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Billet de blog 10 juin 2022

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Blatter - Platini. On appelle ça un juge fédéral ?

Affaires FIFA, le procès Blatter-Platini. Un peu de clarté dans une vraie gabegie. Et cette question que d'aucuns trouvent étonnante : Michel Platini ne mérite-t-il pas aujourd'hui un acquittement ? Pas sûr que Gianni Infantino souhaite un tel dénouement.

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Illustration 1

Après les auditions réussies de Sepp Blatter et de Michel Platini, ce fut le tour hier après-midi de celle d’Olivier Thormann, l’ancien procureur de la confédération, le subordonné de Michael Lauber, devenu par la grâce des dieux de l’Olympe président de la cour d’appel pénale du tribunal fédéral à Bellinzone.

Rémi Dupré, dans son article du 9 juin 2022, publié sur le site du journal Le Monde à 21 heures 32, a traité cette audition en deux paragraphes succincts que les lecteurs de L’1Dex, particulièrement ceux qui maîtrisent la chronologie, liront avec une certaine délectation :

« L’atmosphère s’est alourdie lorsque l’ex-procureur et actuel président de la cour d’appel du TPF, Olivier Thormann, a été interrogé comme témoin sur les circonstances dans lesquelles il a ouvert l’enquête sur ce paiement de 2011. Sous procédure pénale depuis le 6 juin dans le cadre de l’enquête qui vise M. Infantino, M. Thormann a expliqué que c’est un proche de M. Blatter, l’ex-directeur financier Markus Kattner, qui lui « a donné l’information » sur ce versement à M. Platini, le 27 mai 2015, lors d’une saisie de données électroniques placées sous scellés au siège de la FIFA, à Zurich.

M. Kattner lui aurait donné une « liste » des paiements faits aux membres du comité exécutif en 2010. « Il m’a dit qu’il y avait là un paiement qui nécessitait une explication particulière, qui attirait l’attention par rapport aux autres », a déclaré le magistrat, qui n’a pas consigné cet échange sur procès-verbal dans le dossier pénal. Entendu le 25 septembre 2015 comme témoin, M. Kattner s’était vu assurer par M. Thormann que ce « statut exclut une inculpation dans l’avenir. » ».

Les spécialistes du droit pénal s’arracheront les paupières et s’exclameront à l’insu de leur plein gré : « Bordel, c’est ça un juge fédéral ! ». Et on les comprend.

Tout étudiant en première année de droit procédural pénal sait qu’un justiciable peut être entendu au début d’une procédure pénale soit en qualité de prévenu, soit en qualité de tiers destiné à fournir des renseignements, soit en qualité de témoin. Et alors, on se demande bien quelle mouche a pu piquer Olivier Thormann pour décider d’entendre Markus Kattner en qualité de témoin ! C’est proprement incroyable. Voilà le directeur financier de la FIFA qui explique au conseiller de Michel Platini, sieur Turrian, comment il convient de rédiger la « facture », qui dirige le service qui opère le paiement en faveur de l’enfant de Joeuf et qui ne parvient pas même à se dire que le statut de témoin n’est pas le bon du tout, qu’il faut à tout le moins réserver une éventuelle future inculpation. Car l’extraordinaire de la chose dans ce procès pénal, c’est bel et bien le fait que le dénommé Markus Kattner ne soit pas aux côtés de Blatter sur le banc des accusés à Bellinzone. Le ministère public de la confédération a vraiment tout foiré dans ce dossier FIFA, démontrant une manifeste indigence de compétence qui, vu par un autre bout de la lorgnette, fait peur. On comprend comment tant d’oligarques russes ou arabes ont pu échapper aux griffes de procureurs de cette qualité.

Et que dire du fait qu’il n’existe aucun procès-verbal mentionnant de manière précise les circonstances ayant permis au procureur d’entrer en possession de cette belle facture.

La qualité de la justice fédérale atteint à mon avis son apogée au moment précis où aucun des juges de Bellinzone n’a interrogé Blatter ou/et Kattner sur le fait que le montant de 2’000’000 francs pouvait correspondre à une créance prescrite. Il faut ici rappeler pour les nouveaux lecteurs que les créances résultant d’un contrat de travail ou d’un contrat de mandat (prestataire de services) se prescrivent pas cinq ans. Alors, dites-nous, Messieurs Blatter et Kattner, pour quelle raison avez-vous payé Monsieur Michel Platini, alors que toutes les prétentions étaient prescrites ?

On voit ici la grande différence, essentielle de mon point de vue, entre les positions de Blatter et de Platini. Le premier, en sa qualité de prétendu débiteur, devait protéger les intérêts de la FIFA; le second, en sa qualité de présumé créancier, était en droit de tenter d’encaisser une créance prescrite. Mais il semblerait que ces particularités du droit helvétique soient – volontairement ? – ignorées par tous les participants au procès pénal.

La justice, en Helvétie et ailleurs, appartenant au champ du casino, on peut comprendre les raisons pour lesquelles les parties ne veulent pas être trop précises dans leurs expressions. Mais ce qui appartient à l’incompréhensible réside dans l’absence de réactivité du tribunal ou du procureur Thomas Hildbrand. Ils se sont tus quant à cet aspect du dossier.

Quant à Olivier Thormann, il pourrait devenir dans un avenir proche l’un des prochains héros de la saga Infantino.

A condition naturellement que le parquet veuille réellement instruire la plainte déposée pour trafics d’influence à l’encontre de Gianni Infantio et de Marco Villiger [1], présumés naturellement innocents, ce qui n’a pas empêché Michel Platini de ne pas répondre aux questions de l’avocat de la FIFA puisque son président est prévenu dans un dossier peut-être bouillant.

Un dernier mot pour mettre en exergue ce moment de pure magie judiciaire où en difficulté face à une question embarrassante, portant sur l’écart entre les sommes dues et les sommes versées (au détriment de Platini !), Sepp le Viégeois eut cette réponse stratosphérique : « C’est là tout le mystère de la chose ».

Ce mystère doit impliquer dans un état de droit vaillant respectant le principe du doute raisonnable l’acquittement de Michel Platini.

C’est tout le mal que l’on peut souhaiter à celui qui a su marquer de si beaux coups-francs.

Bonjour aux artistes de la Panenka !

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Les précédents épisodes :

Pourquoi Michel Platini doit être acquitté

Ces petites choses sans importance

Dans le grand bain de la déontologie et de la langue allemande

Voici venu le temps des interprétations

La Tour de Babel, la place des langues

Le papy flingueur

Un juge fédéral sous enquête pénale

Sepp, l’arroseur-arrosé

Olivier Thormann parlera-t-il ?

Retrouvailles à Bellinzone

Laurent Flutsch interroge Sepp Blatter

Blatter ne répond pas aux questions de la FIFA

Wunderbar

On appelle ça un juge fédéral ?

[1] Avec extensions possibles à d’autres personnes !

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