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Billet de blog 12 juin 2013

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Entre irresponsabilité helvetica et contrainte americana

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’Helvétie ne veut pas que ses banksters soient des irresponsables. La psychiatrie étant inaccessible aux psychopathes, on préfère la voie d’urgence, celle de la modification intempestive de la législation bancaire. Aux oubliettes le secret bancaire dès l’instant où se joue, dit- on, l’avenir économique du pays. On avouera en catimini que certains ont surexagéré, que d’autres se sont crus plus malins que le vent et que les aigrefins sont évidemment des coquins. Mais ce discours, on l’aura en cachette, qui au fond d’un parking et de manière ciblée (« les gars de l’UBS sont des salopards »), qui dans un SMS confidentiel (« nous, on ne fait pas de démarchages … [quant aux autres ...]« ), qui aux commissions sénatoriales américaines en échange de gros biftons et d’une impunité honteuse (Birkenfeld, priez pour nous qui respectons trop la loi).

Chaque parlementaire, chaque conseiller fédéral, chaque citoyen sait que pas mal de banquiers suisses, ceux de l’UBS, du CS, peut-être même ceux de Pictet et de la Banque Cantonale de Zürich, d’autres encore, ont franchi les limites de la bienséance, celles de la loi et celles des pratiques déontologiques. Ils (les hommes et les femmes) et elles (les banques) méritent un clair châtiment. Certains devraient aller en prison, d’autres mériteraient la ruine, quelques-uns des amendes salissimées. A chacun selon ses actes. A chacun selon la loi. Et pourtant voilà un Conseil fédéral qui, avec l’aide des Chambres fédérales, essaie d’organiser « une monstruosité juridique ». Oui, vous avez bien lu, « une monstruosité juridique », ce sont les mots mêmes utilisés sur RTS ce 10 juin 2013 par le professeur de droit constitutionnel, Andreas Auer. Voilà un homme, qui n’est ni anarchiste, ni léniniste, qui affirme aussi que ce qui se concocte au Parlement est clairement une violation monstrueuse de la Constitution. Et, dans le même temps, les parlementaires, du moins certains d’entre eux, le moins possible espérons-le, s’échinent à vouloir faire voter ce texte anti-constitutionnel. Ils savent qu’ils ne risquent rien, pas même un désaveu du Tribunal fédéral puisque la vérification de la légalité constitutionnelle d’une loi fédérale n’est pas soumise au contrôle de la juridiction supérieure. Cette « monstruosité judiciaire » a peut-être été inventée pour ces moments décisifs de la vie démocratique d’un pays, celui où nos représentants doivent choisir : choix de vie entre un Etat de droit ou un Etat où ne règnerait que la loi du plus fort. Les banquiers savent appartenir à la race des puissants, ils osent donc s’approcher en groupes ordonnés et économiques vers ceux qui se croient encore uniquement soumis au droit du plus fort. Nous disons ici avec conviction que sans un minimum de respect du droit souverain de la Suisse les libertés de tous seraient grandement menacées. A moins de penser qu’au respect de loi doit succéder celle de la jungle. Peut-être est-ce au fond cette conviction intime qui les anime qui pousse la droite économique anti-démocratique à faire le pied de grue et le siège des commissions du Parlement. Certains conseillers nationaux, tel le PLR Olivier Feller, excellent sur la RTS, résistent et invoquent certains principes clefs de notre Etat de droit.

En Suisse, la responsabilité de l’helveticus politicus est de privilégier notre Constitution et de s’opposer à une Swiss Lex made in USA. Et à reconnaître simultanément le droit américain à s’appliquer aux filous, même suisses, qui auraient violé ce droit étranger à travers des pratiques bancaires nauséabondes. Et à croire enfin que la diplomatie ne s’arrête pas devant les palais de justice, fussent-ils de Washington.

C’est à ce prix que le métier du politique serait aussi un métier d’homme.

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