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Billet de blog 14 juin 2013

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Oser se foutre à ce point de la gueule des citoyens

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le Parlement fédéral, le Conseil fédéral, les banquiers sans scrupules, quelques lobbyistes fortunés, plusieurs escrocs en col blanc, essaient de sauver les banques sur le dos des institutions de la Confédération helvétique. On osera ainsi violer la Constitution fédérale, entourlouper les citoyens-votants et faire croire au pays que l’économie de l’Helvétie a droit à ces faveurs de canailles.

On sait, on croit savoir, on feint de savoir, on fait semblant de savoir, que les reproches formés par les USA à l’encontre des banques suisses, de certaines d’entre elles, de la plupart, de toutes peut-être, est d’avoir été les complices frauduleux de personnes défiscalisées ne voulant pas respecter leurs obligations légales dans leur pays d’origine ou de domicile.

C’est là, à ce point impertinent de l’histoire du présent, qu’il faut se rappeler ce que les lois du jadis contemporain prévoyaient. Soyez prêt au pire, et à plus encore, pour comprendre la qualité de la bonne foi légendaire de nos banquiers les plus nobles, les plus généreux, les parfaits, les plus soucieux du bien-être de la cité et du lien social.

Pour comprendre l’impertinence insolente de la chose, il faut savoir que les actes reprochés aux banques ont eu lieu, grossièrement dit, dans les années 2000 (vous et moi savons que les années antérieures furent à l’aune des saisons ultérieures !).

Or donc, en ces temps-là bénis par les dieux, par Satan et par tous les anges du démon, existait une Convention relative à l’obligation de diligence des banques (CDB 03). Vous savez, ce texte essentiel à la pratique toute déontologique des charmants employés de banque de chez nous, de nos frères de sang, de nos amis caissiers, de nos représentants bancaires les plus capables, vous savez, cette bible bancaire connue par cœur par chaque cadre de nos plus prestigieux établissements.

Les rédacteurs de ce monument guerrier de l’éthique bancaire ont prévu une partie relative à la soustraction fiscale : « Les banques ne doivent pas fournir une aide à leurs clients dans des manoeuvres visant à tromper les autorités suisses et étrangères, en particulier les autorités fiscales, au moyen d’attestations incomplètes ou pouvant induire en erreur d’une autre manière ». Ont été prévues également des dispositions interdisant l’assistance active à la fuite des capitaux : « Les banques ne doivent prêter aucune assistance active au transfert de capitaux hors des pays dont la législation prévoit des restrictions en matière de placement de fonds à l’étranger. » La formulation des titres faisait croire aux lecteurs inattentifs que les banques devaient éviter des relations visant à la soustraction fiscale ou à une activité pouvant être assimilées à une fuite de capitaux. Mais tout un chacun sait que l’interprétation littérale des textes ci-dessus par les banques, leurs conseillers, avocats ou fiduciaires, visait à autoriser une participation active et complète des banques aboutissant dans le réel à des soustractions fiscales massives et à des fuites organisées sur de grandes échelles des capitaux.

Les juristes de la banque vous répliqueront que les dispositions fixées dans la CDB 03, non pas dans le titre mais dans les mots des articles, ont été généralement très bien respectés par les banques. C’est d’ailleurs probablement la raison pour laquelle des divins esprits frondeurs organisèrent l’établissement d’une autre CDB, la CDB 03 étant remplacée par une nouvelle version de la Bible de Jérusalem, la CDB 08. Les lecteurs de L’1dex pourront aller jusqu’à vérifier les articles 7 et 8 de la CDB 08 et comprendront comment les Saints de la Banque ont su protéger leurs intérêts, la loi, le droit, la morale, la déontologie et l’éthique. Du travail de bénédictin, conçu par des esprits puritains, bien-pensants et aimant la bonne chair.

La politique des choses était alors fort simple : mettre en mots des principes d’interdiction de participation à des soustractions fiscales et à des fuites de capitaux; développer à l’intérieur des articles des moments de résistance pour autoriser des pratiques qui n’ont pas même cours dans la jungle des traders; admettre dans le réel que tout est permis et plus encore. Telle était cette politique des choses, des choses de l’argent, à laquelle la Suisse, le sachant ou feignant de ne pas le savoir ou même ne le sachant pas, a donné son inimitable blanc-seing.

La Suisse, c’est vraiment un pays d’orfèvres.

Et d’oseille.

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