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Billet de blog 12 mai 2013

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De la subversion du monde du football selon Christian Constantin

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La Porte d’Octodure, c’est l’antre de Christian Constantin. On y trouve trois vaches de couleur, la bible des licences de la ligue suisse de football et un espace de temps pour le silence de l’argent. Ça donne à penser et ce n’est pas rien.

Voilà donc Christian Constantin confronté à la question de l’intransparence de la finance dans le monde du football qui reconnaît l’opacité qui l’anime à ce sujet du fait de l’état de la société. Son énoncé, presque célèbre, devant les journalistes, « je n’ai pas la mémoire des chiffres », a son vrai ressort psychologique dans une posture qui n’est pas celle d’un con qui marche, mais d’un intellectuel assis. Et la pensée, surgissante, immédiate et terrible, révèle un au-delà de la chose que personne ne pourra éviter : « ne pas avoir d’argent suscite l’irrespect chez les autres ». Ces simples mots pourraient à eux seuls expliquer tant de choses. Être la source de tant d’articles. Provoquer tant de haine, d’admiration ou de malentendus. Inciter à tant d’ironie ou de moquerie. Inciter même à une vraie révolution ou à une lâche inertie. Mais déjà la pensée s’envole dans une autre contrée, celle du foot-fric, que l’on croit si proche de celle de l’argent dans le football alors même qu’elle envoie déjà sa raison sur un autre terrain de jeu que celui du pénalty manqué ou du coup-franc en pleine lucarne.

Certains, à L’1dex et ailleurs, amoureux de ce blog ou mon ennemi déclaré, pensent que j’y écris trop. Ou trop sur le foot. Ou trop sur le caillou. Ou trop sur Luca. Ou trop sur la justice. Ou trop sur la finance. Trop de mots. Trop de ça. Certains même pensent que je pense trop à Oskar. D’autres que CC est mon ennemi. Tous ceux-là, et les autres, tous ceux qui croient qu’un article doit être bref et concis, ont ici cette douce liberté de ne point me lire, d’écouter du Miles Davies, de revoir sur « you tube » les exploits de Michael Jordan, de lire de la sociologie du sport avec Caillat, de s’instruire à la macro-économie ou à la poterie, de se balader avec son chien, d’aider son voisin, d’écrire des poèmes, de manger « A la Vache qui vole » ou de lire Le Nouvelliste.

Et il y en aura quelques-uns qui voudront savoir quel espace d’utopie a franchi Christian Constantin pour sauver le football.

A bien y réfléchir, on est ici au confluent d’enjeux sociaux, politiques, financiers, économiques, maffieux et éthiques colossaux. J’ose même : et si la révolution s’arrimait au concept moderne du sport contemporain de compétition. Oui, je sais, c’est une hérésie, je me tais et je laisse la parole à Christian Constantin.

Ses fans m’en voudront. Encore un paragraphe explicatif ! Encore une digression inutile ! Encore des mots en trop ! Soit. Mais sachez ici que les mots en italiques, ceux venus de l’esprit de Christian, sont différents de ceux de la bouche de Constantin. Parce que l’intégralité du propos fera l’objet d’autres mots. Parce que la clarté de la pensée de l’inventeur de la chose n’est pas celle du défricheur du concept. Parce que le détenteur de la marque n’est pas toujours son designer. Parce que la couleur d’un bon mot n’est pas toujours source de limpidité du discours. Et surtout parce qu’un scoop n’attend point la dactylographie d’une discussion étendue – ma secrétaire a droit aussi à ses congés -.

« J’ai dit à Sepp Blatter comment il fallait sauver le foot. La FIFA doit prendre le contrôle des paris en ligne. Elle doit mettre la main sur tous les sites qui utilisent le football pour réaliser des gains faramineux et illégaux. Ne pas le faire va conduire à la disparition du football. Et tous ces gains que réalisera la FIFA par la mainmise sur tous ces paris en ligne permettront de réinjecter l’argent dans le football, dans la formation des jeunes sportifs, dans les infrastructures des clubs. Ne pas le faire, ça va tuer le football ».

Et Christian Constantin de prendre l’exemple – imaginaire ou non, peu importe – d’un match de C 1 italienne où les équipes s’entendent pour faire match nul 2-2 à la mi-temps, empocher à la pause un petit pactole, accepter que le sort de la rencontre ne se joue qu’après le thé et obtenir ainsi les grâces des organisateurs de ce pari truqué qui s’en mettent plein les fouilles sous l’oeil ébahi du parieur cocu et dépouillé.

