(Par JACQUES KÜHNI)
Les Français appellent cataclysme les 25% du Front National. Nous sommes des coutumiers des 25% de notre extrême centre très à droite. Notre ministre cantonal de la police dans les écoles a cassé la baraque des scores électoraux du vieux pays. Mais il est incontestable qu’ici l’électroencéphalogramme idéologique est assez plat ; le discours et les idées sont les ennemis immémoriaux de nos pratiques sociales. Le maillage très serré des territoires et des têtes par les autorités catholiques n’a jamais été une plaisanterie, et ça inhibe passablement les écarts de vie.
Nous ne sommes pas irrémédiablement des crétins des Alpes, mais les chemins de la connaissance et des changements sociaux ne sont pas nos sentiers préférés. Bien sûr, nous avons aussi nos minoritaires héroïques ; ils ne sont pas systématiquement incinérés parce qu’ils nous permettent d’être touristiquement fréquentables. L’exotisme des arriérés d’un canton pré-primitif pose des barrières au marketing de nos monts et de nos vins. Pour le pinard, nous venons de fracasser quelques acquis en filant du fendant pour du Saint-Saph aux Suisses allemands. Des milliers de messes en latin ne suffiront pas à réparer le dommage.
Il nous sera bien difficile d’arracher quelques parchets de vignes pour en faire des résidences secondaires, parce que ça, on veut nous en empêcher aussi. Quelques-uns ont pensé nous fabriquer une république pour nous tout seuls, mais nous aimons vraiment bien traire la vache confédérale. D’ailleurs, je crois que si nous restions entre nous, la vie d’ici serait tout simplement invivable. Confédérés et étrangers, je vous en supplie, ne nous abandonnez pas !
Nos banalités racistes sont, comme ailleurs, travesties en préoccupations identitaires. Nous ne savons pas plus que les Français frontistes de quoi est faite cette super identité, mais nous savons, comme eux, comment sont foutus les « pas comme nous » : ils bâtissent des minarets, leurs filles sont voilées et ils traversent la méditerranée sur des rafiots. Nos familles sont faites sur le modèle traditionnel, un papa, une maman et deux enfants. Nous ne laisserons pas les homosexuels se reproduire et détruire notre belle civilisation. Nous luttons perpétuellement et violemment contre les envahissements, nous gardons nos frontières et expulsons avec constance et application. En fait notre vie politique frise l’inertie et demain n’existe pas pour de vrai, c’est le prix modéré d’une vie calme. Nos clans sont un peu usés et, comme citoyens, nous ne valons pas tripette, mais cela nous rend très proches des nations voisines. Comme tout le monde, nous chantons les vertus de la démocratie et nous en bafouons les règles les plus élémentaires.
Pour tous nos péchés, nous allons prendre six semaines de foot, sans sursis possible.
Références : http://1dex.ch/2014/06/02/les-toujours-deja/