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Billet de blog 3 décembre 2024

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Economie capitaliste : crises, exploitation et guerres... Un horizon indépassable?

Présentation devant un public de militants le 26 novembre 2024.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Suite à son élection à la présidentielle américaine le 5 novembre 2024, le milliardaire Republicain Donald Trump a mis en avant l’idée d’une taxe à l’importation des produits chinois de 60 pourcents. Le 15 novembre, le journal économique français « Les échos » titrait : « Trump va-t-il entraîner un retour généralisé au protectionnisme ? ». Les mesures de Trump seront surement suivies de répercussions du coté chinois, au risque de provoquer une guerre commerciale. L’ère de la « mondialisation heureuse » post chute de l’URSS, de la fin de l’histoire, avec un monde unipolaire où dominaient sans partage les Etats Unis et où les capitaux voguaient dans le monde à la recherche de profit est terminée. Nous n’avons jamais adhéré à la fable de la « mondialisation heureuse » néolibérale car c’est notre camp social qui en a payé les frais : afin d’être « compétitifs » il a fallu « baisser le cout du travail » d’une part (casse des acquis sociaux, stagnation des salaires) et être les victimes du redéploiement d’industries (fermeture d’usines, licenciements, chômage). Mais il faut bien comprendre que le protectionnisme et la conversion soudaine d’une fraction de la bourgeoisie et de la classe politique au « produisons français » et au « produisons écolo » n’est en rien une solution à nos problèmes mais juste une stratégie différente pour la bourgeoisie de garantir ses profits. Avec la voiture électrique par exemple, des nouvelles usines voient le jour en France pour embaucher des dizaines de milliers de travailleurs alors que les ouvriers du site thermique de Poissy vont se retrouver au chômage. Non seulement la voiture électrique actuelle n’est pas durable (notamment besoin dévorant de minerais rares), mais il n’y a aucune stratégie pour permettre que la transition soit faite dans l’intérêt des ouvriers du thermique. Au lieu de se mettre en rang et de devenir en suivant la gauche réformiste les petits soldats de la reconversion industrielle verte, nous disons : transition écologique, oui, mais avec les profits des capitalistes ; division du travail entre tous, fin du chômage.  

Il faut aussi se rappeler que dans le passé, les guerres commerciales ont bien des fois été suivies de guerres tout court. C’est ce qui a lieu aujourd’hui aux marges des deux axes qui se battent pour la domination du monde, Russie et Chine d’un côté et Occident de l’autre. En Ukraine, depuis plus de deux ans, on a une guerre ouverte avec des centaines de milliers de morts. A Taiwan, les bruits de botte se font également entendre, chaque côté rivalisant d’exercices militaires pour impressionner l’adversaire. En Palestine, Israël massacre les gazaouis et joue au gendarme du Moyen Orient au risque de voir la région s’embraser. 

Guerres, misère, catastrophes écologiques, le monde que nous fabriquent les capitalistes n’est pas brillant. Ce qu’il faut saisir c’est que leur monde va de crise en crise et que la première chose qui peut nous aider à formuler une politique, un plan de sauvetage de notre camp social, c’est la compréhension de la crise économique actuelle qui a commencé en 2008. Depuis, cette crise économique a connu d’autres moments, et le système capitaliste y a survécu même si c’est nous qui avons à chaque fois payé l’addition. Car s’il y a une idée politique qui doit être centrale chez nous, c’est que le capitalisme ne s’effondrera pas tout seul, qu’il est en capacité de se réinventer, et que seule l’action consciente de millions d’hommes et de femmes nous permettra de substituer à la recherche du profit la recherche du bonheur et de l’émancipation humaine. 

I) Croissance et origine des crises. 

Tout d'abord, pour comprendre les crises dans le système capitaliste, il faut bien voir sur quoi ce système repose: l'exploitation des travailleurs, et l'accumulation privée de richesses. De là découle une des contradictions fondamentales de ce système: d'un côté il produit des biens et des services en exploitant les travailleurs, mais de l'autre il lui faut bien vendre ces biens et ces services. Vu que c'est un système basé sur l'accumulation privée se pose à lui le problème des débouchés: à qui vendre mes biens et mes services? 

