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Billet de blog 4 juin 2013

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La Suisse, l'Irak de l'Europe

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il ne faut pas se leurrer, les Etats-Unis d’Amérique ont déclaré la guerre à la Suisse. Une guerre économique, fiscale et bancaire. Une guerre sans merci. Une guerre à la place financière. Une guerre entre rapaces, entre voraces, entre dégueulasses. Une guerre qui affectera chacun d’entre nous. Une guerre sanglante, dévorante et fracassante.

Les escarmouches d’il y a pas longtemps, on les connaît : 780 millions de dollars à la charge de l’UBS pour éviter que le fisc américain ne continue ses poursuites contre nos banksters les plus pourris; tout ça ne représentait, semble-t-il, qu’un petit pécule : 4 % du total des prétendus fonds défiscalisés. Puis survint l’immonde Wegellin : 8 %, le double en gros de la taxe prélevée à l’UBS. Ces étincelles, vues du citoyen, relevaient de l’acceptable. Ces crapules de la haute finance, cupides et avides jusqu’au trognon, méritaient bien quelques missiles ciblés. On n’allait tout de même pas épargner ces dévergondés de la finance mafieuse. Et pan dans les gencives ! Quelques-uns ont souffert, mais pas trop; les poussières d’obus n’ont pas atteint les chapelles cantonales.

Aujourd’hui l’Amérique envisage des attaques chimiques massives contre la Suisse : violences procédurales contre certaines banques, cessations d’activités dans les trafics internationaux de paiements, utilisation massive d’agents infiltrés, propagation illégale de virus financiers cancérigènes, etc.

Et la Suisse est sommée de hisser le drapeau blanc. Sans conditions. Sans connaître le coût de cette humiliante reddition. La guerre, on le sait, bafoue le droit, la loi et la morale. Les immoraux se gavent pendant les guerres (prions pour cette canaille de Brad Birkenfeld); les collabos se font sournois et retors (quelques contribuables américains sauvent leurs fesses en assassinant quelques banques cantonales); et les résistants sont si peu nombreux qu’on n’ose pas même imaginer qui pourrait être notre Jean Moulin). La guerre, c’est une saloperie qui n’est pas sans lien, lit-on dans les manuels d’histoire, avec l’honneur. Mais, le fric envahissant la raison, l’honneur du pays peut être calciné, le droit foulé aux pieds et la morale déchiquetée.

Et tous ces banquiers parcourent notre pays pour convaincre nos parlementaires de s’aligner, les fesses serrées, en regardant droit dans les yeux nos amis ricains. Souris à l’Oncle Sam, danse avec Barack ou Michelle, prie pour les Twins Towers, bénis le Madison Square Garden, promène-toi dans le Grand Canyon, aime le Golden Gate Bridge et frémis à God Bless America. America is so beautiful.

Colby, Kansas. J’y ai passé une année à mon adolescence. Au coeur de l’Amérique puritaine. Dans l’âme même de cette amérique du maïs, du bowling et de l’inculture. J’apprends que jamais plus je ne reverrai New York. Pensez donc, un avocat suisse, notaire de surcroît, baragouinant quelques mots de leur argot, faisant le Grand Huit à Disney Land, voilà un espion à menotter, sous les feux de la rampe, et à accompagner devant les micros de CNN à titre d’image de la lutte intérieure contre le terrorisme de l’étranger. No risk isn’it ?

Le basketball résout l’énigme de ce chaos : « It is money time ». Et nous on a offert la balle de match à Evelyne Widmer-Schlumpf : Coach K sait alors que le match est gagné; le possesseur du cuir a glissé lamentablement sur une peau de banane jetée sur le parquet, les arbitres n’ont rien vu et l’Amérique va scorer un « easy lay up ».

« It’s money time » et nos coffres-forts seront dépouillés. La Suisse va offrir aux USA les clefs, la combinaison et les sacs poubelle pour le transport des biftons. « It’s money time » et Al Capone a sombré par la grâce du racket fiscal commis par l’Etat. Venant de Chicago, Obama connaît ses classiques. « It’s money time » et le successeur de George W. Bush a besoin de sa guerre. Bagdad Café c’était pas sa tasse de thé; Kaboul c’était pas Manhattan Island; ce sera donc la Bahnofstrasse, car Wall Street était à ses yeux too big to fail. « It’s money time » et la tire-lire se remplit : de petits lingots, de dollars et de douloureuse compassion. « It’s money time »  : God bless America.

Post Scriptum : y a une pléïade d’articles en série, donc sérieux, à rédiger sur le sujet. Vais-je m’y coller alors même que déjâ le Parlement fédéral s’aplaventrit, presque avec indifférence et le sourire à la commissure des lèvres ?

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