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Billet de blog 1 juillet 2013

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"Le Principe de Hervé Falciani", le siffleur suisse

Hervé Falciani est manifestement le Edward Snowden de la place financière helvétique. Snowden est un « whistleblower » – un lanceur d’alerte; Falciani est un siffleur bancaire qui a dévoilé les pratiques nauséabondes d’une certaine partie de l’économie de la Suisse.

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Hervé Falciani est manifestement le Edward Snowden de la place financière helvétique. Snowden est un « whistleblower » – un lanceur d’alerte; Falciani est un siffleur bancaire qui a dévoilé les pratiques nauséabondes d’une certaine partie de l’économie de la Suisse.

Edward Snowden a dit que lui était insupportable l’idée de ne pas informer les citoyens des pratiques abusives de pouvoir du gouvernement américain sous la forme d’une surveillance massive téléphonique et informatique de la vie privée de tout un chacun.

Hervé Falciani dénonce un systéme massif de défiscalisation illégale conduite sous la direction des plus hauts organes de la banque : « J’ai été témoin d’une industrialisation de la gestion de la relation client et de ses réseaux d’intermédiaires. Non seulement les outils prennent une part importante dans le démarchage, mais évidemment les procédures de contrôle insuffisantes accentuent toute dérive, y compris celle de démarchages bancaire et financier illicites. Si vous n’interdisez pas ne serait-ce que l’utilisation de fichiers Excel partagés dans des cas très précis, vous permettez une comptabilité parallèle. Il n’y a pas besoin d’une grosse technicité, l’absence de contrôle suffit. Vos possibilités sont aussi larges que ce qu’offre l’informatique aujourd’hui : faire passer un ordre de transfert, y compris d’argent non déclaré et provenant d’activités illégales, sans que le client l’ait demandé, devient aussi simple qu’un clic. » (cf. Mediapart du 30 juin 2013 : « Scandale HSBC: Falciani, le témoin-clé, raconte »). Des outils informatiques simples, utilisés à des fins contraires au droit, ont donc permis à des banques, ces chantres de l’éthique, de la morale et de la bienséance, d’organiser des réseaux autorisant des ordres de transferts incluant de l’argent non déclaré (fraudes fiscales à grande échelle) et provenant d’activités illégales (blanchiment d’argent).

La réaction de l’autorité suisse fut strictement analogue à celle de l’administration Obama : demande de commission rogatoire pour permettre à la justice de criminaliser un acte justifié de désobéissance civile. A lire Mediapart, il apparait que le Ministère public de la Confédération a tenté une solution douce envers ce prétendu dangereux criminel : négocier une peine d’emprisonnement assorti d’un sursis. Cette proposition a probablement germé dans un esprit bureaucratique soucieux de sauver les apparences. Personne ne dira que cette pratique est usuelle au sein du Ministère public de la Confédération helvétique ! Mais lorsque la sécurité nationale est menacée, on ose tenter des choses pas très avouables que l’on décide dans l’opacité des bureaux de l’administration.

Les scandales à répétition de l’UBS, du CS, des banques privées, de la Lex USA, ont établi que ces lanceurs d’alerte eussent dû exister il y a de nombreuses années. La Suisse s’en serait bien mieux portée. Mais tous ceux qui montraient du doigt les pratiques nauséabondes des grandes banques et de leurs chefs cravatés (- le port de la cravate n’est un indicateur avéré ni de la moralité, ni de la compétence, ni de la hauteur de pensée de celui qui la porte -) ont été vilipendés, ignorés ou dénigrés. Pourtant aujourd’hui on voit les turpitudes abjectes qui furent celles de Marcel Ospel et de ses serviles larbins ou de ses vils imitateurs.

Les contrôleurs internes, les réviseurs internes, les réviseurs externes, les conseils d’administration, ont montré à travers les années leur peu d’empressement à faire évoluer la machine bancaire.

Au Principe de Snowden, en Suisse, devrait naître le Principe de Falciani, énoncé ainsi : « il m’importe peu que le secret bancaire ne soit pas respecté dès l’instant où un banquier, exerçant son métier d’homme, révèle au grand jour, par l’utilisation de la photocopie, de l’enregistrement ou de la transmission de données informatiques, au public la nature de pratiques illégales à fin d’enrichissement et d’accaparement financier par quelques-uns ». Cette responsabilité sociale n’a pas à être criminalisée dès l’instant où elle révèle, chez ceux qui bénéficient du pouvoir financier, des actes de corruption, d’instigation à fraude fiscale, de blanchiment d’argent, qu’ils voudraient à jamais enterrer pour poursuivre leur route, en cupides invétérés.

Le coup de sifflet de Hervé Falciani à la place financière suisse dit aussi à quel point le monde bancaire, dans son ensemble, a caché au pays des faits d’une gravité avérée. Atteindre ce niveau de corruption organisée et vouloir chercher des noises à un lanceur d’alerte est constitutif d’un déni que les politiques en Suisse ne sauraient accepter.

Dans le même temps, la position politique de la Suisse voulant que des règles internationales communes soient érigées pour l’ensemble de la planète financière devrait recevoir l’assentiment de la communauté européenne, des pays émergents, des états arabes, de l’Asie, et même des Etats-Unis d’Amérique.

A moins de penser que tout n’est que semblant, apparence, frime et désir de jungle dans laquelle brilleraient à jamais les sociétés-écran, les Anstalt à fiducie opaque et les intermédiaires douteux et complices de la grande criminalité économique et politique.

Post Scriptum : les précédents articles de L’1dex (http://1dex.ch/) sur le sujet ont été publiés le 29 juillet 2012 (Les traîtres et le héros – Fragment de justice financière), le 10 mai 2013 (Hervé Falciani, le héros cupide ou le saint victorieux) et le 12 mai 2013 (Hervé Falciani et les miraculés)

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