La loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée desfemmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillanceet à l’égalité professionnelle vise à réduire un des derniers bastions inexpugnables de l’univers masculin en France, celui des conseils d’administration et de surveillance des sociétés anonymes.
Naissance du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes
Un principe général, d’application immédiate, est posé par le législateur : les conseils d’administration et de surveillance des sociétés anonymes doivent désormais être composés « en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes ».
Ce nouveau principe vaut pour toutes les sociétés anonymes, quelle que soit leur taille, qu’elles soient cotées ou non.
Il faut cependant souligner que pour les « petites » sociétés anonymes non cotées, ce principe n’a aucune force obligatoire ; il s’agit donc, en ce qui les concerne, d’un simple vœu pieux du législateur.
Cela peut laisser songeur.
En effet, on comprend que l’objectif recherché par le législateur consiste à renforcer la présence des femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance des sociétés anonymes qui figurent parmi les derniers vestiges d’une domination professionnelle masculine d’un autre âge.
On ne peut dès lors que regretter que le rééquilibrage souhaité par le législateur soit limité à nos plus grandes sociétés anonymes, alors même qu’il existe en France un nombre encore significatif de petites et moyennes entreprises constituées historiquement sous forme de sociétés anonymes et dont les conseils d’administration continueront probablement d’être à dominante masculine, faute d’obligations législatives et réglementaires rétablissant un équilibre nécessaire entre les hommes et les femmes.
Les sociétés par actions simplifiées – SAS - sont également exclues du dispositif de la loi du 27 janvier 2011, alors même que leur succès ne se dément pas et qu’elles comportent souvent des organes collégiaux, proches des conseils d’administration et de surveillance de sociétés anonymes : là encore, on ne comprend pas pourquoi l’objectif de rééquilibrage entre les hommes et les femmes n’a pas vocation à s’appliquer aux SAS et à leurs organes collégiaux.
Obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance des « grandes » SA
A côté du mécanisme incitatif prévu de manière général pour l’ensemble des sociétés anonymes, le législateur a instauré un système coercitif pour les conseils d’administration des plus « grandes » sociétés anonymes danslesquelles « la proportion des administrateurs de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 % ».
Il est également précisé que « lorsque le conseil d’administration est composé au plus de huit membres, l’écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à deux ».
L’équivalent de ce mécanisme énergique est également instauré pour lesconseils de surveillance de SA.
Cette obligation de respect du seuil de 40 % a vocation à s’appliquer au sein des sociétés cotées et au sein des sociétés non cotées qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen d’au moins cinq cents salariés permanents et présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros.
On peut regretter le choix du seuil minimum de 40 % d’administrateurs ou membres de conseil de surveillance de chaque sexe, plutôt que le choix du seuil symbolique de 50 % : l’exigence d’une parité entre les hommes et lesfemmes au sein des organes collégiaux d’administration et de surveillance desSA aurait été bien plus ambitieuse.
Je reste en effet convaincu pour ma part, contrairement à ce qui a pu être affirmé pendant les débats parlementaires, qu’il était tout à fait réaliste d’atteindreun objectif de parité réelle, aucun argument, en dehors d’une certaine forme de condescendance, ne pouvant justifier, à mon sens, un hypothétique nombre insuffisant de candidatures féminines, compte tenu des évolutions sociologiques et démographiques au sein du monde de l’entreprise.
Enfin, comme chacun le sait, les objectifs ambitieux et volontaristes en termes de « quotas » appellent nécessairement les vocations et les candidatures.
Application dans le temps du nouveau principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes
Le législateur a décidé que si l’un des deux sexes n’était pas représenté au sein d’un conseil d’administration ou de surveillance d’une société, au moins un représentant de ce sexe devait être nommé lors de la plus prochaine assemblée générale ordinaire ayant à statuer sur la nomination d’administrateurs ou de membres du conseil de surveillance.
A titre transitoire et incitatif, il a été prévu pour les sociétés cotées que la proportion des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance de chaque sexe ne pourra être inférieure à 20 % à l’issue de la première assemblée générale ordinaire qui suivra le 1er janvier 2014.
Les sociétés cotées devront être en conformité avec le principe de représentation équilibrée à 40 % dès le 1er janvier 2017.
On peut de ce point de vue déplorer un manque d’ambition caractéristique dans le choix de ce délai de six longues années laissées aux grandes sociétés anonymes pour leur permettre d’atteindre le seuil de 40 % d’administrateurs de chaque sexe, comme si cela relevait d’un exploit en termes d’objectifs !
Stéphane Michel, Avocat au Barreau de Paris