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Billet de blog 19 janvier 2014

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Mort de rire

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(Par FABIEN SPINA)

Oui, vous ! Tous autant que vous êtes ! Vous m’avez arraché mon ami le plus fidèle, le plus diligeant et le plus salvateur. Vous avez tué mon fidèle compagnon, mon frère… mon frère.

Vous aviez tenté de nous corrompre, mon rire et moi, avec vos mots. Mais nous nous sommes tus, ou plutôt nous avions couvert notre complicité d’une main sur la bouche. Mais c’est fini maintenant. Tout est fini. Le rire est parti pour de bon. Il m’a laissé seul dans la sombre forêt de votre mépris et de votre médiocrité. Ma pensée s’est cloîtrée dans ces temples encore plus obscurs et profonds que vos évangiles.

Et maintenant, que me reste-t-il ? Comment pourrais-je me défendre ? Quelle serait ma répartie à vos injures ? Sans rire ?

Pourtant… j’avais pensé que rire était le seul rempart à vos atrocités. Que je pouvais, d’un sourire, fuir vos carnages et vos charniers. Que je pouvais sortir de mes pensées les plus noires et détourner le regard de vos horreurs d’un simple bris de voix. Comment pourrais-je continuer à supporter vos justifications malheureuses et vos fausses indignations ? Comment sortir de l’impasse de vos conventions hypocrites ? Le rire était pour moi la clé de toutes vos serrures. Il était la paume du genre humain, que je serrais avec plaisir, à loisir, tous les jours, à tout moment de la journée, au pire, au meilleur, comme un geste me tirant hors de la pourriture générale vers notre plus petit dénominateur commun. Le rire.

Vous avez mis à mort ma conscience, comme vous auriez écrasé une mouche. Au-dessus de l’amour, au-delà de la haine, traversant l’ironie, le sarcasme, le cynisme et les baratins. Un ange gardien fidèle. Un château imprenable. Le rire. Avec des larmes plus claires et gorgées d’eau que vos pleurs.

Vous l’avez brisé, rendu frêle et timide. Conformiste. Triste comme vos vies et vos règlements. Vous l’avez codifié, étiqueté et rangé. Vendu aux vendus. Et le voilà transformé en jurons, en insultes et en revendications, usé par votre corruption, vos manigances voilées et vos mensonges. Vous riez entre vous, entre amis, entre gens de la même famille, cachés dans la honte de votre clan. Vous vous moquez des faibles et des ignorants. Vos repas ne brillent que lorsqu’il s’agit d’un dîner de con. Ces mêmes cons qui se disputent les miettes du festin quand le rire glisse sous la table.

Mais… je le sens encore, là, dans ma gorge. Il suffoque, mais il survit. Il plie mais ne rompt pas. Mon salut. Mon rire. Il se débat car il attend la chute. Comme vous et moi. Car tout cela n’a aucune importance. Quand tout est perdu, il reste impassible et futile. Il se dresse comme un soleil et je sens sa douce et chaude révolte désinvolte. Car si je vous méprise, il me raccroche aussitôt à mon auto-dérision. Puisque je suis vous.

Ma chute. Je me gausse d’avance de votre chute.

MDR.

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