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(PAR MICHAEL KINSKEY [TRADUIT LIBREMENT PAR STEPHANE RIAND])
Michael Kinskey est un éditorialiste écrivant pour le magazine Vanity Fair et est un contributeur régulier du Washington Post.
Donald Trump est un fasciste.
Quand vous appelez quelqu'un un fasciste, vous pouvez signifier un certain nombre de choses. Souvent, cela fait simplement référence à "quelqu'un que je n'aime pas". C'est un épithète fourre-tout, utilisable par n'importe qui contre tout un chacun, du doyen d'une université jusqu'aux présentateurs de Fox News. Pour cette raison, ce signifiant devrait être utilisé avec parcimonie - réservé pour les occasions spéciale. Comme cela est le cas avec "Nazi" ou Hitler", il est souvent mentionné dans les discussions que la première personne réduite à utiliser l'un ou l'autre de ces mots a été vaincue dans le débat. C'est ridicule de comparer n'importe quel être vivant à Hitler ou à Mussolini.
Mais j'utilise "fasciste" dans un sens plus clinique. Depuis moins d'un an, et spécialement depuis son élection à la présidence, les citoyens, les gens, ont essayé de considérer les principes politiques de Trump : pour quoi se bat-il ? Comment agira-t-il en tant que président ? Plusieurs théories ont été avancées. Certains pensent qu'il a gagné l'élection en se pliant simultanément aux exigences de différents groupes au moyen d'objectifs conflictuels, et en les convainquant tous qu'il était de leur côté. Était-ce une exploitation calculée de la politique de l'Amérique du "donne-moi, donne-moi, donne-moi"? Ou était-ce la politique d'un homme qui n'avait pas de politique, qui voulait être président parce que, dans notre culture de la célébrité, c'était le seul travail plus séduisant que celui d'être une star dans sa propre émission de TV réalité ? On a suggéré, dans l'unique sujet de conversation du mois dernier à Washington, que Trump pourrait se permettre de prêter serment comme président et de démissionner, ayant accompli ce à quoi il avait aspiré.
Mais maintenant que nous avons pu voir un peu de son action, il semble qu'aujourd'hui Trump a un objectif reconnaissable qui explique comment il peut simultanément se plier aux objectifs du "big business" en général tout en "armant fortement" (les mots même d'un éditorial du Post de vendredi) une entreprise d'air conditionné pour sauver pendant un moment quelques centaines de postes de travail. Ou comment il peut être sympathique avec l'autoritaire Vladimir Poutine tout en faisant du bruit et promouvant une politique étrangère belliqueuse. Ou comment il peut allègrement mettre en danger le délicat balancier de nos relations avec la Chine et Taiwan avec un appel téléphonique absurde. Tous ces comportements apparemment erratiques peuvent être expliqués - si ce n'est pas justifiés - en pensant Trump comme un fasciste. Pas dans le sens d'un mauvais gars à tous points de vue, mais dans le sens de quelqu'un qui croit sincèrement que la combinaison toxique d'un gouvernement fort et d'entreprises fortes pourraient diriger la nation et le monde. Il a passé sa carrière précédente à négocier avec le gouvernement pour le compte d'entreprises; maintenant il a changé d'équipes. Mais c'est le même jeu. Ce jeu a plusieurs noms : "Étatisme entrepreneurial" (corporate statism) en est un. En Europe, ils appellent ça "dirigisme". Ces deux derniers mots pour ça - "Nazisme" et "fascisme" - sont au-delà de toute respectabilité. Ça signifie, rugueusement, de combiner la puissance de l'État avec la puissance des entreprises (corporations). A son extrême le plus doux, il s'agit de réglementations intrusives dans les affaires au sujet du congé parental et de choses similaires. Et dans ses aspects les plus toxiques, il s'agit de camps de concentration. Dans les années 1930, quelques Américains (ce qui inclut quelques démocrates libéraux) ont approuvé ce chemin. Pearl Harbor y a mis fin. Même pour Trump, "fascisme" est un sale mot, pas simplement un choix politique. Même Trum' ne l'utilisera pas - à tout le moins au sujet de lui-même. Mais que Trump négotie avec Carrier et sa filiale, United Technologies, pour "sauver" des centaines de postes de travail est un premier exemple de cette philosophie.
Trump se vante de "sauver" les postes de travail des ouvriers du Midwest par une combinaison de pots-de-vin et de tordages de bras. Et des centaines de jobs seront perdus et Trump en qualité de président n'a plus la possibikité de négocier pour des millions de travailleurs. Mais Trump croit - croit vraiment, je pense - au titre de l'un de ses livres : l'art des affaires. Il pense qu'il est le plus grand négociateur du monde.
Lorsqu'il dit qu'il ne révèlera pas ses revenus fiscaux parce qu'il est en plein milieu des négociations avec l'administration fiscale, il peut être sincère. Il affirme, de manière crédible, qu'il est audité chaque année. Cela signifie que la déclaration fiscale annuelle n'est que l'ouverture d'une partie d'échec annuelle, et Trump ne veut pas renoncer à sa propre ouverture. Maintenant il prévoit de négocier plus d'"affaires" et il pense - peut-être parce qu'il l'a emporté sur des inspecteurs moyens du fisc - qu'il peut ruser avec les leaders politiques et d'affaires mondiaux.
"The Art of the Deal” n'est pas "Mein Kampf,” quoique n'être pas "Mein Kampf" n'est pas vraiment une publicité.
Pour être clair : si j'ai raison et s'il est vrai que Trump n'a pas aujourd'hui de philosophie de gouvernement, cela est une mauvaise chose, et non pas une bonne chose. S'il a aujourd'hui des principes pour le guider dans les marécages qu'il veut drainer, ceci est alarmant, pas rassurant. De mauvais principes ne sont pas un bon substitut à l'absence de principes. Quatre ou huit années de mauvais principes peuvent faire de l'absence de principes quelque chose d'apparemment assez bon.