Brady Dougan, directeur général du Crédit Suisse, lève sa main droite et jure devant le Sénat américain et John McCain de dire toute la vérité, rien que la vérité. Le spectacle de cirque peut commencer. Oui, certains cadres ont dépassé les bornes, ont franchi toutes les limites et ont commis des actes illicites, largement constitutifs de complicité de fraudes fiscales en cascades. Non, la direction générale ne savait rien. L’eût-elle su, elle aurait pris toutes les mesures visant à arrêter net ces démarchages innommables.
Ainsi 22 milliards de francs ont été placés à l’intérieur du Groupe CS; des permanences étaient organisées à l’intérieur de l’aéroport de Zurich-Kloten et personne n’en savait rien. Les résultats croissaient et personne ne se rendait compte qu’on pillait dans la joie les Etats-Unis d’Amérique pour le plus grand bien de ce mastodonte qu’est le Crédit Suisse.
Toutes proportions bien gardées, ce moment de grâce devant le Sénat américain me fait penser à Hans Wyer, Félix Carruzzo et Aloys Copt, à ces auditions surréalistes en l’affaire BCV-Dorsaz au cours desquelles les plus hauts gradés avançaient qu’ils ne savaient rien des agissements de leur meilleur soldat et représentant à Fully. La presse, L’AGEFI notamment, avait riposté en distribuant en plein Grand Conseil, au Grand-Pont, un journal au titre évocateur : « Tout le monde savait ! »
Brady Dougan n’est pas un rustre, ni un simplet. Il s’avance devant les caméras et le Sénat US avec la ferme volonté de sauver ses blanches fesses, avec le désir de plaire au conseil d’administration et avec la conviction que son prochain bonus sera à la hauteur de sa prestation publiqueà Washington. Un acteur n’est jamais si bon que quand il devine la couleur de la carotte bijoutée qu’on va lui offrir à la fin du show.
Oser dire que la politique du Crédit Suisse n’a jamais été de privilégier un modèle d’affaires fondé sur des avoirs non déclarés et que les hauts dirigeants ne savaient rien
du tout de ces pratiques qui n’auraient concerné qu’une faible minorité d’employés nécessite de longues années d’entraînement avec les meilleurs professeurs de l’Actors’ Studio.
Urs Rohner, président du conseil d’administration, est lui aussi à la hauteur de l’événement : « Nous respectons la loi ».
A Carnaval, chacun le sait, on a le droit de déconner.
Et on ne calcule alors guère le coût des confettis, même sous un masque bien dégueulasse.
http://1dex.ch/2014/03/02/le-credit-suisse-devant-le-senat-americain-une-farce-de-tout-haut-vol/