Une fois qu'on a un peu ces éléments fondamentaux en tête, il faut se pencher sur ce qu'a été la croissance capitaliste de ces vingt dernières années, sur quoi elle a été fondée, et voir ce qu'elle nous révèle. 

a) Phase 1 de la crise: 

Années 90-2000: croissance sans augmentation des salaires. 

Années 1990-2000. Il y avait une certaine croissance économique dans le monde mais très mal partagée. Croissance très molle en Europe, quasi-stagnation au Japon, mais plus vive aux E-U et dans des grands pays émergents comme la Chine. L’économie américaine a contribué à hauteur de 60 % à la croissance mondiale depuis 1995 (elle représente 30 % de l’économie mondiale). Les pays de l’est ont été réintégrés au marché mondial, et des millions de travailleurs chinois et indiens sont arrivés sur le marché mondial de l’emploi. 

Mais c’était une croissance assez paradoxale.

- un essor des N. TIC. Réel, avec des gains de productivité. Une meilleure organisation des entreprises, des capitaux mieux utilisés, un travail plus efficace y compris dans les services.

- Mais en même temps un vrai problème de débouchés.

Aux E-U comme en fait dans le reste du monde développé, les salaires ont stagné. 

Dans les pays de l’OCDE, sur les 20 dernières années, la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises a baissé. En France 65,8 % en 2006 contre 74,2 % en 1982. Sur l’UE : - 8,6 points. 

Aux E-U c’est même moins pire qu’en Europe : - 3,5 points. Mais il y a une explication pas très glorieuse derrière : énorme explosion des inégalités de salaires. Les plus hauts salaires ont énormément augmenté.

Au total la part des salaires dans le PIB a baissé de façon importante dans tous les pays développés.

Il est facile d’expliquer ce grand gel des salaires dans le monde développé.

- d’abord il y a eu des attaques massives du patronat et des gouvernements depuis les années 1970. Le chômage de masse a permis aux patrons de faire baisser les salaires. La politique des gouvernements a développé la précarité. D'où un rapport de forces très dégradé pour les travailleurs dans tous les pays. Même quand le chômage a commencé à baisser (il y avait alors la précarité, le chantage patronal, le déclin de l’organisation ouvrière, du militantisme ouvrier).

- Ensuite d’un certain point de vue ce qu’on a appelé la mondialisation, en fait la mondialisation sous une forme capitaliste bien sûr. Redéploiement de pans entiers de l’industrie dans des pays émergents, pas seulement Chine d’ailleurs. Avec des salaires très bas. Mais aussi avec d’immenses « armées industrielles de réserve ». En Chine comme en Inde, il y a des centaines de millions de travailleurs flottants, qui attendent plus ou moins d’être embauchés, entre leurs villages et les villes, y compris à des salaires dérisoires, qui se rajoutent aux centaines de millions de personnes déjà au travail au service du capital. Ce phénomène a même tendance à toucher certains emplois qualifiés.

- il y a un troisième facteur : la libéralisation financière. Capitaux de plus en plus libres de circuler partout, sans entraves. D’un pays à l’autre. D’une forme à l’autre. Euros en cash contre titres de la dette américaine en dollars contre marchandises chinoises contre actions japonaises etc. Avec des capitalistes qui ne veulent plus s’engager trop complètement dans une seule entreprise. On dispatche le capital et on menace sans cesse de le retirer d’une entreprise si on n’a pas une grosse rémunération permanente pour ses actions. Si on n’obtient pas une remontée aussi des profits reversables aux actionnaires, par le biais de nouvelles restructurations, de nouvelles dégradations des conditions de travail etc. Cette évolution (une mondialisation de la production des biens et des services plus la liberté de faire circuler ses capitaux de plus en plus librement plus la lutte de classe menée par la bourgeoisie et ses gouvernements) a permis aux capitalistes d’accentuer énormément leur pression contre les travailleurs. En les mettant toujours davantage en concurrence les uns contre les autres. C’est le chantage permanent à l’emploi qu’on connaît tous.

