Atelier Philo - Fonctionnement des imaginaires (mobilisateurs en politique)

Nos capacités à nous représenter les choses dépendent de notre sensibilité. Sans affection sensible aux choses, nous n'y portons qu'un intérêt mineur, du fait de ne pas les concevoir dans leur entièreté. Les idéologies néolibérales véhiculent des discours et des représentations des choses qui poussent à adhérer à l'essor capitaliste, en conditionnant nos imaginaires dans un consumérisme délétère. Mais, face à ces récits et illusions écocidaires, nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à envisager d'autres alternatives.

Entre imaginaires individuels et collectifs, en reconnaissant nos différences, comment nous accorder en partageant des mêmes visions, des mêmes valeurs, afin de converger vers des directions concertées, des actions en majorité désirées. Si ces questions t'intéressent, voici le résumé d'un atelier philo autour des imaginaires mobilisateurs d'engagements personnels et collectifs, dans une perspective d'écologie sociale.

Cet atelier philo est habituellement pratiqué sous forme de discussion.

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Qu'est qu'un imaginaire ?

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PARTIE 1 : POSER LES BASES MATÉRIELLES DES STRUCTURES DES IMAGINAIRES

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Notre imaginaire personnel est le réservoir de tous nos souvenirs et connaissances. C'est le siège de nos infinies représentations personnelles, de l'ensemble de nos visions du monde, héritées des savoirs collectifs et issues de nos expériences propres.

Distinguons dès maintenant que l'imagination est le processus par lequel les images se forment dans l'esprit, afin de nous représenter le monde et donner du sens aux choses. L'imagination est un outils œuvrant à l'élaboration des imaginaires, personnels et collectifs.

Lorsque l'on écoute une nouvelle musique, elle enrichit notre imaginaire, déjà coloré de nombreuses sonorités. Sons et paroles produisent en nous une myriade de sensations et d'émotions, autant d'impressions chargées en affects, qui expliquent ou interrogent ce que l'on vit. De même, la littérature comme le cinéma alimentent nos mondes intérieurs, dont s'imprègnent nos récits de vie, en nous faisant rêver entre imaginaire et réalité.

On pourrait également entrevoir les imaginaires comme le réservoir des clichés et stéréotypes que l'on rencontre et incorpore en grandissant. Au départ nos représentations sont simplistes et naïves, à hauteur de nos capacités de compréhensions enfantines, puis nos imaginaires s'affinent en nuançant ce que l'on prenait pour acquit, mais qui, en réalité, n'est pas aussi simple qu'il n'y parait.

Notre construction individuelle est inhérente à la trame de notre imaginaire, de nos subjectivités qui s'expriment à différents niveaux d'existence, entre raison et déraison. Notre imaginaire est comme un canevas cérébral sur lequel sont projetés nos récits intérieurs, fantasmés avec tout le sérieux dont nous sommes capables. Quelles soient logiques ou irrationnelles, les images qui nous animent du plus profond de notre être orientent nos parcours de vie, collectivement individuels.

Du corps à l'esprit, nos organismes très perfectionnés revêtent 3 principales manières de produire des images :

- Corporelles

- Affectives

- Cognitives

 Autant de signes et de symboles donnant du sens à nos sensations, nos impressions et nos idées, ainsi signifiées. Parce qu'émotionnellement orientées (impressions agréables/désagréables - moralement jugées bien (acceptables) ou mal (indésirables)).

On comprend donc que notre corps produit en permanence des images de soi-même (monde intérieur), en fonction de l'environnement (monde extérieur). Ces images apparaissent dans nos esprits sous formes d'impressions, de ressentis qui imprègnent notre organisme, plus ou moins profondément selon la charge affective associée. Plus une perception est forte, plus l'impression que l'on en gardera sera intense. On parle de traces mnésiques, autrement dit de souvenirs (tout le monde se souvient ce qu'il faisait (du contexte) en apprenant que le Bataclan avait été attaqué).

Au jour le jour nos imaginaires évoluent au gré des stimulations de nos affections, de nos impressions qui renforcent les images retenues et remises sur le devant notre scène mentale selon les sujets d'actualité. Plus on voit d'images de guerre, plus ça nous atteint (que ça soit en nous révoltant, en nous attristant, ou en nous désensibilisant, voire les trois émotions mixées dans un état de confusion - ce qui limite les actions concertées et réfléchies).

Les images mentales associées à nos souvenirs définissent nos représentations du monde. En permanence elles vont et viennent entre conscient et inconscient. Il y a des images qui restent en arrière-plan de l'esprit, celles qui défilent sans que l'on s'en rende compte, mais qui pourtant nous affectent. Et il y a les images qui apparaissent au premier plan de l'esprit, celles dont on a pleinement conscience.

On distinguera trois formes d'imagination :

- L'imagination passive (la rêverie - improductive en tant que les images repartent aussi vite qu'elles apparaissent, sans contact avec le réel)

- L'imagination créative (faire de nouvelles associations d'images, productrices d'élans vers l'avant (sublimation libératrice))

- L'imagination active (le fait d'élaborer des images projectives pour trouver des solutions opérantes à des problèmes concrets).

