En 2022, la mobilisation populaire au Sri Lanka (aragalaya. En cingalais : la lutte), annonçant par son énergie et ses ambiguïtés politiques les mobilisations de la Gen Z, avait fait fuir un président corrompu : les images de l'occupation du palais présidentiel par les manifestants avaient fait le tour du monde. Le Sri Lanka a récemment fait la une à cause des inondations et glissements de terrain provoqués par des phénomènes naturels, ayant tué des centaines de personnes et jeté des centaines de milliers à la rue.
Si c'est le capitalocène, la gestion capitaliste de l'environnement, qui est la cause de l'augmentation de la fréquence et de la force des phénomènes climatiques, on peut se poser la question : comment l'évolution de la situation politique depuis 2022 au Sri Lanka peut elle éclairer notre compréhension de la crise actuelle ?
La gauche au pouvoir
En 2024, la coalition du New People Power (NPP) autour du JVP (JVP : front de libération du peuple) a remporté les élections présidentielles et législatives avec une écrasante majorité. Le JVP se revendiquait à l'époque du « marxisme-léninisme » et avait fait des tentatives de coup d'Etat en 1971 et en 1989 où des dizaines de milliers de militants étaient tombés, victimes de la répression. Aujourd'hui, la victoire électorale du JVP est une prolongation de la mobilisation de 2022, et la majorité de la population a choisi comme dans bien d'autres pays de dégager les partis qui avaient gouverné le pays depuis 1948. Mais aujourd'hui, le président Aruna Kumara Dissanayaka (AKD), issu du JVP, est considéré par le FMI, créancier du Sri Lanka, comme un bon élève. Il a conservé comme conseillers économiques ceux des présidents précédents. Dans les renégociations de la dette domestique du pays, les fonds de pensions détenus par les salariés (fonds de retraite et assurance chômage, ETF et EPF) sont moins indemnisés que ceux des riches. AKD a signé des accords commerciaux secrets avec l'Inde, ce que les présidents précédents avaient refusé. Les prochaines échéances de remboursement de la dette au FMI auront lieu en 2026 et il va bien falloir que le gouvernement trouve l'argent quelque part... dans la poche de la population ?
Charité bien ordonnée...
Pour un militant du Frontline Socialist Party, exilé en France (FSP, scission du JVP des années 2010) : « Avant les inondations, quand la gauche révolutionnaire critiquait le pouvoir actuel, la majorité des classes populaires leur répondait : « laissez les faire d'abord, vous critiquerez ensuite ! ». « C'est toujours le cas » ajoute t-il. Certains militants pointent que le cours néolibéral de AKD, qui a nommé un comité de gestion des secours comprenant des milliardaires et des grands patrons, ne crée pas les conditions propres à faciliter les secours. Les impérialistes régionaux comme l'Inde ou mondiaux comme la Chine et les Etats Unis fournissent des secours actuellement... Mais quand on sait que ces puissances se battaient déjà pour avoir chacune un bout de l'économie sri-lankaise, comment ne pas penser que leur charité a des arrières pensées ?