Toute cette dégradation au détriment des travailleurs, y compris donc dans les pays développés, a donc permis aux entreprises d’engranger d’immenses profits, toujours croissants. En France les entreprises du Cac 40 ont vu en dix ans le total annuel de leur profit multiplié par 2. Jusqu’à atteindre la somme historique de 100 milliards d’euros en 2007. les dividendes versés aux actionnaires ont progressé de 255 % ! 

Mais il ne suffit pas d’exploiter les salariés, il faut aussi vendre. (pour réaliser la valeur qu’on leur extorque). Or la stagnation des salaires, et leur recul par rapport à toute la richesse produite, ont limité l’expansion du capitalisme, en limitant la possibilité pour les classes populaires d’acheter des biens et des services.

C’est une contradiction majeure du capitalisme, qui est fondé sur l’exploitation, et qui du coup limite ses propres débouchés.

La spéculation comme fuite en avant: 

Cependant le capitalisme américain lui s’en est nettement mieux tiré que les autres. Il a bénéficié d’une consommation très dynamique, soutenue, croissante, alors qu’il exploitait tout aussi durement ses travailleurs ! Pourquoi ?

Essentiellement grâce à une gigantesque bulle d’endettement.

Pas nouveau en soi le crédit, comme méthode pour desserrer l’étau de la misère et faciliter la consommation malgré de faibles revenus… mais là cette méthode a été portée à des extrémités encore jamais vues dans l’histoire.

Le mécanisme est simple. Les Américains, y compris les classes populaires, ont été encouragés à s’endetter pour acheter des actions et leur maison. Le prix de ces actifs a augmenté. Comme l’effet richesse augmente, c’est-à-dire que j’ai l’impression de pouvoir compter de toute façon sur des revenus futurs bien supérieurs à mon salaire en revendant mes actions et ma maison bien plus cher que je ne les ai achetées, alors je peux consommer toujours davantage en m’endettant à nouveau, surtout si je peux contracter de nouveaux emprunts en hypothéquant ma maison... ma maison me sert de banque, de support à mon endettement ! 

Et la spirale infernale est lancée, l’endettement fait monter le prix des actifs qui font monter l’endettement… 

Cette spirale a été sciemment entretenue par tout le système financier américain. Mais les gouvernements aussi l’ont encouragée à fond pendant deux décennies. C’est vrai idéologiquement. Toute la classe politique, Bush bien sûr en tête, a appelé à la construction d’une « société de propriétaires ». Il fallait absolument que les salariés s’endettent pour acheter des actions et leurs maisons, ils deviendraient de vrais petits capitalistes heureux et prospères ! Mais surtout sur le plan économique, les gouv ont baissé les taux d’intérêts de façon constante, pour rendre les prêts moins coûteux et aider les banques à prêter toujours davantage avec des marges confortables.

C’est comme ça qu’a été obtenue une consommation forte et continue des particuliers américains, y compris dans les classes populaires, malgré la stagnation des salaires, le coût de la santé, de l’éducation etc. Il s’agissait pendant toutes ces années de surmonter la contradiction entre production et consommation (solvable), qui est au cœur du capitalisme.

Or pour qu’une telle dynamique endettement-augmentation du prix des maisons-consommation continue de marcher, il faut que ça continue de marcher… indéfiniment.

Or à un moment ça ne peut plus continuer. Les prix ne peuvent plus continuer d’augmenter, ils sont trop décalés par rapport aux richesses réelles de la société, aux revenus réels de la population.

La bulle tôt ou tard devra éclater. 

Alors pour reculer dans le temps ce moment de la crevaison de la bulle et continuer de profiter encore un peu de l’euphorie financière, les promoteurs immobiliers et les organismes de prêts sont allés au bout de la démarche, en faisant emprunter pour l’achat de leur maison même aux plus pauvres, aux plus précaires. 

