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Praticien ordinaire du mouvement social : retraité, jardinier, slameur ....

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Billet de blog 25 mars 2013

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Lettre ouverte à mon ami Philippe CORCUFF

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Salut  Philippe ,

je te raconte une histoire ; ça relève de l’ethnométhodologie …

La première fois que j’ai été confronté aux aspects « cocardiers » du Front de gauche c’était lors du meeting de Villeurbanne pendant la campagne présidentielle. Ça faisait plus de trente ans que je n’avais mis les pieds dans un meeting politique, alors un meeting sur deux étages ( 10000 personnes  au double mixte de l’INSA ) ; ça marque.  Un discours de campagne de Jean-Luc Mélenchon, avec une demi-heure de conférence pédagogique sur   la hiérarchie des normes, puis un poème - j’ai oublié lequel - et pour conclure une assemblée qui se lève et chante sur deux étages poings levés  la Marseillaise et l’Internationale. J’ai levé le poing ; je n’ai pas pu chanté… ni l’une ni l’autre ;  les deux me restaient en travers de la gorge.

La Marseillaise,  je l’avais apprise à l’école primaire ; c’était au programme avec deux autres chants : le chant du départ et le chant des partisans . Ma culture politique familiale m’avait inscris dans la Résistance, seul le chant des partisans faisait sens ; « le sang impur de nos sillons » me fait gerber, et le chant militariste de l’empire français encore plus.

L’internationale, c’était le « slam » de ma jeunesse d’engagement dans l’extrême gauche ML post soixante-huitarde ; synonyme pour moi d’adhésion à « l’esprit de parti » ; Apres 10 ans, j’en étais revenu et je m’inscrivais depuis dans la culture anarcho-syndicale .

   C’est à ce moment de mon histoire qu’on a fait connaissance lors de la création de la Fédération des Syndicats Sud éducation … et un bout de  chemin ensemble ; c’était en 1996, le siècle dernier donc pour ceux qui nous lisent … Mais revenons à nos « cocardes »….

Je regarde autour de moi ; des gens de tout âge chantent et rient à la fois ; j’étais avec un pote militant associatif à AC ! ; il est resté dubitatif aussi, mais lui était venu pour voir ; moi j’avais déjà fait le choix du Front de gauche. Ça ne nous a pas empêcher de « communier », si chose dire,   avec l’ambiance chaleureuse  qui régnait. J’ai réalisé à ce moment là que le pari du Front de gauche était gagné ; ce mouvement dépassait ces initiateurs ; il agrégeait  des  républicains , des socialistes , des communistes, des militants associatifs , des anarcho-syndicalistes; moi qui n’avais plus « l’esprit de parti », je  m’y suis reconnu . Toi qui est un fan des identités multiples tu devrais te réjouir ; parce que tu me ne feras pas l’injure de penser que les gens, dont je suis,  sont venus ici par hasard, parce qu’en passant il  aurait vu « la lumière » ou répondu à l’appel du « grand  timonier ».  Ce qui n’enlève rien aux qualités attendues d’un dirigeant politique : pas seulement qualités intellectuelles mais aussi qualités pédagogiques et sens de l’organisation ; ce  dont le candidat tribun, c’est à dire porte-parole, faisait preuve. Qualité du Prince que Macchiavel réduisait déjà en sont temps  en une essence : La vertu.

Tu récuses le mode de pensée selon des essences car ce sont des totalités dis- tu qui nient la complexité du réel ; évidemment puisqu’ elles se situent sur un plan symbolique et uniquement. Mais on peut préférer La vertu àLa Corruption ; La Corruption étant le carburant, le mode de gestion et d’asservissement intellectuel et moral, avec lequel le système s’attache le personnel politique. D’où ce mot d’ordre du Front de gauche : « qu’ils s’en aillent tous !» ; mot d’ordre qui tonne comme un effet de Vérité : autre essence.

