Dans trois articles successifs des 14, 15 et 18 août 2013, sous les titres « Ludovic Rocchi et les simples d’esprit« , « Evo Morales est le grand frère de Ludovic Rocchi » et « le procureur et la cour d’école« , j’avais pointé le caractère hors-la-loi des mesures de perquisition prises par un procureur à l’encontre d’un journaliste, la possibilité parfois pour les magistrats de vouloir créer un état d’exception à l’extérieur de l’Etat de droit et de l’importance décisive dans une démocratie de la liberté de la presse. J’avais indiqué à quel point il fallait avoir osé déraper pour avoir ordonné à l’encontre d’un journaliste d’investigation des mesures aussi coercitives que celles choisies et décidées par un procureur du canton de Neuchâtel.
Les journalistes, en Suisse romande et ailleurs, avaient été très mesurés dans la défense – nécessaire – de leur confrère. On peut même dire que, sur un plan tout général, la profession a été lâche dans ce combat.
Et puis on apprend dans Le Matin du jour, dans Le Temps et dans Le Nouvelliste, que le procureur neuchâtelois a été désavoué par le tribunal compétent. Les amis de la démocratie s’en réjouissent.
Le procureur général du canton de Neuchâtel évoque l’existence d’une différence de sensibilité qui expliquerait le choix posé par son subordonné. Si l’on comprend le souci de préserver une caste et une corporation, on ne saurait se satisfaire de cette interprétation. Il ne s’agit pas d’une différence de sensibilité. Non, il s’est agi d’un prononcé fait dans l’illégalité; il s’est agi d’un magistrat qui s’est moqué de la presse, en général, et d’un journaliste d’investigation en particulier; il s’est agi d’un moment où le pouvoir judiciaire, celui du Ministère public, a tenté la voie de l’illégalité pour maîtriser une presse trop curieuse; il s’est agi d’un moment où un homme doté de la puissance publique et d’une puissance judiciaire a voulu affaiblir la démocratie de chez nous.
Parler d’une différence des sensibilités pour cacher un moment grave d’illégalité, c’est vouloir faire croire aux citoyens d’ici et d’ailleurs que tout cela était bien léger et qu’il faut oublier. C’est très exactement ce que Ludovic Rocchi et tous les journalistes ne devraient pas faire, car ce qui s’est passé est grave.
A moins de penser que le prochain silence des hommes de presse s’inscrive dans un souci d’apaisement qui sera encore une petite défaite supplémentaire pour tous ceux qui ont le souci de la nécessité d’une vraie liberté de la presse.