Stephane Delpeyrat (avatar)

Stephane Delpeyrat

Maire de Saint Médard en Jalles VP Bordeaux Métropole député suppléant 6 eme de Gironde et Militant de Gauche.

Abonné·e de Mediapart

90 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 novembre 2025

Stephane Delpeyrat (avatar)

Stephane Delpeyrat

Maire de Saint Médard en Jalles VP Bordeaux Métropole député suppléant 6 eme de Gironde et Militant de Gauche.

Abonné·e de Mediapart

Le piège des crédits à la consommation : il est temps d’interdire la spéculation.

Stephane Delpeyrat (avatar)

Stephane Delpeyrat

Maire de Saint Médard en Jalles VP Bordeaux Métropole député suppléant 6 eme de Gironde et Militant de Gauche.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Chaque année, des centaines de milliers de familles françaises se retrouvent étranglées par les crédits à la consommation. Ces petits prêts qu’on présente comme des coups de pouce du quotidien — « Besoin d’un frigo ? D’une voiture ? » — deviennent très souvent un piège à dettes.

Derrière les slogans souriants, c’est un système à 45 milliards d’euros d’encours (Banque de France, 2022) qui fait vaciller des vies entières. Quand survient un impayé, c’est la descente aux enfers : entre 2021 et 2022, les défauts de paiement ont bondi de 19 % pour atteindre 587 millions d’euros. Avec des taux qui dépassent parfois 20 %, les dettes explosent vite. Puis vient le fichage bancaire, l’interdiction de tout nouveau crédit, et enfin le harcèlement : jusqu’à cinq appels par jour selon le gendarme des banques (ACPR).

Ce ne sont pas des statistiques : ce sont des visages. Des parents qui n’osent plus décrocher le téléphone, des jeunes qui sombrent avant d’avoir commencé leur vie, des retraités qui vivent dans la peur.

Les créances bradées : le scandale dont on ne parle pas

Mais le plus grand scandale n’est pas là. Il commence quand la banque décide de « se débarrasser » d’une dette impayée.

Car elle ne la perd pas : elle la revend. Pas au débiteur, non : à des sociétés de recouvrement, souvent installées à l’étranger, parfois dans des paradis fiscaux. Ces sociétés rachètent les dettes pour une bouchée de pain — parfois 10 % de leur valeur — puis exigent du débiteur la somme complète, avec pénalités et frais en prime.

Une dette de 1 000 € vendue 100 € continue à être réclamée à son montant initial, voire davantage.

Et les banques y gagnent deux fois : une première fois avec les taux exorbitants qu’elles ont facturés ; une deuxième fois grâce aux avantages fiscaux qu’elles obtiennent en inscrivant ces créances en pertes — pertes qui viennent réduire leur impôt sur les sociétés. Autrement dit, c’est nous, les contribuables, qui finançons une partie de cette arnaque.
Pendant ce temps, les sociétés de recouvrement prospèrent sur la détresse. D’après la DGCCRF, plus de 40 % d’entre elles sont en infraction : menaces, intimidations, informations trompeuses, dissimulation des droits des débiteurs. Des pratiques indignes d’un État de droit.

Le business de la pauvreté

On a inventé un modèle économique fondé sur la fragilité.

On ne prête plus pour aider, on prête pour capter. On ne recouvre plus pour équilibrer un risque, mais pour spéculer sur le désespoir.

La dette est devenue une marchandise, revendue et échangée entre fonds d’investissement comme un actif financier. Le malheur est coté.

Ces créances « toxiques » changent de mains dans l’ombre des circuits financiers mondialisés. On trouve désormais des fonds vautours spécialisés dans le rachat des dettes des ménages européens, exactement comme on rachète les dettes souveraines des États du Sud pour les tondre ensuite.

Et nous laissons faire, au nom de la liberté du marché !

Une idée simple : le droit de préemption du débiteur

Pourtant, la solution existe. Une seule phrase ajoutée au Code civil suffirait.

Quand une banque revend une créance, elle doit d’abord proposer au débiteur de la racheter au même prix.

Rien de plus.

Si la banque vend une dette de 1 000 € pour 100 €, le débiteur doit pouvoir la racheter lui-même à 100 €.

Ce serait une révolution tranquille, mais juste.

.        Justice sociale, parce que la dette cesserait d’être un piège sans issue.

  • Justice fiscale, parce que les contribuables ne financeraient plus les pertes fictives des banques.
  • Justice économique, parce que les fonds étrangers cesseraient de s’enrichir sur le dos des familles françaises.

Cette mesure, simple à mettre en œuvre, ne coûterait rien à l’État. Elle rendrait au citoyen un pouvoir qu’on lui a confisqué : celui de sortir dignement de la dette.

Remettre la loi du côté de la vie

Il faut cesser de faire semblant : ce ne sont pas les allocataires du RSA, ni les chômeurs, ni les petits retraités qui coûtent le plus cher à la collectivité. Ce sont les profits sans contrepartie, les montages d’optimisation, les déductions fiscales injustifiées. Ce sont ces rentes privées entretenues par l’argent public.

On parle beaucoup des « fraudeurs sociaux », rarement des fraudeurs fiscaux légaux.

Pourtant, ce sont eux qui détournent chaque année des milliards d’euros et fragilisent notre modèle.

Le droit de préemption du débiteur, c’est l’inverse du cynisme ordinaire. C’est dire : aucune dette ne doit valoir plus que la dignité d’une personne.

Le courage politique de s’attaquer aux vrais parasites

Ce texte pourrait être porté demain par un gouvernement de gauche qui n’a pas renoncé à la justice.

C’est une mesure de bon sens, mais aussi de civilisation : interdire les profits sur la misère.

Ceux qui travaillent dur, qui élèvent leurs enfants, qui paient leurs impôts, ne doivent plus être humiliés par des machines à cash qui transforment la détresse en rendement.

Une République du soin commence là : dans la protection des faibles contre les prédateurs puissants.

Pas de profits sur le dos des pauvres.

Il est temps d’en finir avec le business de la misère.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.