A lire ce qui se dit et ce qui se confronte quant à l’avenir du Front de Gauche
- Le Front de Gauche pensé comme la construction d’une « macro organisation unitaire »
Auto-construction par le bas :
2005 : porté par une multitude de collectifs « ATTAC » qui agrègent le NON de gauche au TCE , il émergence d’une force alternative contre les vents et marées de la pensée unique. La victoire du NON remet la question sociale au centre du débat de la construction européenne au dépend de la question « nationale/ethnique ». Le NON est l’expression même de l’antagonisme radical à la base de ce que les « gouvernants » appelle « le sourd malaise économique et sociale » et que nous, nous appelons : la lutte des classes. Que cet antagonisme ait pris une forme pacifique, en saisissant la voie du référendum démocratique qui lui était offerte, après avoir résisté aux raids quotidiens de « l’information-B52 » expliquant au bon peuple « qu’il ne comprend pas bien ou est son intérêt », n’en a que plus de poids. La violence symbolique subit par les parvenus au pouvoir est extrême ; ils ont perdu la face démocratiquement : la Révolution citoyenne, qui n’en n’a pas encore le nom, est en marche.
Construction Par le haut :
Pensé au départ comme un outil visant à unir l’autre gauche[1], il a au moins deux tiroirs ; un premier « front » : cartel électoral des partis de l’autre gauche qui ont pris la claque lors des Présidentielles de 2007 ; un deuxième « front » : cartel de partis en vue de construire un même parti de toute l’autre gauche sur le modèle de Die Linke en Allemagne . Le mouvement réel du Front de Gauche dépassera les espérances de chacun ; mais c’est autre chose qui se construit ; quelque chose qui déborde tous les tiroirs.
Gramsci définit la crise de l’hégémonie comme une période historique ou: ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant et ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme avant ; cela vaut aussi au sein de l’autre gauche à travers quelques contradictions qu’il nous faut appréhender.
Comment devenir « majoritaire » à gauche ? Et ce, dans le cadre des institutions de la 5ème République, dont nous disons qu’elles fonctionnent comme une monarchie présidentielle au service du pouvoir capitaliste établi à travers une oligarchie.
Place au peuple ! Disons nous. La « majorité électorale » à gauche ne saura donc, en aucun cas, précéder le mouvement réel du peuple à gauche. Le premier attribut d’un délégué ou représentant du peuple étant d’être révocable ( et non pas reconductible, et non pas cumulable… ) ; il nous faut prendre acte, concrètement, que la corruption à tous les niveaux est le moyen par lequel fonctionne et se constituent l’oligarchie.
Œuvrer à une organisation en adéquation avec le mouvement réel c’est être capable de répondre au déficit démocratique qui conjugue abstention massive aux élections et professionnalisation de le vie politique. Comment l’organisation peut-elle articuler les mobilisations d’en bas qui travaillent la société en profondeur (j’ai en tête la mobilisation en cours à Notre Dame des Landes par exemple) et le cadre organisé d’en haut qui assure la continuité et l’accumulation des expériences ?
Prendre en compte ces exigences démocratiques constituent sans doute pour nos organisations un début de révolution culturelle ; mais la VI République n’est-elle pas à ce prix ?
- Le Front de Gauche pensé comme une stratégie politique révolutionnaire.
Les acteurs qui s’inscrivent dans cette stratégie visent à dépasser la division du travail au sein du Mouvement ouvrier ; division héritée de la situation antérieure qui entretient et conforte la coupure entre économie et politique entre lutte pour les droits sociaux et lutte pour les droits politiques . Ils luttent pour les changements radicaux, révolutionnaires, d’ordre constitutionnel, qui sont nécessaires. Parce qu’il ont pris acte que la crise du capitalisme est organique ; quecette crise affecte à la fois les champs socio-économiques, politique et culturel et au final l’écosystème lui-même. En 2005, La campagne pour le NON au TCE à illustrer cet engagement des acteurs sociaux.
Pendant les trente glorieuses, le capitalisme florissant a pu lâcher du leste sous la pression des grèves revendicatives, sans que soit remis en cause le système. D’où, s’est installée, une certaine répartition des tâches entre syndicats, dit apolitiques ou indépendants, et les partis politiques réformistes. Notre pensée politique ayant intégré une « hiérarchie des normes » entre social et politique, nous sommes aujourd’hui dans la difficulté pour analyser le caractère organique de la crise. Que faire des prérogatives de chacun ? Indépendance et recherche de l’ unité ; construire les convergences ; certes . Mais la spécificité de chacune des organisations nous écarte-t-elle pas des tâches organiques de transformation sociale ? De la prise en compte à la fois de l’écosystème et des aspirations individuelles.
Dans le prolongement du mouvement social de 95 - sur les retraites et la SECU - Le syndicalisme « SUD » au sein de l’Union syndicale SOLIDAIRES a constitué une réponse, à son niveau, pour faire le liens entre revendications corporatives et sociétales ; entre économie et politique, tant il était déjà évident à l’époque que les questions sociales soulevées renvoyaient aussi à des choix de société. Aujourd’hui les limites de L’unité syndicale , les limites du « tous ensemble », renvoient toujours à cette tendance du syndicalisme corporatiste ( revendiquée comme telle ou pas) à refuser le prolongement politique de l’action ; il assure le système que la crise sociale ne débouchera pas sur une crise politique . Le fameux chantage au chaos, la dénonciation des soi-disant irresponsables et la répression qui l’accompagne.
L’actualité de la lutte à l’usine Goodyear nous offre un tableau clinique type de la situation à laquelle nous sommes confrontés et des problèmes à résoudre. Le PdG de Titan, qui renonce à se porter candidat au rachat de l’usine Goodyear d’Amiens, aura eu le mérite de mettre en évidence que , ce qui est en cause, c’est SON pouvoir dans l’usine. Cela confirme ce que l’on sait : quand une multinationale délocalise ce n’est pas parce qu’elle travaille à perte à cause de mauvais ouvriers, mais parce qu’ailleurs ça lui rapporte plus grâce au fameux dumping social.
Si nous prenons la mesure des faits, cela signifie que la question du maintien de l’emploi chez Goodyear Amiens et la question du pouvoir dans cette usine ne relève que d’un seul et même combat. La prise en compte de la situation nécessite donc une réflexion radicale qui sort du cadre syndical traditionnel et renvoie aux salariés de l’usine la charge du combat pour le contrôle ouvrier. C’est aussi à cette condition de faisabilité que notre programme politique intégrant planification écologique et intérêt général humain est soumis.
[1] Au cœur du Front de Gauche , Eric Coquerel ; Les éditions Arcane 17.