En sachant pertinemment qu’ils mettaient la corde au cou à pas mal de gens ! La preuve qu’ils le savaient, c’est la « titrisation ». 

Titrisation ? Expliquer. C’est l’art de l’ingéniérie financière : on fabrique des produits financiers qu’on peut revendre à bon prix. L’art du financier, officiellement, c’est de prendre sur soi les risques économiques (un investissement, qui pourrait ne pas marcher…) en échange d’une commission, le prix du risque… Les banques américaines ont prêté aux prêteurs immobiliers spécialisés, et leurs créances, elles les ont re-manufacturées… en titres en apparence sûrs. Et en fait vérolés. Pour les revendre à d’autres. Bref l’art réel du financier c’est de refiler la patate chaude du risque aux autres. Et tout le monde en a avalé goulûment dans le système financier, pas seulement les banques d’affaires de Wall-Street, mais aussi les banques françaises et européennes alléchées par l’odeur du profit facile. Il y a un film là-dessus margin call qui montre bien le fonctionnement de la finance : un employé subalterne découvre que les titres immobiliers ne vaudront bientôt plus rien, on remonte sa hiérarchie jusqu’au conseil d’administration de la banque qui décide de tout vendre et de ce fait répand la crise plutôt que devoir faire face. 

Et c’est bien là qu’on ne peut pas accuser tel ou tel financier mégalomane : tout le système financier, y compris les banques européennes et japonaises et donc leurs clients, toute la bourgeoisie des pays riches, sans compter, dans les pays pauvres, les riches émirs du pétrole, les milliardaires russes, ils ont tous participé à cette frénésie, car c’est justement cela le capitalisme !

Eclatement de la bulle: 

Et nous voilà donc face à la crise : la bulle a crevé par là où elle était le plus avancée, chez les pauvres, avec la crise des subprimes. Au début, il y a eu les premières vagues de défauts de remboursement, les premières saisies de maisons. Du coup le prix des maisons s’est retournée, et la panique a commencé. Les titres détenus par les banques ou les organismes de prêt se sont retrouvés rapidement dévalués, et la spirale à la baisse a déclenché une extension de la crise à toute la finance, en remontant à chaque fois des débiteurs en faillite aux créanciers chargés de titres sans valeur. 

Solution des gouvernants: faire payer la crise aux travailleurs, par de l'argent que ceux-ci ont versé en tant que contribuables. On a eu tout d'abord en septembre 2008 le plan Paulson de sauvetage des banques américaines de 700 milliards de dollars, puis des plans de sauvetages des banques dans chacun des pays où des banques avaient investi dans des actifs « toxiques »: en France, on a un plan de 360 milliards d'euros en octobre 2008. 

Ces plans ont constitué un vol pur et simple de l'argent des travailleurs, à la fois parce que ce sont eux qui contribuent le plus aux recettes de l'Etat par le biais de leur impôts, et aussi parce que le trou béant creusé dans les finances publiques des Etats doit être résorbé, et là, surprise, c'est également aux travailleurs qu'on va demander de payer l'addition une fois de plus, par les coupes dans les budgets sociaux, par les licenciements et les gels de salaire dans la fonction publique, etc... 

Cette crise est la toile de fond des crises suivantes, comme la crise des dettes des Etats d’Europe du Sud en 2010, où les Etats endettés par les plans de sauvetage des banques et fragilisés par la crise ont été en risque de ne pas pouvoir emprunter pour rembourser leur dette ou faire fonctionner leurs administrations, payer les fonctionnaires etc. Cette crise a été dépassée en faisant payer les classes populaires (le niveau de vie en Grèce a baissé de 50% en quelques années) et en détruisant des capacités productives. Entre 2020 et 2023, l’économie mondiale a souffert de deux crises importantes, mais celle-ci y a survécu : en effet, elle ne tombera que si on la fait choir. 