On commence à saisir la puissance créatrice des imaginaires, afin d'anticiper les évènements à venir d'après le passé. Précisons 4 types d'images qui animent nos imaginaires, à différents niveaux de conscience.

Entre le premier plan et l'arrière-plan de l'esprit, selon la teneur de notre attention consciente, les images apparaitront avec plus ou moins de clarté et de force, selon leur intensité émotionnelle. Nos imaginaires sont ainsi constitués d'une infinité d'images se recomposant selon qu'on se remémore tels souvenirs, ou telles impressions, intuitivement édifiantes parce qu’éminemment évidentes. Reste néanmoins à évaluer le degré de pertinence et de cohérence de nos associations, d'autant plus quand les images sont fortement imprégnées de sentiments.

En résumé de cette première partie, on comprend que les images produites par le corps apparaissent dans l'esprit à différents niveaux d'expression :

- Dimension sensible (sensations et émotions) / à un niveau corporel

- Dimension intelligible (mentalisation sous forme d'impressions intuitives, verbales, conceptuelles et schématiques) / à un niveau spirituel

Voyons ce que cela implique au quotidien et politiquement parlant.

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PARTIE 2 : COMPRENDRE L'IMPORTANCE DES AFFECTS DANS LES ORIENTATIONS DES IMAGINAIRES, AINSI QUE DES IDÉES ET COMPORTEMENTS EN DÉCOULANT

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Les dimensions sensibles et intelligibles qui pilotent nos fabuleux organismes sont permises grâce à des mécaniques somato-psychiques complexes et complémentaires. Ce sont les schèmes imaginaires. Des manières de procéder, d'agir et réagir, qui mettent en relation le corps et l'esprit au travers de dialectiques nous faisant percevoir les choses d'abord globalement, puis de plus en plus précisément, en vu de prendre une décision.

Par exemple, lors des présidentielles de 2017, qu'on se soit abstenu ou qu'on ai mit un bulletin Macron au second tour, a secoué plus d'un citoyen ayant le cœur à gauche. Sur fond d'opinions questionnées et d'intégrité politique revisitée, cette prise de décision a fait se refléter un grand nombre de représentations dans les corps et esprits ainsi remués d'une large partie de l’électorat, surtout de gauche.

Avant d'explorer plus loin les ressors imaginaires collectifs qui ont permit l'élection d'un tyran en place d'une tyran, voyons rapidement quelques mécanismes langagiers lorsqu'il s'agit de manipuler les foules avec des mots vides de sens, qui, rendus insignifiants, trompent le réel.

Autre exemple : le titre de l'ouvrage/programme de Macron - "RÉVOLUTION" - Tout un symbole (disruptif), aujourd'hui que le monde entier constate les violences politiques, sociales, économiques et environnementales sous-tendues par les "valeurs du macronisme historique".

La communication des puissants véhicule des fictions. Ces visions du monde imprègnent nos récits intérieurs d'éléments de langage, de conceptions porteuses de valeurs servant les intérêts socio-économiques et culturels des dominants. Lorsqu'ils sont répétés en boucle de média en média, ces narratifs construisent une réalité qui devient la norme. Ces fictions médiatico-politiques induisent des manières de voir qui formatent les cadres de pensée, ainsi idéologiquement et moralement orientés, même si les réalités relatées sont hors-sols et frelatées.

Dans la société consumériste du spectacle narcissique, l'info en continu limite prise de recul et réflexion dans le temps long. Les mises en scène médiatico-politiques ont pour principales vocations d'orienter les imaginaires, en adhérent à une idéologie plutôt qu'une autre. En préférant un candidat à un autre, une fois le choix réduit.

Dans un déplacement savamment orchestré de la fenêtre d'Overton, au service des dominants du moment, les multiples formes de sidération produites par le gouvernement du 49.3 et du LBD placent les citoyens dans des états de stupéfaction. Tels des spectateurs désabusés et impuissants face à des évènements choquants, qui s'enchainent dans une surenchère de déni démocratique. Dans la plus grande confusion, les citoyens désorientés se raccrochent aux idéologies auxquelles ils ont été les plus exposés. Autrement dit, sont guidés par les valeurs morales qui se sont imposés dans leurs imaginaires, ainsi conditionnés à penser dans un cadre normé.

Ces idéologies soutiennent des idéaux néolibéraux, telle la libre entreprise individuelle et la légitimation égoïste de la recherche du profit à tout prix. Le collectif est perçu comme une somme d'individus, moralement isolés, ce qui limite les formes d'organisations collectives à des fins de souveraineté citoyenne. De (re)prise en main de son destin face aux imaginaires individualistes et consuméristes promus par le capitalisme.

