L’article 23 prévoit que Hong Kong puisse « mettre en place des lois de manière indépendante pour interdire la trahison, la sécession, la sédition et la subversion contre le gouvernement central du peuple, ou le vol de secrets d’Etat, ou interdire des organisations étrangères de mener une activité politique à Hong Kong, ou interdire aux organisations politiques de Hong Kong d’avoir un lien avec des organisations politiques étrangères » So Sou-Soum est militant révolutionnaire à Hong Kong. Il revient avec nous sur la séquence répressive actuelle. Propos recueillis par Stan Miller.
- Quelles conséquences va avoir l’article 23 sur la vie politique à Hong Kong ?
Cela fait vingt ans que le pouvoir chinois essaie de faire passer des législations de ce type, repoussées plusieurs fois par des mobilisations très massives. L’article 23 fait partie de tout un arsenal répressif qui est en place depuis plusieurs années, comme la loi de Sécurité Nationale mise en place en 2020 suite aux très grosses manifestations pour la démocratie. Ces lois étranglent la société civile[i]. L’article 23 est encore plus draconien. Le simple fait de diffuser un message anti gouvernement quel que soit le support ou que quelqu’un le fasse pour vous est considéré comme de la sédition. Un simple juge peut décider arbitrairement que tel ou tel message est de la sédition. C’est le « crime de la pensée » de Orwell. L’article 23 va dans ce sens. Avant, quand un militant prenait de la prison, il ne faisait que 2/3 de sa peine et la finissait en probation. Maintenant les militants font les peines complètes. Il est interdit pour une organisation d’être financée par l’étranger. Si une organisation politique ou une ONG veulent un financement, elles doivent l’obtenir du gouvernement auquel elles doivent jurer allégeance. Les groupes contestataires meurent et les autres sont inféodés au gouvernement. Toute la société civile est touchée. Si tu veux être travailleur social tu dois aussi jurer allégeance au gouvernement auprès d’un conseil dont les membres sont nommés par le gouvernement. Beaucoup d’activistes ont émigré.
Il y a deux centrales syndicales à Hong Kong : la HKCTU, d’inspiration libérale, et l’HKFTU, pro Beijing et ayant renoncé à la lutte des classes depuis les années 70. La HKCTU s’est auto dissoute en 2021 en anticipation de la répression plus que sous les coups de la répression elle-même. De nombreux leaders de la HKCTU sont en prison mais plus de 200 sections locales ont cessé d’exister avant même que le gouvernement l’exige. La majorité des activistes sont démoralisés. Avec le COVID, tout rassemblement de plus de deux personnes est devenu illégal. Même après la fin de la pandémie, la police a gardé cette loi et s’en sert contre les militants de manière plus ou moins agressive.
La loi de sécurité nationale de 2020 fait qu’il est impossible de savoir comment la police politique est financée ou fonctionne. En 1997, avant la rétrocession, il y avait 1000 agents secrets britannique du MI5 à Hong Kong. Maintenant il y a probablement 4000 agents à la solde de Beijing à Hong Kong. Depuis 2019 les procès de militants de la démocratie ont lieu toutes les semaines, avec une peine moyenne de 1.6 ans par détenu.
- Quelle est la relation actuelle entre le gouvernement chinois et Hong Kong ?
La situation globale se dégrade. Du point de vue économique, l’intégration de Hong Kong à la Chine progresse. Depuis 1978, Hong Kong est le premier investisseur étranger en Chine. Le problème pour les investisseurs étrangers en Chine c’est l’instabilité politique et économique, le fait de ne pas être sur si on pourra récupérer son argent. En 1992, les réformes pro-marchés en Chine se sont fait en lien avec Hong Kong. Entre 1976 et 1992, les capitaux qui ont contribué à moderniser la Chine venaient principalement de Hong Kong et un peu de Taiwan. Hong Kong était une vitrine pour attirer en Chine les capitaux étrangers. En 1980, Hong Kong était devenu un centre financier majeur. Les entreprises et les institutions chinoises ont ouvert des bureaux à Hong Kong. En 1978 elles étaient 122. En 1989 elles étaient 2500.
- Quel est le lien entre réformes pro-marchés et libéralisation politique ?
Il existe une idée reçue que la libéralisation du marché signifie une société plus démocratique. Il n’en est rien. Dans le Parti Communiste Chinois il y a un consensus : libéraliser le marché, mais pas la politique. Il y avait deux tendances dans le parti : la faction de Deng, qui était pour la libéralisation économique ; et la faction de Chen Yun, qui voulait « mettre le marché dans une cage » et craignait que la libéralisation économique risque d’entrainer une libéralisation politique. Bien sûr nous ne sommes pas dupes : ces deux factions sont hostiles aux intérêts des travailleurs.
- Comment vois-tu le futur à Hong Kong et en Chine ?
La différence entre la Chine et l’Union Soviétique qui s’est effondrée, c’est que la Chine a comme atout Hong Kong. La Chine a pu se moderniser grâce à Hong Kong. En 2006, les entreprises chinoises étaient cotées à 1,5 trillions de dollars hong kongais (1800 milliards euros) à la bourse de Hong Kong. En 2018, Hong Kong était le premier marché mondial en termes d’introduction en bourse. 90% des introductions en bourse chinoises se font avec du capital hong kongais. Du point de vue militant, la société civile hong kongaise est brisée. Les militants sont en exil en Occident, à Taiwan ou au Japon. Les journalistes sont également victime de répression. Beaucoup de journaux occidentaux ont quitté Hong Kong. Une journaliste du Wall Street Journal a été élue cheffe du syndicat des journalistes en juin mais deux semaines après son propre journal l’a limogé car son poste de syndicaliste l’exposait à trop de répression. Le PCC a un plan pour Hong Kong sur le long terme, et ce ne sont pas seulement les militants qui en feront les frais. Le slogan du gouvernement et du PCC pour l’année 2020 et 2022 était : « rétablir l’ordre contre le chaos », sous-entendant que la répression était nécessaire et notamment la loi de Sécurité Nationale. Le slogan de 2023 est : « progresser vers la prospérité ». Dans l’éducation, les enseignants et les élèves subissent l’intensification de la propagande. Les enseignants sont encouragés à dénoncer leurs élèves qui feraient la promotion de la « sédition ». Pendant un match de foot, il y a des supporters qui se sont mis dos au terrain quand l’hymne a été joué.
[i] La société civile à Hong Kong signifie tous les secteurs opposés à l’Etat : militants, ONGS, journalistes.