(Par Béatrice Riand)
Il y a eu le Journal d’Anne Frank, voilà le Journal de Polina.
Elle avait 13 ans et se cachait pour fuir les persécutions nazies.
Elle en a 14 alors que débute la deuxième guerre de Tchétchénie.
La première vit recluse, et nous livre ses pensées, ses réflexions, ses interrogations.
La seconde survit dans un immeuble bombardé quotidiennement, et nous plonge dans l’enfer de sa lutte quotidienne pour la quête d’un peu de nourriture.
Anne peine à survivre psychiquement dans un espace confiné, dans une promiscuité obligée. Polina souffre le martyre dans sa chair, et la mort l’effleure de ses ailes sans jamais tout à fait l’emporter.
Anne est l’esprit quand Polina est le corps, mais elles partagent la même douleur. La même incompréhension.
Anne est Juive, Polina russe par sa mère. Leur sang les condamne. Leur sang impur, leur sang ennemi.
Elles sont adolescentes, elles aiment lire, écrire. Elles rêvent, une plume à la main et de l’or dans les doigts. Elles rêvent, adorent leur mère puis la rejettent pour mieux l’aimer encore. Observent l’univers, perdent leurs repères.
Elles connaissent les premiers émois, s’en inquiètent, hésitent. Réalisent que les relations humaines, en temps de guerre, s’enlisent dans la médiocrité, parce que la peur, la faim, la soif, le froid … tout cela met à nu la petitesse, la voracité, la mesquinerie. Et la brutalité. Et la cruauté. Et la bestialité.
Les deux témoignent.
Il y a des rats, partout. Les uns claquent leurs bottes et défilent en rang, les autres mordent et empiètent sur l’espace vital de Polina. Volent les grands-mères et violent les jeunes filles.
L’une a survécu, l’autre non.