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Billet de blog 16 avr. 2013

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"Mélenchon-présidons!" Ma généalogie du Front de gauche

Il faut un début à tout récit. Comme l’herbe qui pousse entre les pavés, ce début a aussi son histoire. Ce sera donc sa préhistoire : un temps où les choses n’étaient pas encore nommées. En ce temps, il n’était question ni du « Front de gauche » ni de « révolution citoyenne ». Ce fut un  moment ou le peuple pris la place qu’on lui déniait.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il faut un début à tout récit. Comme l’herbe qui pousse entre les pavés, ce début a aussi son histoire. Ce sera donc sa préhistoire : un temps où les choses n’étaient pas encore nommées. En ce temps, il n’était question ni du « Front de gauche » ni de « révolution citoyenne ». Ce fut un  moment ou le peuple pris la place qu’on lui déniait. Ce fut le moment d’une victoire citoyenne et Dieu sait si les victoires sont rares ; aussi Dieu  lui-même nous dénia cette victoire : au Nom du Père  « le Marché » et du fils  « l ‘Argent-roi » et du « St-Esprit d’entreprise ». Ainsi : « Dire NON au traité Constitutionnel européen pour construire l’Europe» fut travesti en « OUI  à la concurrence libre et non faussée » ; ainsi l’histoire fut réduite, par des salopards,  à une question de foi. Autant dire que ça commençait mal : on s’est fait « marrons » !

L’expression électorale démocratique étant bafouée, la question sociale ne pouvait que renouer avec la  lutte. Les mobilisations sociales européennes contre la directive  Bolkenstein visant à la dérégulation du marché du travail furent nombreuses ; en France, ce fut la résistance  de la jeunesse contre le Contrat Première Embauche  qui fera échec à cette tentative d’imposer des contrats de travail spécifique pour les moins de 26 ans.  Cette mobilisation verra la gauche syndicale et politique unie ; à contrario on mesure aujourd’hui la facilité avec laquelle le MEDEF  impose son accord sur l’emploi et le démantèlement du code du travail … mais je m’égare, le présent rattrape le passé  et  j’anticipe notre histoire commune sur la  nécessité de faire bloc.

Alors de quand date le début du Front de gauche dans sa version formalisée d’une coalition de partis ? J’en sais fichtre rien ; cette cogitation laborieuse était hors de mon champ de vision ; en ce temps-là, je suis  étranger  à tout ce qui se trame. La cuisine des partis m’indiffère et la division syndicale m’exaspère. Je m’inscrivais dans cet état de dépression qui renvoie à l’impuissance l’homme seul face à toute la misère du monde. En ce mois de juin 2011, la désignation du candidat commun  du Front de gauche est suspendue à la décision du PCF. Cette histoire officielle ne m’intéresse qu’à la marge ; celle qui se déroule  sous mes yeux se dit en une expression qui parcourt les blogs : «  Mélenchon Présidons !». Voilà, tout est dans cette distorsion du langage[1].

Je perçois ce patchwork qui se trame  comme allant  au-delà d’une coalition électorale pour la présidentielle en débat à cet instant ; j’ai l’intuition qu’enfin la perspective politique d’agréger toutes les forces de transformations sociales se présente. Place au peuple ! La stratégie de  Front de gauche, c’est aussi subvertir la division du travail entre  syndicats et partis, entre économie et politique ; division qui affecte le mouvement ouvrier et plombe toute stratégie de transformation et d’appropriation sociales. C’est dire que cette division du travail est constitutive de la domination sur le « consommateur-bidochon »  appelé aux urnes périodiquement pour changer de Pape et reconduire la même religion.

            La mobilisation  Nation- Bastille a donné corps à cette intuition. Le Front de gauche a allumé le creuset de cette  réhabilitation politique du citoyen et n’a pas été  la roue de secours du PS que  certains prédisaient. « L’autonomie conquérante » des partenaires encartés du Front de gauche à enfoncer un coin dans  ce consensus social-libéral qui va, nous le savons aujourd’hui, du PS solférinien à la droite, FN compris.

