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Billet de blog 11 juillet 2022

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Pourquoi le MPC et la FIFA se sont réjouis de l'acquittement de Michel Platini

Le ministère public de la confédération et la FIFA ont été déboutés par le tribunal pénal de Bellinzone qui a acquitté Sepp Blatter et Michel Platini. Pourtant tant le MPC que la FIFA se sont réjouis de ce résultat. Voici pourquoi.

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Sepp Blatter et Michel Platini se sont réjouis de l’issue de la procédure menée à leur encontre par le MPC et par la FIFA. Tous deux sont acquittés et ainsi déclarés innocents des graves crimes dont on les accusait. On pourrait alors penser que les parties opposées aux accusés soient aujourd’hui totalement déconfites. Mais pourtant la vérité est différente : le MPC et la FIFA se sont dans le secret des alcôves donné l’accolade, ayant réussi le carreau parfait [2] au-delà de toutes les apparences.

Pour comprendre la chose, il faut saisir ce qui se cache sous le « je ne laisserai rien passer » exprimé par Michel Platini au pied du palais de justice à Bellinzone après le verdict d’acquittement. L’ancien capitaine des Verts reconsidère alors la position qui était la sienne en été 2015 de grand favori à la succession de Sepp Blatter. Sans l’émergence dans la sphère judiciaire et médiatique du paiement de 2’000’000 francs, il serait aujourd’hui président de la FIFA. Et ses avocats, suisses et français, disent que leur client a été victime d’un complot visant à l’abattre et faisant ainsi le lit de Gianni Infantino. Sans l’éclatement de l’affaire Blatter – Platini, le Brigand n’aurait jamais pu même imaginer avoir accès à la fonction suprême au sein de la FIFA. Et c’est précisément à la date du 8 juillet 2015 qu’eut lieu la première rencontre secrète entre les organes du MPC et Rinaldo Arnold, l’ami d’enfance de Gianni Infantino.

Or, le Tribunal pénal de Bellinzone a entrepris une démarche insolite avant de rendre son jugement d’acquittement, il a procédé à l’audition de Olivier Thormann, qui a expliqué dans quelles circonstances le MPC était entré en possession de la pièce fondant le soupçon de malversation commise contre la FIFA par le tandem Blatter – Platini. Puis, sur cette base, le tribunal pénal de Bellinzone a expliqué qu’il était dès lors tout à fait raisonnable pour le MPC d’ouvrir une procédure pénale contre Blatter et contre Platini, le bénéficiaire. [1]

Se faisant, le tribunal pénal de Bellinzone donne un blanc-seing à Michael Lauber, l’ancien procureur de la confédération, à ses subordonnés chargés de l’instruction et à l’ensemble du MPC qui a agi en tous points selon lui comme l’exige le code de procédure pénale. Cette thèse ravit Gianni Infantino puisque l’ouverture de l’action pénale n’est pas de son fait mais appartient « uniquement » au MPC. Ainsi Platini n’aura été qu’un justiciable balayé par les « hasards » des faits engendrant une simple procédure pénale aboutissant à un simple acquittement au terme de sept ans de procédure.

Le MPC quant à lui n’a rien à se reprocher puisque seules les instances disciplinaires de la FIFA ont conduit Platini à des années de suspension à l’intérieur de l’organisation faîtière du football mondial.

Et Rinaldo Arnold, l’homme de l’ombre, Brigand, plus Brigand encore que Gianni Infantino, dont les cadeaux reçus par la FIFA m’ont pas ému son ami Nicolas Dubuis, procureur général du canton du Valais, qui l’a absous sur le plan disciplinaire, n’aura alors été qu’une simple passerelle d’accès au pouvoir de son « capo » préféré, le prénommé Gianni.

On comprend alors mieux la satisfaction intense qui a saisi le MPC et Gianni Infantino à l’énoncé non pas du dispositif du jugement mais des considérants oraux émis par la présidente du tribunal pénal de Bellinzone.

L’avenir dira si les avocats français de Michel Platini parviendront à convaincre le parquet français de traiter avec tout le sérieux nécessaire la plainte pour trafic d’influence dirigée contre Gianni Infantino lui-même et Marco Villiger, l’ancien chef du service juridique de la FIFA sous Blatter, cet homme qui paraît avoir lui-même bénéficié d’une aumône gracieuse lors de son départ de la FIFA.

L’avenir prochain dira aussi si la plainte disciplinaire contre Rinaldo Arnold que ne manquera de déposer L’1Dex, ami de la justice, sera traitée avec courage par le conseil de la magistrature du canton du Valais. Il ne s’agira plus pour Arnold de se défendre d’avoir reçu quelques billets pour assister à des matches de football, mais d’avoir à répondre à cette très simple question : est-il déloyal pour un magistrat d’instruction pénal d’utiliser sa fonction pour fixer des rencontres secrètes liées à une procédure pénale qui n’est pas dans ses attributions ? L’1Dex se réjouit déjà de la réponse qui sera donnée à cette interrogation par les collègues de Nicolas Dubuis, le récusé. Le blocage des institutions valaisannes étant un art majeur pratiqué par les Oberwalliser, qui ont même porté aux nues le tabou des deux demi-cantons dans le cadre de la Constituante en cours, on ne doute pas que ces qualités d’obstruction serviront encore à protéger l’un des leurs, l’ami d’enfance de Gianni Infantino.

[1] En substance, le tribunal pénal de Bellinzone a dit qu’au regard des éléments il ne semblait pas y avoir besoin de lanceur d’alerte mais le fait qu’il y en ait eu un n’est pas déterminant et ce n’est pas au TPF d’en juger. Globalement, le TPF a dit que « les preuves ont été obtenues de manière licite » et que « soupçon initial était suffisant » pour justifier l’ouverture d’une procédure pénale.

[2] Carreaux : Terme de pétanque

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