Astreindre Mediapart à verser « 752 millions d’Euros par mois » dans l’hypothèse où ce journal du Web refuserait de retirer l’intégralité de ses articles et documents liés au dossier Bettencourt est simplement un assassinat du droit de la presse à informer, à rendre compte et à communiquer des éléments de faits décisifs pour un bon fonctionnement de la démocratie.
Qui veut donc assassiner Mediapart ?
Il y a d’abord trois magistrats. Ils se nomment Marie-Gabrielle Magueur, président, Annie Vaissette, conseiller, Dominique Ponsot, conseiller, et siègent à Versailles, à la première chambre de la cour d’appel. A l’évidence, ce sont des formalistes, conservateurs, inertes, soucieux d’une société qui ne bougent pas, de serviles représentants d’une classe économique qui exige le silence sur les crimes économiques décidés dans les salons de la haute bourgeoisie. La qualité médiocre - très médiocre - de cette décision de principe qui peut faire vaciller l’ensemble du 4ème pouvoir qui est celui de la presse libre me fait croire à une qualité intellectuelle de ces personnes fort limitée.
Mais de qui donc aussi ces magistrats sont-ils les noms ? Qui sont les acteurs qui sourient de satisfaction à ce prononcé digne du régime le plus totalitaire ?
En arrière-plan de ce jugement arbitraire et annonciateur d’une censure exécrable, on devine le plaisir ressenti par tous ceux qui ont été critiqués, après une approche documentée par Mediapart. Cahuzac, Tapie, Sarkozy et leurs frères de sang ne vont pas envoyer des fleurs à Marie-Gabrielle, Annie et Dominique, mais ils en rêveront ces nuits prochaines.
Tous les possédants qui ont fait route vers l’étranger avec leur argent à défiscaliser savent que Mediapart n’est pas de leur camp. Et ces riches fortunes fraudant le fisc dans le collimateur de la presse libre, qui croit à un Etat de droit et à l’égalité entre les citoyens, ne peuvent qu’applaudir à ce coup assassin porté à l’un de leurs ennemis.
L’autre presse, celle qui ne révèle jamais rien, celle qui fait les yeux doux aux gens de pouvoir, les serviles de la pensée inféconde, celle qui a peur de tout changement, celle qui va lécher dans la gamelle des gros annonceurs et leur plaire par des articles publicitaires, celle qui est jalouse du succès de Edwy Plenel et de ses camarades, toute cette presse se tait, croyant que Mediapart a bien mérité ce qui lui arrive.
Les politiques claniques, les députés fricotant sans scrupule avec la haute administration et la finance, les ministres magouillant, les prévaricateurs de tous bords, tous ceux-là savent que la mort de Mediapart leur offrira de plus grands espaces de jeu. Ils en salivent déjà.
Les capitalistes impénitents, les profiteurs dégoulinant de leur cupidité, les féroces des marchés crapuleux, les opaques et les obscurs, les canailles et leurs prébendiers, tout ce beau monde va se taire et boire ce soir ou demain à la défaite de ceux qui croient en une certaine rectitude.
La justice formelle, empreinte de petitesse, inintelligente, faussement lettrée, perdue dans des bureaux administratifs, éloignée du réel de la vie, croyant à la hauteur doctrinale de sa position, emmaillotée dans les rêts de l’insuffisance de sa pensée, cette justice-là se voit déjà fonctionner avec plus d’arbitraire, moins d’équité, plus de grossièretés formelles, moins d’action réelle. Cette justice-là, fermée en elle-même, suintant de sa putritude, cette justice-là se croit étincelante, gagnante et powerpuissante. Elle n’est que résidu d’une décadence frileusement amère.
Que tous ceux qui croient au droit de savoir, aux vertus d’une information libre, cohérente et documentée, à la transparence de la vie publique, se lèvent contre ce pouvoir judiciaire assassin de la presse sous le couvert d’une fausse protection de l’intimité des citoyens.
L’assassinat de Mediapart, c’est un peu notre mort à tous. Se taire devient un crime.
Post Scriptum : Voici les principaux articles apportant un autre éclairage succinct sur la question :
http://www.rue89.com/2013/07/05/deux-decisions-severes-sarkozy-plenel-meme-combat-243980
http://www.rue89.com/2013/07/04/affaire-bettencourt-cour-dappel-versailles-impose-censure-243973