            Après une  année de décantation post électorale, le Front de gauche ( les mots) et la révolution citoyenne (les choses) représentent bien plus que cette expression heuristique  qui m’a porté à y adhérer. J’y vois comme un effet de structure ; un couple moteur : révolution citoyenne/front de gauche ; c’est à dire, un objectif stratégique et son  outil stratégique, qui gagne en autonomie ; qui vise à se constituer en «  bloc historique ».

            Un programme « l’humain d’abord » ; un mot d’ordre Prenez le pouvoir ! D’amblé  c’est à Notre-Dame-des-Landes, contre L’AYRAUPORT, que  se donne  à voir la chose : cette stratégie en toute autonomie ; paradoxalement sans que les « encartés » Front de gauche en soit les principaux  moteurs …  C’est donc que cette stratégie, à la fois, dépasse et inclut ces initiateurs. Comme on dit : « elle est dans l’air du temps ». Qui s’en plaindra ? Place au peuple !

            L’affaire fonctionne aussi comme un couple infernal : ainsi parmi ceux du PS, Pascal Cherki, Gérard Filoche pour ne citer qu’eux, qui,  pour garder un tant soit peu de consistance socialiste,  en sont réduits  « à leur  insu de leur plein gré » à faire « du Front de gauche » dès qu’ils ouvrent la bouche tant sur le fond que sur la forme ; et d’autres à l’intérieur , élus PC parfois , qui trouveraient que « ça » parle trop fort ou trop mal, ne peuvent quitter la barque du Front de gauche sans y laisser des plumes, contrairement à ce qu’ils disent craindre. D’autres, qui se refusent de monter à bord : NPA, LO …sont obligés de s’intégrer à la stratégie du Front de gauche, malgré tout, sauf à perdre eux aussi toute consistance révolutionnaire. Quant aux écologistes,  qui n’ont pas vendu leur âme pour un plat de lentilles  ou pris la grosse tête,   ils leur restent à ouvrir les yeux : le programme gouvernemental passé au révélateur de « l’affaire Cahuzac »  par Mme Eva Joly  peut leur  tenir lieu de pense-bête.         

            L’effet de structure se joue aussi dans sa répétition ; aussi l’initiative de Jean Luc Mélenchon appelant à une marche pour la VIème République après  La Bastille, le Capitole et le Prado lui donne consistance.  « L’affaire Cahusac » est le révélateur qui lie  la nécessaire  réforme intellectuelle et morale de la vie publique à un programme économique pour le partage des richesses. Et pour  Gramsci : « le programme de réformes économiques est précisément la façon concrète dont se présente toute réforme intellectuelle et morale. »

C’est pourquoi tous les « coups de balai » ne se valent pas ; l’opération « transparence » du patrimoine de nos ministres laisse en place toute la crasse du système ; le coup de balai qui nous occupe visent non seulement à chasser les élus corrompus et autres « faisans » du conflit d’intérêt, mais aussi et surtout, à mettre à bas un système  « légal » d’optimisation fiscale qui permet l’évasion de 60 à 80 millions d’euros par an, la fin des paradis fiscaux, le retour du politique au commande du système bancaire. La révolution citoyenne ne sera pas un dîner de gala : avec la VIème République, c’est la légalité même qu’il nous faut refonder et « les faisans du MEDEF » ne partiront pas de bon gré ; aussi sans peur et sans gêne,  la mobilisation de toutes et tous s’imposent.

      Alors dans ma tête, ce « Mélenchon-présidons » résonne encore et encore ; cette distorsion du langage laisse passer la lumière d’un autre monde possible, d’un espace  démocratique à conquérir :  assemblée citoyenne, Zone à  Défendre (ZAD), contrôle ouvrier,   référendum  révocatoire, non cumul des mandats, déprofessionnalisation de la politique…. ; la démocratie n’est pas une marchandise !

Ce dimanche 5 mai, le pouvoir est dans la rue.

C’est la révolte des « marrons » ;

Balayons ! Balayons ! Balayons !

A mardi, Maurice.


[1] Pour approfondir le sujet : Michel FOUCAULT, Les mots et les choses ; Ed Gallimard.

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