Cette manne du jeu qui transite par internet, Christian Constantin l’imagine dans les mains exclusives de la FIFA faisant peut-être ici le lit d’une Commission éthique qui chapeauterait l’ensemble.

On peut sourire de l’utopie et s’indigner que l’on ose imaginer un pouvoir décrit en d’autres lieux comme corrompu à même de régir le temple de la toile du jeu. On peut aussi sourire de l’incohérence du capitaliste à annuler les bienfaits de la concurrence en favorisant le plus grand bouffeur de pesetas du monde sportif. On peut même dans quelque soubresaut sociologique ou économique expliquer que la position exprimée par le président du FC Sion est très exactement celle décrite par Marx dans Le Capital démontrant la nécessité de la concentration du capital. A l’extrême limite de l’imagination la plus vicieuse et de la diffamation la plus immonde, on pourrait même soutenir que les clans calabrais voudraient ce faisant se racheter une réputation et s’abriter derrière un grand frère plus puissant.

Ce n’est pas cette route que je vais prendre. C’est une route bien plus tortueuse, un chemin bien plus escarpé, un filin proposé à ma réflexion par la parole de Christian Constantin sur le FC Sion d’aujourd’hui. Les puissances de l’argent font nécessairement de cette petite chose engluée au milieu de conglomérats financiers ou chimiques hyper sophistiqués une petite chose si fragile, si frêle, si improbable, qu’il faut être redoutablement inventif, avoir « l’oeil immobilier » de chaque instant pour oser prétendre à conserver cette chose en état de marche au milieu de tous ces vautours immortels. Et si l’on suit ce chemin incroyable, on en vient en toute raison à imaginer que Christian Constantin, originaire d’Ayent, a la passion du foot. Que le foot, même avec ses milliards, même avec ses étoiles, même avec ses fans et ses stratèges, est un ilot bien moins solide qu’on ne le croit.

Dans le foot, comme dans la cité politique, deux espèces juridiques contradictoires s’opposent : d’un côté la liberté individuelle et la possibilité pour chacun d’offrir ses services et ses compétences sportives à travers la planète-foot; de l’autre, la nécessités de solidarité et de formation des joueurs, d’élévation de leur niveau et de leurs performances grâce à un encadrement et à des institutions de formation de qualité. Et précisément, nous suggère Christian Constantin, l’émulation et la compétition fondant la concurrence des clubs, exige des sommes très élevées, donc des sources de financements multiples à imaginer chaque soir. Et ce souci d’argent n’est pas moindre en Valais que partout dans le monde. Alors sous le coup d’une intuition acérée, un gars d’Ayent (pas de Saint-Romain, faut pas exagérer !), ayant depuis tout petit la passion du ballon rond, s’en va auprès de la FIFA lui dire les modalités d’accaparement de l’argent à répartir à travers le monde dans la formation des jeunes.

Alors d’aucuns s’égorgeront devant cette nouvelle facétie d’un monstre valaisan. Que n’a-t-il pas pu investir davantage dans ce secteur en Valais auparavant ? Que n’a-t-il pas pu faire confiance à des jeunes de chez nous pour atteindre l’Europe ? Et les sempiternelles discussions s’achèveront dans une incompréhension mutuelle née de positions diamétralement différentes et souvent contradictoires.

Je dis aujourd’hui tout autre chose qui va faire hurler le Valais bien pensant, celui qui n’aime pas la choucroute, qui va étourdir Stéphane Fournier, « l’homme qui ne dit du mal de personne », qui va désorienter les subversifs du ballon rond, qui va contaminer les anciens disciples de Jacques Guhl, qui va même m’attirer les remontrances éternelles de David Claivaz, qui va enfin m’attirer une plainte pénale de l’homme dont je parle.

Christian Constantin, ami du ballon rond, n’est pas un con qui marche; c’est un intellectuel, bien assis dans sa chaise. Un intellectuel du football.

Post Scriptum : au stade où j’en suis j’ose même déplaire à mon ami Raphaël Brunner, l’un des intellectuels les plus brillants et les plus ignorés du Valais, et tente une comparaison déraisonnable : Foucault pensait le monde carcéral et agissait en son sein; Christian Constantin pense le monde du football et agit en son intime; le premier avait « l’œil littéraire », il a écrit et instruit; le second « l’œil immobilier », il aura acheté et vendu.

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