2020 : COVID

En 2020, la pandémie du COVID a constitué un choc pour toutes les économies du monde qui s’est manifesté par un ralentissement de l’économie (diminution de l’offre). Il semble que la phase COVID soit terminée. L’Union Européenne par exemple a suspendu en 2020 ses règles budgétaires (expliquer ! dette 60% du PIB déficit à 3%), a maintenu cette suspension à cause de la guerre en Ukraine mais les a remises en place dès janvier 2025, confiante que la phase du COVID était terminée. Tous les gouvernements, même les plus libéraux, Trump y compris ironiquement, ont mis en place des politiques scientifiques et industrielles pour produire rapidement des vaccins. 

2022 : inflation

L’inflation signifie une montée des prix. En 2022, l’économie mondiale a subi une crise d’inflation qui s’est établie globalement à 8,8 %, avec des grandes disparités : 8% aux Etats Unis, mais jusqu’à 50% en Turquie par exemple. Pourquoi ? Un environnement international plus instable (Ukraine, Asie), une spéculation intense, le lent redémarrage de l’économie mondiale post covid, et ce qu’on appelle la « greedflation », le gonflage artificiel des prix par des entreprises bénéficiant de situation de semi monopole (avec des hausses de 50%). L’économie mondiale étant tirée par la consommation des ménages, ce sont eux qui ont été les principales victimes de l’inflation. La bourgeoisie n’est pas forcément pour l’inflation : l’inflation signifie moins d’achats de biens et de services par les classes populaires du coup une économie ralentie. Les capitalistes avaient peur que l’inflation s’installe pour durer. 

Et l’inflation, avec la misère et l’instabilité qu’elle entraine, a aussi un coût politique. En 2022, la population sri lankaise qui faisait face à une inflation énorme sur les biens de première nécessité et l’essence (on voyait des queues de 24h pour avoir accès aux pompes à pétrole) s’est soulevée et le mouvement social « aragalaya » (la lutte) a fait fuir le président, le premier ministre et la famille Rajapaksa qui était au pouvoir depuis 20 ans. L’inde et le FMI ont décidé de laisser plusieurs années au Sri Lanka pour régler sa dette, plus par peur d’un emballement social que de gaieté de cœur. Fin 2023, dans les pays avancés, l’inflation était redescendue à 2.3%.

Ou en es t-on de la crise du capitalisme aujourd’hui ? La croissance est poussive, les dettes publiques et privées augmentent, des bulles spéculatives se constituent, le militarisme se développe, l’emploi repart mais sous des formes précaires et soutenu par les Etats, les profits sont confortables : pour les profits des entreprises, dur de trouver des chiffres, mais l’auto satisfaction des capitalistes est un signe… Pas de redémarrage de l’économie globale. 

Depuis quelques années, on assiste à la mise en place d’un nouvel ordre mondial : face à un monde unipolaire post chute de l’URSS dans les années 1990 où les Etats Unis régnaient sans partage du point de vue économique et politique, de nouveaux acteurs comme la Chine émergent et cette montée en puissance provoque des conflits. Les capitalistes et leurs laquais affrontent respectivement leurs classes ouvrières pour le partage de la valeur, mais s’affrontent également les uns les autres. 

Le cycle de libéralisation des échanges, de la baisse continue des droits de douanes, est en panne. Le dernier cycle de discussions de l’Organisation Mondiale de Commerce, celui de Doha, entamé en novembre 2001, est en coma artificiel. Ce qui rend la situation grave aujourd’hui, c’est que les deux principaux acteurs de la guerre commerciale sont les deux plus grandes puissances mondiales, deux puissances disposant d’un arsenal militaire conventionnel et nucléaire très développé.

Le 9 novembre, le ministre des finances chinois a annoncé un plan de lutte contre le surendettement des acteurs financiers du montant de 780 milliards d’euros. C’est l’immobilier qui a tiré la croissance chinoise entre 2015 et 2021 et dont la bulle a éclaté. Ce plan sera surement suivi par d’autres. 

