STEPHANE RIAND (avatar)

STEPHANE RIAND

Avocat; rédacteur à L'1dex (www.1dex.ch);

Abonné·e de Mediapart

496 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 octobre 2013

STEPHANE RIAND (avatar)

STEPHANE RIAND

Avocat; rédacteur à L'1dex (www.1dex.ch);

Abonné·e de Mediapart

La Passion selon Cantat

STEPHANE RIAND (avatar)

STEPHANE RIAND

Avocat; rédacteur à L'1dex (www.1dex.ch);

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(Par Béatrice Riand)

« On ne renonce pas, on essaie de regarder droit dans le soleil ».

Elle s’inscrit dans ce texte, sa fragilité narcissique … il choisit le soleil pour seul horizon, lui qui a condamné par deux fois ses femmes aux ténèbres.

« On ne se console pas, on essaie de regarder droit dans le soleil ».

Il souffre, et le dit. Le répète : « L’Enfer est mien ». Mais souffre-t-il pour elles ? Souffre-t-il pour les six orphelins que sa violence a privés du premier soutien ?

Il est artiste, il le dit aussi. Il est en scène, se met en scène, colore la scène du sang maudit de ses colères, de ses excès.

« On t’avait bien dit que tout se paie, regarde bien droit dans le soleil ».

Ici, le soleil le baigne de sa lumière, il  ne s’en détournera pas, quoi qu’il advienne, quoi qu’il se dise.  Il est artiste. D’abord artiste.

Depuis 1986, depuis le sinistre présage. Depuis Noir Désir … James Joyce, si seulement tu savais.

« Tourne, tourne la terre, tout se dissout dans la lumière.

L’acier et les ombres marchent à tes côtés ».

Tourne, tourne la tête … toi, la fausse  « sentinelle  au milieu de la plaine », tourne la tête … Marie, seule, agonisera toute la nuit. Kristina, seule,  se pendra.

« Ses lèvres avaient un goût de miel, on regardait droit dans le soleil ».

C’est la Passion selon Cantat, les « corps qui s’émerveillent » … et dix-neuf coups portés à Marie. Et les dents que perd Kristina, quand elle pense encore échapper au pire.

« On ne sait plus comment ça s’épelle, regarder droit dans le soleil ».

Quand les vieux démons s’en mêlent, « les mots retombent à l’envers ». Et lui, l’artiste, se sent alors « assiégé », alors qu’il les perd. Alors que lui  les tue.

Juillet 2003, Vilnus, mort de Marie Trintignan, mère de quatre enfants.

Janvier 2010, mort par pendaison de Kristina Rady, mère de deux enfants. De ses deux enfants, à lui, l’artiste.

La même année, mort de Noir Désir, en raison de « désaccords émotionnels, humains et musicaux ».

La mort en premier, la musique bien après. Ils connaissaient Kristina, la force de son amour pour cet homme qui l’a dévastée, et sa peur. Cette peur immense qui l’habitait en permanence … elle qui la confie à un répondeur téléphonique, pour qu’il en reste une preuve … « Bertrand est fou » … « c’est intenable, les enfants n’en peuvent plus » … « Avec un peu de chance, si j’en ai la force et qu’il n’est pas trop tard, je déménagerai dans un autre pays et je disparaîtrai simplement, car je dois disparaître ».

C’est fait, elle a disparu, balayée par la violence de cet homme.

Il est toujours artiste, et il veut vendre un disque. Monter sur scène, ce « fauve ».

Et marcher sur des cadavres.

Je n’irai pas voir un film de Roman Polansky.

Et malgré la beauté de cette mélopée, je n’écouterai pas la cantate macabre de cet artiste. Parce que c’est à elles que je pense, à elles et au silence perpétuel de leur cimetière.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.