Le service de communication de la Banque cantonale du Valais (BCVs) ne vous le dira pas mais le doute n’est plus permis : les cadres financiers de la Place des Cèdres ne se rendront pas en vacances d’été cette année à Orlando, San Diego ou San Antonio. On ne sait jamais : le temps est au chaud et mieux vaut ne pas être happé dans un hall d’aéroport par la police des Etats-Unis.
Et pourtant on le sait, les Américains ne sont pas en Valais. Il n’y a guère de cow-boys ni d’Indiens de Milwaukee ou de L.A. à Veysonnaz ou dans le Lötschenthal. Il n’y a donc pas d’évadés fiscaux, gigolos ou clodos, des USA, chez nous. Les banquiers pourraient alors songer à visiter cet été l’Ohio ou le Kansas. Mais, en sages camarades de leurs cousins de Bâle ou de Zürich, ils s’en abstiendront. On peut appeler cela la solidarité confédérale. Une sorte de péréquation au sein de l’agora financière.
N’essayez pas d’obtenir une interview sérieuse des hauts cadres de la BCVs, un entretien sérieux s’entend, la réponse ne variera pas : « pas possible ». J’ai essayé et j’ai échoué. Ce joli monde aseptisé a finalement raison : laissons le soin à Pictet & Compagnies venir jouer aux bouffons à la télévision ou dans les assemblées de partisans. Nous, ici, en Valais, on sait être sérieux et silencieux. Mais pourquoi ce silence studieux ? On vous répondra en sirotant un Diolly Noir : « C’est pas possible car un processus législatif est en cours ». A elle seule, une telle réponse devrait susciter un tollé magistral au sein d’une vraie démocratie. N’est-ce pas en effet dans les périodes d’intense activité législative qu’il conviendrait d’échanger arguments et contrepètreries dans l’idée de parvenir à la meilleure des lois possible ? Et c’est précisément alors qu’on nous dit, que la banque valaisanne nous dit, que la banque suisse nous dit, que le Conseil fédéral nous dit, que le silence est d’or car les Chambres fédérales réfléchissent à l’urgence d’une loi. La démocratie se meurt au moment même où elle devrait être la plus efficiente.
Le banquier valaisan n’étant pas moins muet ni moins bavard que ses compères de la Bahnofstrasse ou du Quai des Berges, il sait utiliser l’arme inoffensive de la communication sans contenu, répétée à satiété à l’apéritif : « notre communication doit être laconique »; « la BCVs n’a pas d’activité aux Etats-Unis »; « nous ne faisons pas de démarchages de clients américains »; « la BCVs respecte le droit suisse »; « notre activité est en Valais ». A elles seules, ces quelques phrases mériteraient des chapitres entiers de dépucelage littéraire. Mais il semblerait qu’il serait de bon aloi de demeurer encore prudent dans les explications : en effet, le processus législatif est en cours, mieux vaut donc attendre le résultat des courses.
Nos neuf parlementaires fédéraux, de Mathias Reynard à Oskar Freysinger, de la gauche de Savièse à la droite de Saint-Germain, ne pourront donc pas savoir les conséquences fâcheuses ou non pour la BCVs des agissements d’escrocs commis par d’autres outre-Atlantique. Ces questions n’étaient pas sans intérêt :
- Combien de clients américains ont un compte ouvert en Valais ?
- Pour quels montants ?
- S’agit-il de sommes défiscalisées ?
- Qui – nommément – les a introduits au sein de la banque ?
- Quand ?
- Quelles mesures de vérification ont été prises par la BCVs ?
- La banque va-t-elle dans le cadre du concordat intercantonal être amenée à participer à un fonds d’indemnisation en faveur des USA ?
- Les cadres de la BCVs ont-ils été rendus attentifs aux risques liés à un voyage d’agrément à Seattle ou aux chutes du Niagara ?
Je vous l’accorde, le printemps surgit à l’aube de l’été, il y a bien d’autres chats à fouetter qu’à s’agiter de crainte que notre démocratie ne fonctionne vraiment.
Et puis, et surtout : le secret bancaire en Suisse n’est pas encire aboli. Sait-on jamais, le Ministère public à la Rue des Vergers pourrait soudainement se mettre à travailler dans le champ de la criminalité économique. La vraie s’entend, celle de Al Capone, de la nomenklatura russe et de la mafia calabraise, celle qui jamais ne voudrait paître dans nos vertes et immaculées prairies.
Personnellement je n’exclus rien pour cette fin juin : même pas d’admirer une fois encore le Golden Gate Bridge à San Francisco. Je ne proposerai pas à mes amis banquiers de m’y accompagner : ils doivent économiser.