Lors de l’annonce du 14ème plan quinquennal par Pékin en 2020, le PCC a déclaré vouloir passer d’une « économie moyenne » a une « économie socialiste de marché » d’ici 2049. Les objectifs sont : 1) investir pour arriver à la souveraineté technologique 2) renforcer la stabilité financière (notamment en lien avec la crise immobilière) 3) transformer le mode de production pour arriver à la neutralité carbone en 2060). 

Sur la crise financière, l’endettement des sociétés locales liées à des collectivités atteint les 300% du PIB. Cette dette est possédée à 95% par des acteurs chinois. Dans le cadre d’une croissance moins forte cette dette est difficile à absorber. Sur les technologies, le gouvernement a décidé de faire un effort sur le solaire, l’éolien, les voitures électriques ainsi que l’intelligence artificielle, en misant également sur l’éducation.

 Les exportations chinoises sont aujourd’hui de 35% plus élevées qu’avant le COVID, notamment les voitures électriques. Cependant, la Chine a accumulé des surcapacités productives, elle produit bien plus qu’elle ne peut vendre, qu’elle ne peut écouler sur un marché domestique faible bien qu’encouragé par des mesures limitées. La Chine fait également face à un vieillissement qui est complexifié car celle-ci ne bénéficie d’un système de protection sociale nationale mais locale basée sur le hukou, le passeport intérieur. Ce vieillissement diminue la main d’œuvre et permettent aux salariés d’avoir un rapport de force pour augmenter les salaires, avec ou sans conflit social ouvert. Des investissements sont réalisés dans les technologies pour renforcer l’auto-suffisance notamment vis-à-vis des USA qui mène une politique de guerre commerciale. Les Etats Unis ont mis en place des restrictions sur l’exportation de semi-conducteurs vers la Chine.

La Chine et les Etats Unis se reprochent l’une à l’autre de subventionner leurs industries de manière déloyale. Cela a même conduit la Chine a porter plainte en mars 2024 contre les subventions de Biden aux voitures électriques américaines. De leur côté, les USA en aout 2022 ont déclaré filtrer les investissements des Etats Unis en Chine sur des industries stratégiques : intelligence artificielle, semi-conducteurs et informatique quantique.  La Chine a répondu en limitant les exportations de gallium, de germanium, de graphite (nécessaire aux nouvelles technologies) ainsi que les technologies d’extraction et de transformation de terres rares. La Chine produit beaucoup plus d’acier et d’aluminium que son marché intérieur ne peut absorber et d’autres pays se protègent également de ce dumping : notamment l’Europe (la Chine a répondu par une limitation des importations de Cognac) mais également des pays hors occidents comme l’Afrique du Sud, le Brésil, le Mexique et l’inde, afin de protéger leurs propres industries. 

Au niveau international la Chine a construit son propre réseau financier alternatif au FMI et à la Banque Mondiale. Ses prêts de pays à pays sont plus élevés que ceux de la Banque Mondiale. Elle est le premier partenaire commercial d’une majorité de pays. Sur les questions internationales, elle fait entendre une voix discordante. Depuis l’initiative de 2013 du gouvernement chinois, les Routes de la Soie, programme d’investissement à l’étranger, la Chine prétend associer des pays en développement autour d’une « communauté de destins communs ». Cependant, il existe aussi une opinion antichinoise dans ces pays. Fin 2017, la cession de 70% du port de Hambatota au Sri Lanka contre un rééchelonnement de la dette du pays à la Chine a été pris comme exemple d’un « piège de la dette ». Les pays partenaires de la Chine perdent en souveraineté par ces investissements sont source de développement. Les BRICS ne constitue pas un bloc derrière la Chine. Pékin doit démontrer qu’elle est davantage désintéressée que les Etats Unis et ses alliés. 

Cette trajectoire de l’économie chinoise constitue un risque de confrontation. A cela s’ajoute la question de Taiwan dont les répercussions économiques, financières et diplomatiques sont impossibles à anticiper. Les tensions avec les USA sont durcies, également autour des technologies. 

Examinons désormais les Etats Unis. 

