Le monde du football, pour quiconque s’y est un peu frotté, est un espace dans lequel s’agitent les véreux, plus ou moins sympathiques, plus ou moins gourmands, les blanchisseurs d’un argent d’une pureté immaculée, les requins avides de commissions insolites, quelques filous à la petite semaine, deux ou trois idéalistes autistes, pas mal de stars sur le déclin, des dirigeants en col blanc et mocassins dorés.
Et puis il y a aussi, apprend-on cette semaine en lisant Le Monde (et d’autres médias plus proches du football), deux petits rigolos : Frédéric Thiriez, président de la ligue de football professionnel française et Florentino Perez, le président du Real Madrid.
Le premier, sous un air de sérieux avisé, en sa qualité de capitaine du football professionnel en France, affirme que le championnat souffre d’une « distorsion de la concurrence ». Le motif : Monaco paierait 50 millions d’impôts en moins de par le seul statut fiscal de ses joueurs les plus fortunés aux revenus indécents. C’est pas beau ça, un dirigeant du sport le plus vertueux de la planète qui s’échine à vouloir un espace d’égalité fiscale entre des concurrents tous plus charmants les uns que les autres. Et le bougre a le sentiment de lutter pour une cause juste. Très bientôt il dirigera la Fédération des Libraires Français et s’attaquera à la fiscalité d’Amazon. Et, en chantre du libéralisme sportif, Frédéric Thiriez ne voudra naturellement pas que ce principe d’égalité sportive s’étende à la question d’un budget maximal imposé à chaque équipe. Non, faut pas pousser l’égalité jusqu’à ce point. C’est plus simple de fonder son discours sur les « distorsions fiscales » monégasques. Qui sait, peut-être un jour, le président de la Ligue de football professionnel voudra-t-il connaître la feuille d’impôt de Dmitri Rybolovlev (AS Monaco) et celle du cheikh Hamad Al-Thani (PSG) pour qu’il puisse déterminer s’ils sont soumis au même taux d’imposition général que celui de Jean-Michel Aulas (Olympique Lyonnais). Frédéric Thiriez peut songer à un one-man show. Il fera rire tout Paris.
Mais le pompon de la chose, on doit l’offrir sur un plateau d’argent, avec une raclette valaisanne et deux cornichons, au président du Real Madrid. Florentino Perez a osé et a dénoncé dans les colonnes du quotidien colombien Gol Caracol « une forme de concurrence déloyale », faisant allusion à l’opulence parisiano-monégasque. L’Espagnol (qui n’aime pas le Catalan, qui le lui rend bien) avait montré la voie de l’indécence abyssale en engageant Zidane, Luis Figo (volé au Barça), Beckham, d’autres encore, pour des sommes « galactiques ». Et aujourd’hui encore, – sans l’aide des Colombiens, mais avec de l’argent castillan dont le pays n’a pas besoin, Florentino Perez a fait une offre aux Spurs de Tottenham pour engager Gareth Bale pour une somme de plus de 100 millions d’euros. Real Madrid, sauvé à plusieurs reprises par la royauté, ose s’époumoner et exiger le respect d’une concurrence loyale dans le sport le plus déloyal de l’univers des sports. Florentino Perez est vraiment le plus comique des opulents et le plus éthique parmi toutes les victimes de l’injustice du sport.
Avec Thiriez et Perez, la « tarte à la crème » de l’inégalité entre clubs (cf. Le Monde du 8 août 2013, 9h30, p. 8) se transforme en un savoureux Mitis, l’Yqem de chez nous).
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