Ces idéaux, qui soutiennent des idéologies elles-mêmes porteuses de valeurs morales, s'appuient sur des archétypes. En 2017, Macron a revêtit le rôle du sauveur. Son image médiatique s'est construite autour de l'imaginaire du jeune entrepreneur outsider, apportant à la nation les solutions à tous les problèmes inhérents aux générations d'avant. Ni de droite ni de gauche, Macron s'est énergétiquement affirmé comme une alternative porteuse d'espoirs, en induisant de puissants affects montrant sa détermination à réaliser son/notre projet. Ce qui a suscité des formes de fascination, dont ont découlées de nombreuses adhésions au récit qu'il incarnait.

En résumé de cette seconde partie, on comprend que les formes de propagande médiatico-politiques vont puiser profondément dans l'imaginaire collectif, pour structurer leurs récits autour d'affects mobilisateurs. Et in fine influencer idéologiquement et moralement les électeurs, bernés par des rhétoriques mensongères et des postures outrancières, incarnant des principes moraux emplis d'illusions trompeuses.

Le récit électoraliste instrumentalisant l'archétype du sauveur se retrouve également dans les élections de Trump aux USA ou Milei en Argentine, qui eux aussi ont brandi une image s'opposant aux partis politiques d'avant, coupables d'avoir menés le pays là où il en est aujourd'hui. Une incarnation rebelle du pouvoir propice à remplacer les formes de régence d'antan, mais dont les effets et conséquences réelles renforcent les idéologies capitalistes ainsi que la montée de l'extrême-droite.

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PARTIE 3 : FAIRE DU RÊVE UNE RÉALITÉ, OU RÉALISER L'UTOPIE

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Nos imaginaires sont émotionnellement influencés par des mises en scène politique qui diffusent des idéologies sous-tendues d'idéaux moraux au travers de récits médiatiques. Les réalités humaines étant plus complexes que les représentations martelées par les médias détenus par des milliardaires comme Bolloré, dont les desseins conservateurs et réactionnaires sont porteurs de valeurs racistes et égoïstes, en résulte de nombreuses contradictions parmi les citoyens confus.

Par exemple, au nom des libertés individuelles, par omission ou ignorance légitimer la dérégulation des marchés si cela apporte le progrès social, quitte à perdre en libertés individuelles au final. Par ailleurs, le poids culturel de propos appelant au repli sur soi en fermant les frontières aux immigrés n'empêche pas les élans de solidarité de s'exprimer malgré tout, même chez les gens de droite.

Entre ce que l'on pense et ce que l'on fait, une manière de nous y retrouver parmi les multiples dimensions du capitalisme serait d'appréhender comment s'exercent les pouvoirs décisionnaires. Comment les fictions néolibérales, intériorisées à force de propagande, servent le capitalisme dans un renouvellement de ses formes au fil des siècles. Comprendre comment les idéologies des dominants induisent et récupèrent des représentations dans les imaginaires collectifs nécessite de dépasser son propre imaginaire, en s'émancipant des images et croyances qui le composent. Autrement dit ne plus attendre en espérant que quelque chose advienne, mais agir en faisant ce que l'on estime bon, à partir d'idées individuellement et collectivement muries.

Faire ensemble est la clé pour réaliser nos envies personnelles et satisfaire nos attentes collectives, en étant toutes et tous acteurs. Sans plus discuter longuement en proposant des concepts imagés pour s'accorder idéologiquement et se rassurer moralement, au risque de se diviser sur des détails anecdotiques par division idéologique pas si divergentes, il s'agirait de réfléchir à comment agir selon ce qui est concrètement accessible et possible à notre échelle, selon nos potentialités actuelles et toutes celles développées ou acquises au contact des autres.

Si notre horizon militant est une révolution différente de celle de Macron, il va peut-être falloir moins espérer une miraculeuse convergence des luttes entre sociologie et sensibilité différentes, que participer à des actions et coconstruire des organisations capables d’accueillir, orienter et former les gens désireux de s'impliquer, qui devraient être de plus en plus nombreux au vu des crises à venir. La coordination de nos implications en appliquant nos idées au travers de pratiques fédératrices et émancipatrices, où l'on apprend à œuvrer avec l'autre, structurera les bases d'un imaginaire prônant l'action concrète, ici et maintenant, en vu de changer demain.

Aujourd'hui les Soulèvements De La Terre, qui mobilisent large, visent à l'action directe et ciblée, transversale et insaisissable, à des échelles locales et nationales. Qu'il s'agisse de la gestion démocratique de l'eau ou du transport de marchandise, les blocages de flux de marchandises et d’entreprises écocidaires qu'ils proposent s'inscrivent dans une logique de réduction du développement du capitalisme. Sans adhérer à un parti ni suivre une ligne idéologique particulière, peut-être est-ce une forme plus adaptée aux attentes de millions de gens désirant juste sauver leurs territoires, en se coordonnant à plus grande échelles quand nous rencontrons les mêmes problèmes ici et là. A voir comment tout cela (re)dynamisera et coordonnera les imaginaires révolutionnaires...

La transmission des savoir-faire militants et des pratiques associées est la garantie d'une relève assurée, avec des manières de procéder relevant d'un imaginaire communément partagé. Coconstruire des organisations favorisant l'action réfléchie, concertée et mesurée pour lutter ici et maintenant,  si les enjeux  au lieu de chercher à s'.