Dans les dernières années, on voit une tendance des USA à la réindustrialisation. Ironiquement, c’est le programme de Trump Warp Speed en 2020 qui a lancé cette tendance, organisant la production et la diffusion des vaccins Pfizer et Moderna contre le COVID. Les 1,2 millions de morts USA du Covid ont coûté à Trump la présidence. Mais en 2024, Trump a remporté l’élection présidentielle en enrolant le prolétariat blanc sur des promesses de réindustrialisation. Harris a mené une campagne ignorant les questions économiques. Pour l’historien économique Adam Tooze, la politique de la présidence Biden (2020/2024) a signifié la fin du néolibéralisme, annoncée par Trump. Les économistes comparent la situation actuelle à la seconde guerre mondiale. En mars 2021 un plan de sauvetage de l’Amérique de 1,9 trillion de dollars a été mis en place : ce programme était industriel, productiviste et protectionniste, hostile à la Chine. Trump s’est même pris en photo avec des syndicalistes à la Maison Blanche, Biden s’est rendu à un piquet de grève des travailleurs de l’automobile en septembre 2023. 

Les crises auxquels les USA ont fait face ont été davantage des crises de politique étrangère que de politique domestique, au premier rang les affrontements avec la Chine. La crise de l’Ukraine et du Moyen Orient sont des tests pour la politique étrangère américaine, la lutte contre la Chine est en toile de fond. Biden a été entrainé dans ces guerres par des systèmes d’alliances. Biden a souvent parlé des Etats Unis dans le monde comme « l’arsenal de la démocratie », expression utilisée pour la deuxième guerre mondiale, et ce n’était pas uniquement car il était gâteux. Biden se voulait « président du climat », il a été le président de l’autonomie des USA en pétrole et en gaz grâce à la production domestique. Pétrole, défense et haute technologie ont été ses maitres mots. L’idée de diminuer le rôle de la Chine dans la production de semi-conducteurs date d’Obama. Le plan d’aide aux technologies est cependant faible, 40 milliards de dollars au total, alors que Samsung seule dépense autour en R&D en une seule année. Taiwan domine le marché. 

Biden et Trump ont pour but de revenir dans le passé où l’amérique régnait seule et sans partage. Avec Trump entre 2016 et 2020, on était déjà passé proche d’un conflit avec la Corée du Nord. Quand le général commandant en chef de l’armée américaine Milley a suggéré de signer un cessez le feu en Ukraine il a été écarté. C’est un secret de polichinelle de dire que les generaux préparent leurs troupes à des cas de guerre en 2025. Biden a lancé un programme de reconstitution de l’arsenal nucléaire militaire de 1,5 trillions sur 30 ans. Le néolibéralisme et la mondialisation heureuse sont bien terminées… 

Quel est notre plan de sauvetage à nous ? Face à l’austérité, se bagarrer : contre les suppressions d’emploi, les licenciements, l’augmentation de la charge de travail. Face à la tentative de la bourgeoisie de nous enrôler contre les travailleurs étrangers, ici ou ailleurs, nous répondons par la solidarité et l’internationalisme : notre ennemi est dans notre propre pays. Puis, étant donné que les capitalistes sont incapables de gérer leur économie casino, nous revendiquons l’expropriation de l’économie sous contrôle des salariés. 

La lutte contre les licenciements aujourd’hui en France est un point d’appui dans la lutte pour ne pas payer la crise. Le 14 novembre, le syndicat CGT comptait 200 plans de licenciements. Ces licenciements concernent beaucoup de secteurs économiques mais notamment les secteurs fleurons de l’économie française : automobile et grande distribution. Par exemple, le groupe Auchan a annoncé le 5 novembre un plan social de 2389 suppressions d’emplois, alors même que des aides publiques ont plu sur l’enseigne : 500 millions d’euros ces dernières années selon la CGT. Michelin a également annoncé le 14 novembre un plan de 1200 suppressions d’emplois. Macron prétend avoir mené une politique de l’offre (baisse de la fiscalité, réformes structurelles – retraites, chômage) mais l’image d’une France en « réindustrialisation » vole en éclats au vu de tous les plans de licenciement. 

