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Billet de blog 1 septembre 2013

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La Suisse de la finance : le degré presque zéro de la responsabilité

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De quoi aujourd’hui Evelyne Widmer-Schlumpf, la ministre suisse de la finance, est-elle le nom ? Du degré presque zéro de la responsabilité.

10 milliards, à tout le moins, telle est l’amende que devra assumer la banque suisse en guise d’aumône salée envers les Etats-Unis pour éviter une guerre financière chimique déplaisante. Et l’homme politique, tous bords confondus, se tait, sachant que notre ministre des finances n’est responsable de presque rien dans cette indescriptible cacophonie.

La banque suisse se la joue en sourdine, ne communiquant que dans l’espace médiatique du silence le plus assourdissant, sachant que le degré presque zéro de sa responsabilité lui permettra de renaître de ses cendres par la grâce de notre démocratie-modèle si appréciée de par son caractère sûr par les magnats de l’économie mondiale.

L’UBS se tait, trop satisfaite de n’avoir eu à payer qu’une taxe amicale pour elle de 780 millions faisant croire au bas peuple à la nature astronomique de l’ordre de débit. Elle ne sait que trop qu’elle a échappé à la guillotine de la faillite que sa direction et ses actionnaires eussent mérité. Elle est devenue, avec le soutien des politiques, l’emblème du degré zéro de la responsabilité (sans le presque).

Les clients fraudeurs se taisent. Trop nombreux sont parmi eux ceux qui s’en sont allés sans avoir à payer les amendes fiscales légitimes qui eussent dû être les leurs si le sytème fiscal international avait eu dans son vocabulaire les signifiants « coopération internationale » et « justice fiscale ». Ils se félicitent chaque jour que leur responsabilité personnelle ait été dissoute dans une responsabilité qui ne sera jamais celle du citoyen ordinaire.

Les actionnaires de la banque s’agenouillent chaque soir devant leur bénitier argenté et anticipent avec ferveur les prochaines communions que leur proposeront les cadres dirigeants de ces établissements bancaires qui les cajolent avec tant d’attendrissement. La position d’actionnaire est si lâche que chacun d’entre eux peut se persuader chaque matin devant sa glace en toute bonne foi que les erreurs sont toujours celles des autres et que eux-mêmes contribuent par leurs capitaux à permettre le versement de confortables rémunérations aux employés de tout ce secteur composé d’anges et de saints. L’actionnaire irresponsable est une tautologie.

Les cadres n’en veulent pas à Ospel et à ses jumeaux. Que tout ce beau monde puisse se délecter sur des yachts ou dans les casinos mondiaux du paraître et de la suffisance, cela les rassure sur la pérennité de leurs salaires agréables. Ils sont innocents et méritent que le degré presque zéro de la responsabilité de leur ministre suisse des finances se diffuse aussi dans leurs corps et leurs esprits. C’est si bon de se savoir en toute conscience mieux dans son âme que cet exécrable voisin si silencieux.

Les criminels de la fraude fiscale à caractère industriel, créateurs avec d’autres du concept d’optimisation fiscsle, se félicitent de ce brouhaha. Ce capharnaum leur est éminemment profitable. Les juges apeurés les oublient; ils s’ingénient alors à faure croire que leurs actes du passé étaient licites et qu’ils se sont amendés dès où l’autorité leur expliqua qu’il convenait d’être moins gourmands. Et c’est alors qu’ils négocièrent leur nouvelle virginité contre la promesse de ne plus recommencer. Qu’ils s’empresseront d’oublier pour s’enpiffrer avec encore plus de voracité. Dans le fin fond d’un cabinet de toilettes, ils jouiront de l’oncommensurable charité que leur réserve toute la société. C’est si bon d’être saint et irresponsable.

Le citoyen, vous, moi, eux et les autres, sommes muets de ce contentement sans respect envers nous-mêmes qui nous permet d’assumer notre absence de mots. Personne n’est rassuré; on ne sait pas, nos hypothèques pourraient en souffrir; le chômage pourrait, si nous parlions, nous atteindre; l’Europe pourrait nous attaquer; nous pourrions ne plus passer du temps à la mer ou à la montagne. Taisons-nous, la banque nous protège.

Et c’est ainsi que le degré zéro de la responsabilité atteint nos coeurs et nos âmes. Nous nous sentons si proches d’Evelyne Wudmer-Schlumpf, que nous lui pardonnons tous ses péchés. En lui offrant notre absolution infinie, nous nous pardonnons à nous-mêmes.

Et c’est ainsi que la Suisse, de la finance et d’ailleurs, en cela si semblable à chaque humain, d’Amérique, de France ou de l’Emilie-Romane, de Colby dans le Kansas à Torcy-le-Grande en Basse-Normandie, est si proche du degré zéro de la responsabilité.

Tel est le terreau dans lequel s’étend la politique des choses au détriment du sujet humain.

Post Scriptum : on comprend le silence public de Madame Evelyne Widmer-Schlumpf : la Suisse lui demande de se taire, elle lui obéit.

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