Revenons à nos « cocardes » : drapeau bleu-blanc-rouge et drapeau rouge ;  les  deux  associées ; l’une renvoie à l’état-nation  l’autre au parti . Pour moi qui étais sans parti  comme d’autres sont sans-papiers je réalise alors que  ces symboles : « font sens »  pour  l’ histoire commune de tous les gens présents ; la part d’héritage , d’imaginaire révolutionnaire, que chacun amène en quelque sorte pour investir dans la révolution citoyenne. L’émancipation collective et individuelle n’en est pas au degré zéro, comme tu sembles le craindre parfois,  même si le poids de l’aliénation reste fort. Elle s’investit dans un devenir . A cette heure, ce devenir  se décline  dans la  stratégie de Front de gauche sur son programme « l’humain d’abord ». Je dis bien une stratégie et non pas une méta-organisation comme celle que tu voulais me refourguer avec le NPA.

Nous disons révolution citoyenne, parce qu’il importe de donner un nom au chose pour se comprendre ; ça n’en fait pas une  essence ; c’est un processus réel, varié,  avec toutes ses contradictions ou tensions si tu préfères . Ce n’est même pas  un processus principalement électoral ; il repose en fait  sur une mobilisation populaire qu’il nous faut susciter dans tous les secteurs de la société ; bien sûr  nous visons à  sanctionner le rapport de force  dans les urnes parce que nous visons  un processus d’émancipation sociale ; et si le rapport de force n’est pas sanctionné sur ce plan symbolique  il le sera dans le réel et dans le réel « le pouvoir est au bout du fusil » ;  alors nous aurons perdu.

Par ailleurs  J’ai suivi sur ton blog Mediapart ton propos « De l’impensé nationaliste à gauche » ; c’est ce qui motive en fait ma lettre ouverte parce que  j’ose y penser.

    Cette dénomination à aussi son histoire à travers la révolution Bolivarienne qui parcourt le continent Sud américain.  C’est aussi avec cette dénomination que nous  évoquons les révolutions dans les pays arabes. En France, son élan s’est donné à voir lors du NON au TCE en 2005 ; la révolution citoyenne était en œuvre, elle n’en portait pas encore le nom. Faute de nom, elle se projetait  sur un mode « autre » ; une autre europe disions nous. Cette perspective révolutionnaire à l’échelle « des citoyens du monde »  se réalise concrètement sur un mode local à l’échelle des Etats-nations . La révolution citoyenne se donne à voir selon les pays . 

« Les  Etats-nations apparaissent aujourd’hui en recul » dis-tu ; oui, mais de quoi parlons nous précisément ?   Sur deux aspects :  sous l’effet  du dogme libéral du «  moins d’état », et sous prétexte de la dette,  le libéralisme vise à la désintégration des moyens de services publics d’intérêt général  d’une part et d’autre part sous l’offensive idéologique raciste du « conflits des civilisations» » il vise à désintégrer de l’intérieur nos sociétés multiculturelles ;  dit autrement,  le système capitaliste pour survivre tente de substituer le conflit interethnique au conflit de classe.  Chaque pays est donc amener, à partir de sa situation concrète, à résister à cette double offensive. Les accents « cocardiers » que tu dénonces comme de l’impensé nationaliste à gauche relève en fait de cette résistance et  sont parfaitement lucides. 

La révolution citoyenne se pose à l’échelle « des citoyens du monde », non pas comme « une république mondiale du genre humain » selon Kant, mais  régionalement : en Europe, en Amérique latine, dans le  bassin méditerranéen, dans les pays du Maghreb ….Partout il faut constituer des rapports de forces, des coopérations économique s ou des convergences de luttes concrètement  pour résister et sauvegarder l’indépendance des pays de la domination impériale.

Contre exemple d’actualité : l’écroulement de l’état malien le met sous tutelle de notre beau pays impérial pour la défense  de la civilisation … voilà la tendance en Afrique dans laquelle nous sommes entrainés …  la guerre face à laquelle nous sommes, dans  l’instant ,impuissants.

Je ne tire pas la conclusion que la forme état-nation est pérenne ; je pense même au contraire que ces luttes régionales  feront éclater les frontières et que les révolutions citoyennes en Europe et ailleurs  institueront  des communautés  civiles  cosmopolites.

 Bien à toi

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