Bernard Tapie est innocent. Sans le moindre doute. De manière certaine et absolue. Eternellement innocent. Ceux qui lui cherchent noise sont des journalistes jaloux, des magistrats à la botte du pouvoir, des politiques revanchards, des enquêteurs ignorants ou des humoristes sans le sou.
Bernard Tapie est innocent. Un tribunal arbitral lui a accordé en toute sérénité et indépendance un pactole de 403 millions d’euros liés à une escroquerie bancaire dont il a été l’innocente victime. Bernard Tapie est innocent. Il faut le dire. Le faire savoir. Le transmettre. Le commenter. L’avouer. Et bénir cette innocence immaculée. Mediapart, Libé, Le Nouvel Observateur, tous les autres média malodorants, sont des crève-la-faim envieux, mesquins ou, au mieux, farfelus. Bernard Tapie est innocent.
Les conséquences sont alors logiques et limpides : Bernard Tapie a fait l’objet d’une tentative réussie d’escroquerie bancaire; les juges n’ont pas poursuivi les banquiers; l’Etat en parfaite connaissance de cause a validé et légitimé une procédure arbitrale claire; l’Etat en maître de la chose a renoncé à recourir contre la sentence arbitrale; il n’y a jamais eu de bande organisée destinée à escroquer la République française; les juges d’instruction sont des voyous, ne recherchant qu’un gain de notoriété ou des avantages secrets promis à eux par le pouvoir actuel.
Il n’y a donc ni corrompus, ni corrupteurs, ni bénéficiaires de la corruption. Il n’y a que de riches travailleurs oeuvrant dans les services judiciaires qui ont mis toute leur compétence, leur énergie et leur savoir-faire à régler une affaire d’état qui envenime la république depuis vingt ans. Merci à eux tous !
La vérité, en ce bas monde, n’étant que procédurale et parcellaire, je veux bien souffrir d’accepter ce verdict lumineux d’innocence s’agissant de 363 millions d’euros.
Mais reste dans mon esprit la bagatelle de 40 millions d’euros. Le prix de la souffrance morale subie par Bernard Tapie tout au long de ces années. On l’a vu souffrir le martyre pendant toutes ces années, son yacht séquestré, l’OM perdu, ses affaires périclitant, son train de vie se réduisant, sa frimousse d’acteur politique se transformant en belle gueule théâtrale. L’homme a donc souffert et sa souffrance a un prix : 40 millions d’euros. Un jeune homme devenu tétraplégique va bénéficier, si la chance judiciaire est avec lui, de quelque 100’000 euros à titre de réparation morale. En Suisse, cet accidenté de la route, renversé par exemple par un chauffard récidiviste sous le coup d’un excès d’alcool, va pouvoir mériter environ 80’000 francs si la justice n’est pas trop avare. Bernard Tapie, alerte septuagénaire, dont rien dans l’apparence ne fait croire à une dépression majeure insoluble, pour avoir souffert l’insupportable, une sorte de divine relégation politique, a donc mérité 4’000’000 Euros.
Et tous ces innocents, le Président de la République d’antan, la Ministre Lagarde, son Chef de Cabinet, ses collaborateurs émérites, les avocats du consortium, les arbitres et tous les autres petits malfrats inconnus de ce jackpol scandaleux, Bernard Tapie lui-même, voudraient nous faire croire que cette obole, que ce petit pourboire, que ce mesquin remerciement pour avoir souffert au-delà du supportable, ne serait pas la démonstration éternelle de l’indicible corruption réalisée aux dépens de l’ensemble de l’Etat français.
On voudrait nous faire croire que cette inqualifiable réparation morale n’entrerait pas à jamais dans le champ de l’immoralité absolue, du dévoiement total du droit et de l’escroquerie avérée commise en bande organisée par toutes ces canailles.
L’instruction n’est plus à faire. Il y a aujourd’hui simplement à renvoyer en correctionnelle l’ensemble de ces garnements qui voudront alors expliquer aux citoyens en quoi et comment cette bourse de 40’000’000 Euros ne serait en elle-même pas la cause nécessaire de leur long, mérité et prochain emprisonnement.
Post Scriptum : pour quelle raison, douce mère, M. Pujadas, sur France Télévisions, n’a posé aucune question sur ce tort moral faramineux ? Qu’on voudrait à moyen terme enterrer ce dossier qu'on ne s’y prendrait pas autrement.