Je souhaite aborder ici la question du vote électronique qui est source de travail et d'occupation aussi bien pour ses tenants que pour ses détracteurs. C'est un travail d'investigation : faire des tests d'ergonomie et de sécurité, écrire des articles analysant ces tests. Puis recommencer pour plus de précision ou parce qu'une industrie aura proposé un nouveau système de vote électronique... C'est un travail des plus agréables surtout quand on peut embaucher une équipe de stagiaires/doctorants pour effectuer les tests, rédiger en co-auteurs des articles... Mais ce point de vue est loin des questions que je me pose.
Je préfère revenir sur l'historique du vote électronique, sur sa genèse quoi ! Je ne suis pas spécialiste en histoire, ni en sociologie, pas même en électronique numérique. J'ai juste des questions qui ne me semble pas ou trop peu abordées mais qui m'apparaissent plus fondamentales et prioritaires que toute autre question d'ergonomie ou de sécurité d'un quelconque système numérique de vote.
Si je ne me trompe pas, l'idée du vote électronique est apparue aux USA. Et les questions qui me viennent alors en premier sont : Pourquoi ? Pour quelles raisons ? Questions difficiles pour moi spécialiste de rien. Mais j'ai eu la chance d'assister à un exposé sur le vote étasunien (électronique ou pas) présenté par une personne du crû et consacrant une partie de sa recherche à ce domaine.
Pour celles et ceux qui comme moi ne connaissent que le système à la mode française c'est édifiant... Lors d'un vote, plusieurs questions sont souvent regroupées en un seul bulletin qu'il faut cocher. Déjà il faut comprendre les questions. Mais il faut aussi être attentif pour ne pas répondre aux mauvais endroits, c'est-à-dire cocher une case qui correspond à une autre question. De surcroît, le votant peut écrire sur le bulletin et restent alors à savoir si son bulletin est valide ou pas. Ainsi la question qui se pose est le contrôle des bulletins incertains. Travail actuellement fait par un groupe d'experts. Si les tendances des votants s'équilibrent à peu de chose près (ce qui n'est pas rare lors des votes étasuniens), toute la décision revient alors à ce groupe.
Visiblement estimer suivant les critères étasuniens la validité ou pas des bulletins n'est pas chose simple ! Et la réflexion en cours (juillet 2012) de ces experts préconise la règle suivante :
- A key recommendation from many security experts is the establishment of Voter-Verified Paper Records (VVPR).
- As of today, surest way to guarantee an independent recount.
Nous voici donc, il me semble, loin des questions d'ergonomie et de sécurité des machines électroniques de vote. L'analyse par les professionnels directement concernées nous dit qu'il faut un enregistrement papier pour toute vérification indépendante ultérieure. Et il existerait d'autres systèmes d'assistance au vote où le principe de base reste inchangé pour les votants : ils votent sur papier ; mais à l'urne est adjointe un système électronique de comptage et d'identification des votes qui permet de classer les bulletins, avec une classe particulière pour les bulletins ambigus. Les votants conservent la "liberté" d'expression qu'ils avaient l'habitude d'avoir et tout expert, journaliste ou quidam peut a posteriori contrôler à nouveau la validité des résultats annoncés. Et ceci sur les bulletins remplis par les votants sans intermédiaire. N'est-ce pas une garantie sine qua non de démocratie ?
Concernant les machines de vote numérique introduites en France, j'ai l'impression que tous ces critères ne concernent pas vraiment le vote français où le raturage et les commentaires écrits ne sont pas autorisés. Que certaines "démocraties" les tolèrent comme exutoires en attendant de les rendre impraticable grâce à des machines de vote numérique, ne signifie nullement je crois que des démocraties "plus avancées" en aient besoin, bien au contraire. Aussi je me demande quel est l'intérêt d'introduire des machines électroniques de vote, quel est l'intérêt d'en discuter la praticabilité plutôt que de considérer d'autres systèmes électroniques qui ne viendraient pas remplacer le système de vote actuel mais l'assister ; lors du dépouillement par exemple... le VVPR for independant recount aurait-il échappé à nos spécialistes ?