On n’y échappe pas, sur les réseaux sociaux, au bistrot, sur les trottoirs, sur les blogs, dans les esprits des plus brillants, dans les têtes des plus niais, au café du coin et même sur les bancs d’églises : la FIFA est une organisation quasi mafieuse, s’entremêlant dans des histoires de fric à n’en plus finir et se révèle être la pire organisation capitaliste du moment. Comment donc oser regarder la Coupe du monde au Brésil en cet été 2014 et se prétendre de gauche ?
Dans cette question éminemment logico-loufoque réside à l’évidence l’origine du démantèlement de la gauche dans le monde d’ici et d’ailleurs. En effet, les gens n’aimant guère être pris en flagrante contradiction vont donc préférer voter à droite et regarder du football dans la nuit. Ils démontreraient ainsi leur parfaite intelligence et éviteraient de répondre à l’interrogation de l’oxymoron : être de gauche et assumer son plaisir du football même professionnel.
Ces grands penseurs fuient ainsi leur petitesse humaine, croyant que le boycott des désirs est la solution pour réprimer le dévergondage du capitalisme. Surtout ne pas s’abîmer l’âme dans ces joutes extravagantes et persévérer sur le chemin de la justice sociale bannie par le football professionnel.
Culpabilisons autrui et voilà le pécheur qui deviendrait un vrai citoyen en quittant Maracaña pour les œuvres de Marx ou de Gandhi. De Lacan même qui sait !
Si je suis Michel Caillat, sociologue du sport, je suis Daniel Cohn-Bendit qui dit : « Je sais que vous avez raison, mais laissez-moi tranquille ! ». Non, il ne faut pas laisser les gens trop tranquilles. il faut agiter leurs esprits et leur dire que parfois c’est pas trop mal de se faire un peu de bien.
Etre de gauche, ce n ‘est peut-être pas refuser d’acheter des produits Nestlé, refuser de se rendre à Montreux ou à Nyon pour un concert, refuser de passer une journée de ski à Verbier parmi les multimillionnaires, refuser de prendre un sucre d’abricotine distillé chez MORAND, refuser une pièce de théâtre dans une grande salle parisienne, refuser de croquer dans un McDo pour lutter contre le gigantisme de la bouffe, refuser d’aller dans un musée d’une fondation privée à St-Paul-de-Vence ou à Martigny, refuser de prendre easyjet pour se rendre à Amsterdam, refuser même de visiter la Basilique St-Pierre en vrai païen ou, suprême immoralité, refuser de regarder le match d’ouverture Brésil – Croatie dans un hôtel à Bruxelles.
L’homme, vous, nous, toi, moi, eux et elles, sommes des oxymorons. Nous le serons jusqu’à notre dernier souffle. Michel Caillat lui-même l’est. Et, ultime affirmation, Laure Coutaz Bressoud l’est aussi.
Et si Wings ou Tonton Julius ne l’ont pas compris : L’1dex est un oxymoron critique et libertaire.
Et je l’avoue sans honte excessive : j’aimerais bien être au Brésil avec Cohn-Bendit pour lui expliquer quelques subtilités de ce jeu qu’il apprécie autant que moi : lui privilégierait la droite du terrain, moi le côté gauche.