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Billet de blog 12 juin 2013

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InfraRouge, SupraOpaque

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les téléspectateurs de la RTS qui ont suivi « Infra Rouge » hier soirn’ont plus guère de doute : la Lex USA est enterrée; le Parlement n’osera pas violer la Constitution fédérale pour plaire à une branche de l’économie; la souveraineté suisse ne mérite pas que la seule évocation de l’urgence puisse contraindre à modifier provisoirement une législation portant sur le secret bancaire.

Le Conseiller d’Etat Leuba, pourtant PLR, a ouvert les débats en s’opposant avec force à cette atteinte caractérisée à la souveraineté d’un pays menacé par les Etats-Unis : « Je suis .. abasourdi … j’ai de la peine à admettre qu’une autorité extranationale puisse dicter le timing … aux parlementaires suisses. On est dans une situation incroyable ». Xavier Oberson (« comment ne pouvons-nous pas faire comprendre cela aux Américains ? … il y a quelque chose que je ne comprends pas … le danger est beaucoup plus grave pour nos institutions… »), professeur de droit fiscal, qui a participé aux négociations ayant abouti à la convention de double imposition conclue entre les Etats-Unis et la Suisse, ne comprend pas pourquoi les Américains ne veulent pas respecter la procédure constitutionnelle helvétique alors qu’eux-mêmes sont si sensibles au respect de leur propre constitution très similaire à la nôtre. Le représentant des banquiers privés, Michel Dérobert, a défendu d’une demie lèvre (à peine !) un projet que l’on devine fort contesté par certaines banques qui n’ont pas eu les pratiques détestables de certains : « la face secrète de l’accord est désagréable pour tout le monde ». Le conseiller national UDC Yves Nydegger (« les Etats-Unis jouent de la canonnière »; « on demande au Parlement de se faire hara-kiri ») a mis en évidence les multiples contradictions internes au projet soumis aux parlementaires. Seul, mais de manière finalement très opaque, le vice-président du PDC Suisse, Dominique de Buman (« il pourrait y avoir des incidences systémiques »), a tenté de venir au secours de Evelyne Widmer-Schlumpf : on n’ose pas penser pour la santé intellectuelle et politique de notre pays que son discours puisse l’emporter.

On voudrait donc permettre, pendant une période limitée à un an, aux banques de violer le droit suisse, le secret bancaire qu’elles ont si vigoureusement défendu depuis des dizaines d’années, et fournir des informations sensibles aux Américains sans devoir encourir le moindre risque en Suisse. Le comique de la chose est que les USA soutiennent ce démantèlement programmé du secret bancaire alors qu’eux-mêmes ne veulent rien communiquer à ce sujet, par souci du secret, aux parlementaires fédéraux. Comme l’a bien expliqué ce matin à la radio Xavier Oberson et Luc Recordon (« c’est une situation absurde »), voter une loi alors même que personne n’en connaît les effets, ni les conséquences, n’est tout simplement pas admissible. Accepter ce projet de loi serait admettre que les parlementaires travaillent dans l’aveuglement le plus complet.

Infra Rouge a révélé à la Suisse romande ce mardi à quel point certains élus, représentant les citoyens, admettaient de prendre des décisions dans l’opacité la plus absolue des informations mises à leur disposition. Des parlementaires disent, sur la base de simples menaces venant de l’Amérique, être prêts à violer la constitution, à changer la loi pour une période limitée, à livrer des hommes à des tribunaux étrangers et à sauver ainsi, pensent-ils, un secteur économique essentiel à notre pays.

Quel écrivain aurait oser imaginer un tel scénario il y a à peine « un lustre » ?

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