Le doute n’est pas permis : la France a bénéficié de l’insondable mansuétude des arbitres. Arsène Wenger, Pierre Menez, Lizarazu, Youri Djorkaeff, Luis Fernandez et les éminents spécialistes du ballon rond de l’Hexagone n’aiment pas en parler. Au fond d’eux, ils doivent penser que toutes les erreurs d’arbitrage qui bénéficient à la France ne compenseront jamais l’agression inqualifiable dont a été victime Battiston dans le choc de Séville en 1982 face au boucher Harald Schumacher. Mais n’a-t-on pas atteint le stade du trop plein ?
Blaise Matuidi est certainement un gentil garçon, poli avec sa mère, bien éduqué, souriant avec ses amis, agréable en société, sachant reconnaître parfois ses torts, n’hésitant pas à offrir son pardon lorsqu’il a fauté, généreux avec ceux qu’il apprécie. Un tout bon gars. Pour être franc, je pense la même chose de Luis Suarez, bon père et à la classe supérieure. Cela posé, personne ne dira que mordre l’épaule, appétissante ou non, d’un Italien est un acte chevaleresque. Mais on m’accordera que briser la cheville d’un Nigérien, fut-il Onazi, n’est pas un acte fasciste, mais un geste d’une violence évidente qui méritait un carton rouge sans la moindre hésitation. Et, sans la moindre hésitation, l’arbitre a distribué du jaune. La FIFA, elle, bien plus compatissante avec une cheville qu’avec une épaule, a choisi de fusiller sur la place publique Luis Suarez et d’acquitter le brave Blaise Matuidi. On imagine du Valais, pays du bon vin, ce qu’eût été la réaction de la France, pays où l’on produit aussi de la piquette, dans l’hypothèse où Blaise Matuidi, Mamadou Sakho, Olivier Giroud et Patrice Evra eussent été justement punis ! (La faute commise par Evra sur corner sur un attaquant nigérian avait sans le moindre doute possible le poids d’un pénalty que l’arbitre, qui a vu l’accrochage, a choisi de ne pas siffler : la face du match en eût été changée).
La France du beau jeu joue des coudes, triche dans la surface de réparation, lève son pied dans l’oeil de la Suisse, fracasse une cheville et plaide sans le savoir en faveur de la clémence dont elle doit bénéficier en souvenir du passé et du beau jeu.
La France de Didier Deschamps, c’est un concentré de Stiles et de Moraes, de Gentile et de Pepe, de coups de coudes et de tacles tordus, de triche et de hauts-le-coeur.
Paroles de mauvais perdant ? Non, paroles de Suisse à la semelle lucide et bien sentie !