Entre 2017 et 2024, l’emploi industriel est en recul passant de 12,5 % à 12% de l’emploi total. Depuis les années 70 ce sont 2,2 millions d’emplois qui ont été détruits dans l’industrie. Dans certaines industries comme l’alimentaire ou les transports, le nombre d’emplois augmente, mais baisse dans la métallurgie et le papier. 

La demande est en baisse, et les capitalistes qui défendent leur marge avant tout, font payer l’addition aux travailleurs : Auchan a fait 1,5 milliards d’euros de bénéfice en 2023 et 300 millions d’euros de bénéfice au premier semestre 2024 et Michelin 2 milliards d’euros de bénéfice en 2023 avec également une politique de rachat d’actions. Le PDG de Stellantis, Tavares dont l’usine de Poissy va fermer, gagne 100,000 euros par jour, et la famille Peugeot 20 millions. Les licenciements touchent également des secteurs non industriels comme le jeu vidéo : 20% de l’effectif de Don’t nod en France (69 salariés). Sophie Binet, secrétaire de la CGT, a annoncé sur un piquet de grève de l’usine chimique Vencorex en Isère le 8 novembre, usine menacée de 400 licenciements, une manifestation pour l’emploi le 12 décembre. Quelles revendications ? Le 13 novembre sur Arte dans l’émission 28 minutes, Sophie Binet a demandé un « moratoire » sur les licenciements et une « vraie politique industrielle » sinon « notre industrie » ne s’en remettra pas. Au lieu de mettre en avant l’interdiction des licenciements et la nationalisation sans indemnité ni rachat des entreprises, elle s’attriste de la baisse du PIB industriel et veut donner davantage de droits aux représentants du personnel notamment pour « trouver des projets alternatifs ». Nous, nous ne défendons pas un « moratoire » sur les licenciements mais bien leur interdiction pure et simple, qui ne sera possible que si la majorité des travailleurs licenciés mais les salariés des autres boites aussi se mobilisent et mettent fin à l’éparpillement des luttes. C’est ce que notre organisation a essayé de faire, prenant des contacts par ci et par là, tentant de faire se coaguler les colères. La journée du 12 décembre doit être un point d’appui. Mais il est aussi décourageant de voir le calendrier des prochaines semaines et de voir tous les secteurs professionnels partir en ordre dispersé à l’affrontement. De la même manière qu’il n’y a pas de « politique industrielle » commune à la bourgeoisie et aux travailleurs, ce n’est que si les travailleurs s’organisent collectivement, séparément du patronat, qu’une solution est possible.

La question d’Opella, filiale de Sanofi produisant notamment le Doliprane et employant 11,000 personnes en France, est révélatrice. Le 11 octobre la décision de Sanofi de vendre pour 15 milliards d’euros 51% d’Opella au fond américain CD&R est révélatrice. Barnier annonce l’entrée de la Banque Publique d’Investissement dans Opella… à hauteur de 2%. En plus de cette entrée au capital qui ne donne aucun pouvoir à l’Etat français, les ministres de Macron estiment avoir reçu des « garanties » de maintien de l’emploi… On sait bien ce que valent ces promesses. Puis de l’extreme droite à la gauche réformiste, on a entendu parler de ci de là de nationalisation : une nationalisation car cette vente à un fonds étranger – américain – est une atteinte à notre souveraineté nationale. Nous nous défendons la socialisation, c’est sans indemnité, ni rachat, et sous contrôle ouvrier, afin de répondre aux besoins de la population. La socialisation signifie également la mise en place d’un gouvernement ouvrier, aussi fidèle aux travailleurs que les gouvernement actuels le sont à la bourgeoisie. L’Etat a dans le passé dirigé bien des entreprises et a été un patron aussi voyou que les employeurs privés. S’il doit y avoir un pôle public du médicament, comme le demande LFI, ce sera sous contrôle des travailleurs.

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