est pas aux personnes valides ?
Que dit-on quand on dit bonjour ? C'est de la politesse, une marque de respect. Le passant ou la passante veut me faire savoir qu'iel me respecte. Ne me connaissant pas, iel me manifeste ce respect élémentaire, impersonnel, que l'on doit à chaque être humain. Pourtant, iel ne ressent pas le besoin de le témoigner aux personnes valides qu'iel croise. Pourquoi affirmer ainsi son respect vis-à-vis d'un.e boiteuxe ? Serait-ce qu'il n'est pas garanti, pas assuré, envers une certaine catégorie de la population ?
Dire "Je te respecte" sous-entend que cela aurait pu ne pas être le cas, qu'il est nécessaire de le préciser. Aussi, en formulant une marque de respect, on se trouve dire en creux quasiment l'inverse. Et en me disant "bonjour", vous pouvez être sûr.e d'avoir contribué à me le gâcher, ce jour. Alors arrêtez. Regardez-vous faire. Regardez-vous assurer votre confort moral de personne vertueuse qui respecte les handicapé.e.s, avec ce traitement différencié, véhicule de tout le mépris que la société nous porte. Soyez vraiment respectueuxes, vraiment poli.e.s : ne me dites plus bonjour.