Remarque préliminaire pour les lecteurs de MEDIAPART : ce texte est paru ce jour à L'1dex, en Suisse, dans le Valais, dans un canton que l'on dit démocratique. La liberté de la presse, le droit de savoir, la liberté d'expression peuvent être bafoués dans la plus vieille démocratie du monde. Cest l'affaire de tous.
D’aucuns en doutaient : le Valais est encore un État de droit, les juges ne sont pas politiques, la liberté d’expression est sacrée, la liberté de presse est à protéger, le journalisme est un métier d’intérêt public.
Qu’en son temps, Joël Cerutti, alors travaillant au Matin, fut sermonné tel un malpropre pour avoir trop fouiné dans les affaires hospitalières de ce canton, personne n’a cru bon de se porter à son secours et de dire son fait à cette censure d’une gravité déjà grave.
Que plus tard L’1dex soit épinglé pour avoir osé égratigné sa Seigneurie Edmond Perruchoud qui conclut dans un puissant moment de proportionnalité à la dissolution pure et simple de notre association, personne parmi la presse libre ne pensa qu’il convenait de réagir avec force à ce nouveau moment d’incommensurable bêtise judiciaire initiée par un futur Grand Baillif.
Et puis survint cette première mise à l’écart de la RTS, lorsque Dominique Giroud, l’éminent fraudeur viticole, s’en vint obtenir l’interdiction superprovisionnelle d’une émission tout à fait équilibrée sur la base du fallacieux prétexte de faits trop anciens pour mériter qu’une information équilibrée s’intéressât à eux.
Et voilà qu’en ce 12 mai 2014 après Jésus-Christ, le même Tribunal de district de Sion prononce à titre de mesure superprovisionnelle l’interdiction d’une émission télévisée qui n’a pas même été préalablement visionnée par l’autorité judiciaire. Le mur de la gravité gravissime gravement grave est franchi, dépassé et atomisé.
Le Valais judiciaire est devenu le Far West, Tintin reporter y voyage en sachant que les hors-la-loi tirent à vue, que les shérifs ont des colts en bandouillères et que le whisky a la couleur de la piquette à Giroud. Le French Cancan s’y danse en robe de magistrat, un évangile dans la poche revolver du jeans délavé et ayant cette odeur si reconnaisable parmi toutes que la nommer risquerait de nous conduire une nouvelle fois vers l’échafaud judiciaire.
Le héros de la BD qui débarque dans ce pays des frères Dalton va vouloir trouver des explications raisonnables à ce festival d’élucubrations anachroniques :
1. Le droit a été scrupuleusement respecté : cette explication n’est emvisagée par personne de sérieux, on ne va donc pas s’attarder devant cette hypothèse non valaisanne, toute imaginaire en ce coin de terre où les intérêts claniques et étatiques sont si bien protégés et congelés.
2. Le journaliste a commis une « hénaurme » bêtise déontologique : comme me l’a écrit hier soir un rédacteur-fondateur de L’1dex, ce cas improbable serait très éclairant en matière de liberté de la presse. Rien n’est à exclure en ce bas monde.
3. La volonté d’une entreprise de défendre son image économique : si la révélation de la RTS n’est pas « hénaurme », une telle attitude serait ridicule et clairement contre-productive de la part du requérant qui a si bien instrumentalisé le monde de la justice de chez nous. Mais peut-être ne faut-il pas oublier non plus que la RTS est une entreprise de communication qui veut aussi défendre son honneur. Raymond Lorétan serait peut-être avisé de le faire savoir à ses amis conservateurs valaisans.
4. Des considérations de pure technique procédurale ont prévalu : mais, dans ce cas, la décision arbitraire n’aurait de sens démocratique que si elle était annulée dans les prochains jours. Prions le Seigneur !
5. On a voulu protéger des intérêts politiques : le scandale de l’Affaire Tornay ne permet pas d’exclure cette hypothèse. S’il ne s’agit pas d’un choix politique, alors on peut affirmer que la constellation Giroud fait très peu de cas de cette liberté essentielle qui est celle de la presse. Et il faut la combattre avec d’autant de virulence.
6. On aura dans tous les cas de figure observé que Dominique Giroud et Edmond Perruchoud se rejoignent dans ce monde de limitation draconienne de la liberté d’expression, cela ne surprendra guère le plus grand nombre.
Bernard Rappaz, le rédacteur en chef du téléjournal de la RTS, a indiqué très clairement qu’existait un droit prépondérant à l’information. C’est alors le lieu de lui dire que la RTS est financée par la redevance publique, par celle notamment des rédacteurs de L’1dex; que pour la défense de ce droit éminent de savoir et de partage de l’information, L’1dex est prêt à assumer à sa place la diffusion des nouveaux éléments d’informations prépondérants sur son site critique et libertaire non dénuée d’une certaine intelligence et d’une certaine force de caractère. Et de par notre implication essentielle dans l’Affaire Tornay, nous pensons être aujourd’hui légitimés à le faire, plus que tout autre média. Et Bernard Rappaz le faisant donnerait ce coup de pouce nécessaire du destin à une presse libre dont le Valais – et il le sait - a tant besoin.
Face à Tintin (la RTS), L’1dex n’est que Milou. Mais Hergé en accompagnant son héros d’un fidèle parmi les fidèles savait que le faisant le destin du Far West pouvait être changé : le hors-la-loi serait vaincu par un simple aboiement lancé à un moment clef de l’histoire du Valais.
Post Scriptum I : merci à Béatrice, qui ne peut ni lire ni écrire de m’avoir fait plonger dans cette idée de Tintin au Far West, donc chez les Soviets.
Post Scriptum II : on se réjouit d’entendre les prises de positions de notre ministre des institutions, Maurice Tornay, de notre ministre de la sécurité, Oskcar Freysinger, et – surtout – de notre nouvelle diva et chef de l’information, André Mudry; nous sommes prêts à tout, même au meilleur.